THE OCEAN RACE – L’anticyclone de Sainte-Hélène, ce piège naturel

Sainte-Hélène, le nom évoque des souvenirs à tout amoureux de l’histoire. Cette petite île a fait sa légende en "hébergeant" Napoléon 1er pour son exil forcé de 1815 jusqu’à sa mort en 1821. Mais pour tout navigateur qui se lance dans un tour du monde, cela évoque autre chose. C’est un casse-tête en perspective. Un piège à éviter. Une zone cruciale à négocier au mieux. Car l’île britannique a donné son nom à l’anticyclone de Sainte-Hélène, que les équipages de The Ocean Race cherchent à contourner pour conclure cette deuxième étape au plus vite.

Évoquer Sainte-Hélène avec un "voileux" revient souvent à le forcer à se remémorer quelques moments aussi délicats que frustrants. "Sainte-Hélène était décidément le meilleur endroit sur terre pour emprisonner Napoléon. L’anticyclone éponyme m’a moi aussi servi de geôle sans vent durant plusieurs jours", a ainsi écrit dans sa chronique pour le Télégramme Fabrice Amedeo, journaliste devenu coureur au large lors du Vendée Globe 2020. Même son de cloche quatre ans auparavant avec Jean-Pierre Dick (StMichel-Virbac) : "L’anticyclone de Sainte-Hélène est vraiment terrible. J’en ai fait l’expérience en naviguant à deux nœuds ! Ce sont les pires moyennes que j’ai réalisées en Imoca."

Régulièrement, les concurrents des courses au large se retrouvent confrontés à ces frustrations car l’anticyclone de Sainte-Hélène représente une vaste zone de haute pression, synonyme de vents légers. Véritable arbitre dans l’atlantique sud lors des épreuves, ce système avec des vents qui tournent dans le sens inverse des aiguilles d’une horloge représente une réelle menace. Avec une peur pour les skippers : se retrouver au coeur de la "pétole" et perdre un temps précieux. L’enjeu est alors souvent de réussir à contourner au mieux cet anticyclone pour éviter les facéties météorologiques "hélèniques" en trouvant le bon compromis entre la vitesse et la distance parcourue.

La route la plus courte n’est alors pas la plus rapide. Et il faut régulièrement rajouter des milles au compteur pour toucher des vents plus porteurs et trouver des conditions plus favorables. Pour ne rien arranger, cet anticyclone de Sainte-Hélène a en plus la fâcheuse tendance d’être très mobile et instable, ce qui le rend encore plus piégeux et force les marins à se pencher sur son cas dès qu’ils ont passé l’équateur. Chaque passage est alors souvent une nouvelle expérience avec des trajectoires nouvelles. Et l’obligation de s’adapter au jour le jour.

Cette année sur The Ocean Race, les Imocas se retrouvent par exemple à devoir descendre très au sud dans l'océan Austral pour contourner l’anticyclone et sa zone de vents faibles. Quitte à prendre d’autres risques. "Certains d'entre eux passent très près de la limite des glaces, prévient Christian Dumard, météorologue de la course. Il se pourrait qu'un ou deux bateaux prennent le risque de s'y aventurer, mais il est difficile de savoir ce qu'ils vont faire. Si j'étais sur le bateau, je ne pense pas que je le ferai, mais certains essayeront peut-être !". Car ils sont prêts à tout pour éviter de se retrouver dans les tentacules de l’anticyclone de Sainte-Hélène, ce piège naturel qui peut être si frustrant.