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THE OCEAN RACE - Charles Caudrelier : "Humainement, c'est l'aventure la plus folle"

Glenn Ceillier

Mis à jour 13/01/2023 à 15:10 GMT+1

THE OCEAN RACE - Alors que les équipages de The Ocean Race prendront la mer dimanche, Charles Caudrelier, le dernier vainqueur de l'épreuve en 2017-2018, nous explique ce qui rend cette course autour du monde à part. Fin connaisseur pour y avoir participé à trois reprises, le vainqueur de la Route du Rhum 2022 souligne la difficulté de cette compétition et "l'aventure de vie" qu'elle représente.

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Charles Caudrelier, avant de prendre en main votre trimaran Maxi Edmond de Rothschild, vous avez participé à trois The Ocean Race. Vous avez d'ailleurs gagné deux fois (ndlr : 2011-2012 avec Groupama et avec Dongfeng Race Team en 2017-2018) dont la dernière en tant que skipper, quel est votre meilleur souvenir de cette compétition ?
C.C. : "C'est à la fois mon meilleur souvenir et mon pire car ce qui fait la particularité de cette course, c'est le côté "aventure humaine". Le dépassement de soi. La course dure neuf mois. On n'a pas l'habitude. C'est tellement long et il y a tellement d'étapes, que c'est difficile. Je me suis souvent dit que cette course était trop longue. Et en même temps, c'est ce que je retiens, c'est justement ça : qu'elle est longue et dure. Je n'avais pas envie d'y retourner. Et là, ils partent et je revis ces moments de partages uniques tout en oubliant les moments difficiles. Humainement, c'est l'aventure la plus folle que l'on puisse faire dans le monde de la voile. C'est ça qui est assez génial dans cette course. C'est ce qui fait qu'elle est si grande. C'est sûrement la course la plus dure par sa longueur, par les endroits que tu traverses, par l'engagement que tu dois mettre aussi bien sur le bateau qu'à terre…
Justement, comment cela se passe pour les familles ?
C.C. : Je me souviens quand je partais pour The Ocean Race, on se disait avec ma famille : "C'est top. Mais comment on va gérer ?" C'est difficile. C'est presque le challenge de cette course : arriver à tenir une équipe unie. Et quand je dis ça, je parle de l'équipe mais aussi des familles autour. Quand tu pars, il faut avoir conscience que tu emmènes tout le monde dans cette aventure. Les conjoints et les enfants font partie de la course. S'ils ne te rejoignent pas aux étapes et ne passent pas de bons moments, tu te prends les galères quand tu reviens… C'est ce qui fait aussi la beauté de cette épreuve, se retrouver dans ce microcosme tous ensemble. Ce sont des souvenirs incroyables. Quand je me retourne sur les courses que j'ai pu faire avec The Ocean Race, je me dis : "Mais quelle aventure". Mais pas seulement sur l'eau, c'est vraiment une aventure de vie.
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J'ai vu des gens très performants devenir non-performants
Et en tant que skipper, comment doit-on construire son équipe par rapport à ces contraintes ?
C.C. : Après ma première expérience où on a quand même gagné (ndlr : 2011-2012 avec Groupama 4), j'ai tiré des enseignements. On avait une équipe très forte techniquement mais avec des rapports humains parfois compliqués. On aurait dû gagner cette course avec plus de marge étant donné le potentiel de notre bateau et de l'équipe. Mais voilà, il y avait des egos difficiles à gérer. J'ai vu des gens très performants devenir non-performants car ils étaient en opposition avec d'autres personnes. Donc pour moi, c'était essentiel de prendre ça en compte quand je me suis retrouvé skipper de Dongfeng Race Team en 2017-2018. Avec Dongfeng Race Team, c'est l'humain qui l'a emporté. De toute manière, on l'a vu à chaque fois : sur la fin de course, c'est l'humain qui craque. Ce n'est pas le bateau. Et justement avec Bruno Dubois et toute l'équipe, on a su créer un esprit de famille en 2018. Sur la nourriture, sur la vie à terre avec sa famille, on avait apporté une attention particulière à tout cela et ça avait été la clef de notre succès. Pour prendre un exemple de cette réussite, on a un groupe WhatsApp avec l'équipe de cette aventure et personne ne l'a quitté depuis plus de quatre ans maintenant.
En quoi cette épreuve vous a aidé dans vos succès futurs et notamment pour la Route du Rhum 2022 que vous avez remportée en novembre ?
