Lemonchois, sauf accident

Lionel Lemonchois (Gitana XI), en tête de la Route du Rhum dimanche soir avec une très confortable avance, est attendu en vainqueur lundi en début de journée à Pointe-à-Pitre. Sauf accident ou avarie de dernière ligne droite, le solide Normand de 46 ans, à la barre d'un trimaran du team Gitana, armé par le baron Benjamin de Rothschild, devrait battre très largement le record de la course, en arrivant en moins de huit jours. L'ancien meilleur temps, établi par Laurent Bourgnon en 1998, était de 12 jours, huit heures, 41 minutes et six secondes.

Derrière lui, Pascal Bidégorry (Banque Populaire) et Thomas Coville (Sodeb'O) étaient dimanche en position de monter sur les deux autres marches du podium. Lemonchois, souvent peu disert, ne boudait pas son plaisir lors du dernier contact radio avec la terre: "J'en ai rêvé, c'est fabuleux, surtout devant le plateau de skippeurs qui étaient là cette année", a-t-il dit, avouant que l'arrivée à terre et l'obligation de se plonger dans un tourbillon d'honneurs et d'interviews l'angoissaient un peu.

Lemonchois et Bidégorry avaient remporté ensemble la dernière transat Jacques Vabre, et le Basque s'avouait impuissant face à l'état de grâce qui semblait avoir touché Lemonchois sur ce Rhum: "Lionel a fait une course exemplaire. Je pense qu'au plus profond de lui, il est parti de Saint-Malo en se sentant imbattable. Il a ce petit plus qui fait que, parfois, on est intouchable, ça existe dans tous les sports. Moi, je n'étais pas venu pour prendre de tels risques, je trouve déjà que j'en ai pris énormément".

"Cette deuxième place annoncée pour Banque Populaire, c'est une victoire pour Pascal Bidégorry, croyez-moi", disait le skippeur en parlant de lui-même. Même son de cloche chez Thomas Coville, troisième, qui admettait que la victoire en course au large, avec les bateaux modernes, demanderait à l'avenir une prise de risque supérieure: "Pour gagner des courses de nos jours, il faudra être plus extrême que je ne l'ai été, il faudra savoir se mettre au-delà du mode normal sur une course aussi courte" . Et Coville d'ajouter: "La victoire de Lionel va faire l'unanimité parmi les skippeurs, et c'est rare un gars qui fait l'unanimité dans un groupe de compétiteurs".

Les skippeurs contactés dimanche confirmaient cette opinion. Lemonchois, un marin d'immense talent, qui s'est longtemps contenté de victoires en double ou en équipage comme "invité de luxe" , bénéficie d'une réputation d'homme intègre, libre de ses choix et peu soucieux de gloire ou de publicité. Une dernière qualité apparemment très prisée dans le monde des marins.

Cette Route du Rhum est par ailleurs une magnifique revanche pour la classe des grands trimarans de 18 mètres, toujours en danger d'extinction, faute de parraineurs. En 2002, seuls trois d'entre eux sur 18 au départ étaient arrivés en Guadeloupe. Les autres avaient succombé à la tempête. Cette année, les douze partants étaient encore en mer dimanche, plus de sept jours après le coup de canon du départ à Saint-Malo.

Dans la catégorie des monocoques, le chassé croisé des trois leaders a provisoirement tourné à l'avantage de Roland Jourdain (Sill & Veolia), qui a pris une petite avance d'une centaine de kilomètres sur Jean Le Cam (VM Matériaux) et Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec). Le premier mono n'est pas attendu en Guadeloupe avant la fin de la semaine.

1. Lionel Lemonchois (Gitana Xl), à 215,8 milles de l'arrivée

2. Pascal Bidégorry (Banque Populaire) à 200,5 milles

3. Thomas Coville (Sodeb'O) à 350,7 milles

4. Michel Desjoyeaux (Géant) à 360,4 milles

5. Yvan Bourgnon (Brossard) à 406,4 milles

6. Franck Cammas (Groupama) à 443,5 milles

7. Alain Gautier (Foncia) à 660,1 milles

8 Claude Thélier (Région Guadeloupe) à 987,5 milles

1. Roland Jourdain (Sill&Véolia) à 1507,3 milles de l'arrivée

2. Jean Le Cam (VM Matériaux) à 52,8 milles

3. Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) à 60,2 milles

4. Dominique Wavre (Temenos) à 104,8 milles

5. Brian Thompson (Artemis) à 152,7 milles

6. Anne Liardet (Roxy) à 295,7 milles

7. Armel Le Cléach (Brit Air) à 312,5 milles

8. Marc Guillemot (Safran) à 363,6 milles