C.C. : Pour ma manière de naviguer, c'est évident. Avec The Ocean Race, on fait énormément de mille (ndlr : unité de mesure de longueur utilisée en navigation). En France, il faut trois ou quatre saisons pour en faire autant en compétition ! Et puis, dans une équipe de The Ocean Race, il y a énormément de ressources que l'on n'a pas l'habitude d'avoir pour travailler, évoluer, analyser…Pendant la campagne avec Groupama par exemple, j'ai appris plus de choses que pendant dix ans de navigation ailleurs car nous avons tellement navigué, fait tellement de tests… Surtout, j'ai aussi pu découvrir plein de cultures, de méthodes différentes pour naviguer. C'est hyper riche. La filière française est excellente, on est notamment capable de tout faire sur un bateau. Mais les Anglo-Saxons sont plus des spécialistes dans chaque domaine, ce qui m'a permis de me spécialiser dans des secteurs où je n'étais pas forcément le plus performant.
La Route du Rhum gagnée en novembre, vous êtes déjà sur un autre projet avec votre trimaran Maxi Edmond de Rothschild puisque vous êtes en stand-by pour le Trophée Jules-Verne (ndlr : le record du tour du monde à la voile sans escale et en équipage), où vous faites équipe avec Franck Cammas notamment. Vous avez quand même eu le temps de savourer un peu ce succès ?
C.C. : Pas vraiment. On s'est vite plongé dans ce tour du monde qui nous attend. Mais vous savez, on a des bateaux fantastiques et on ne fait pas beaucoup de courses. Ou en tout cas, pas assez à mon goût, donc je suis toujours content de repartir sur de nouveaux défis. Après, il faut avoir en tête qu'après un tour du monde, le bateau doit rester quatre à cinq mois au chantier. Donc, à ce moment-là, j'ai du temps pour me reposer. Et puis, j'ai été habitué avec The Ocean Race. Donc ça ne me fait pas peur du tout de faire ça.
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Le rythme d'une campagne de The Ocean Race, on ne peut pas tenir ça à l'année
C'est une frustration de ne pas avoir plus de courses au calendrier ?
C.C. : C'est vrai qu'on aimerait avoir plus de courses. Mais après, il faut se rendre compte que ce sont des bateaux très techniques et qu'on ne les ferait peut-être pas autant évoluer si on avait plus d'épreuves à notre calendrier. Surtout, il faut aussi avoir en tête que ce n'est pas comme sur une Formule 1. Quand tu casses ton aileron en F1, ça te prend deux secondes de changer. Nous, chaque pièce que l'on veut remplacer demande énormément de temps. Donc, on pourrait faire plus de courses, mais ça ferait exploser les budgets avec des équipes techniques nombreuses, faire travailler les gens la nuit… Par exemple, le rythme d'une campagne de The Ocean Race, on ne peut pas tenir ça à l'année. Ma campagne sur The Ocean Race avec Groupama (ndlr : 2011-12), il y avait un rythme de fou. On avait une équipe beaucoup plus importante pour un bateau plus petit. On travaillait la nuit. On faisait des modifications rapidement sur les voiles… Là, on n'est pas structuré comme ça.
C'est la troisième fois que vous vous attaquez au Trophée Jules-Verne avec Franck Cammas. En quoi les records changent la manière de naviguer, d'aborder une épreuve ?
C.C. : La grosse différence, c'est que tu ne sais jamais quand tu pars. Il y a une période de stand-by. Et il faut alors être opportuniste pour partir lors de la bonne fenêtre météo. C'est un enchaînement météo qui est difficile à trouver, même si notre bateau possède un potentiel supérieur. (…) Battre le record est d'ailleurs compliqué (ndlr : fixé à 40 jours et 23 heures par Francis Joyon depuis 2017). Car en plus de cet enchaînement météo, il faut trouver le bon rythme sur un tour du monde, le bateau n'étant pas capable d'aller à 100% de sa vitesse. Lors d'une course, c'est souvent les autres qui t'imposent le rythme et là, on ne se bat que contre un chronomètre et un bateau virtuel.
Justement en parlant d'autre course et pas de record, vous avez encore un autre tour du monde à votre programme avec l'Arkéa Ultim Challenge - Brest en fin d'année. Cette fois, en solitaire. Ce Trophée Jules-Verne peut être un bel entraînement ?
C.C. : Si mes camarades partent pour battre le record, j'ai de mon côté deux raisons d'y aller : le record et avoir cette expérience d'un tour de monde sur un bateau volant. Aujourd'hui, aucun Ultim volant n'a dépassé 15 jours sans avoir une avarie car c'est une révolution dans la voile. On découvre alors des problèmes qu'on ne connaissait pas. Et, on les résout petit à petit. Donc, je vais chercher ça aussi. Si on fait 42 jours par exemple au final, je vais être déçu mais j'aurais pris une sacrée expérience par la suite. Sur le plan personnel et pour le bateau.
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