Entretien avec Léon Marchand : "Il ne faut pas que je me prenne trop dans l’ambiance des JO"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 17/04/2024 à 15:12 GMT+2

Alors qu’il pourrait ramener quatre médailles d’or en individuel, Léon Marchand aborde les Jeux olympiques de Paris 2024 avec une certaine légèreté et décontraction. Le nageur français de bientôt 22 ans (il les aura le 17 mai) s’est confié à Eurosport et Ouest-France en marge du TYR Pro Swim Series de San Antonio. Ses ambitions, son programme, ses peurs : entretien.

Grousset : "Avec Léon Marchand, on se challenge, on peut emmener cette équipe"

Par Théo Quintard, correspondant à San Antonio (États-Unis)
Une fois sa dernière course achevée lors du TYR Pro Swim Series de San Antonio, samedi soir, Léon Marchand a pris du temps pour ses fans. Une dizaine de minutes durant, il a pris des photos et signé des autographes à une petite cinquantaine de personnes, toutes agglutinées aux barrières. Un engouement certain mais minime comparé à ce qu’il l’attend cet été. 
Loin de Paris, le Toulousain de bientôt 22 ans poursuit sa discrète préparation au pays de l’Oncle Sam vers ses deuxièmes Jeux olympiques. Attendu comme l’une des figures de proue de Paris 2024, il pourrait marquer l’histoire du sport français en devenant le premier Français à glaner cinq médailles d’or sur une seule olympiade. Son programme - pas encore arrêté - sera dense avec trois ou quatre courses individuelles et un ou deux relais. 
Fatigué de ses finales universitaires à Indianapolis fin mars où il a été sacré avec Arizona State pour la première fois de l’histoire de la fac, le quintuple champion du monde disputait sa première compétition en grand bassin au Texas. S’il a remporté le 200 m papillon (1"54'97) puis le 400 m 4 nages (4'11''21), il a été battu sur le 200 m brasse (2'8''40), derrière l'Américain Matthew Fallon (2'08''18).
Présent à San Antonio, son entraîneur Bob Bowman a confirmé que le quintuple champion du monde passera professionnel à la rentrée prochaine. "Léon est pro. Il va être pro… C’est un pro. Voilà, c’est tout ! Il était prévu que les championnats NCAA soient son dernier concours", dépeint le légendaire coach de Michael Phelps, ajoutant qu’ "à Paris, Léon sera un peu plus grand qu’il ne l’était aux derniers Mondiaux de Fukuoka"
Le coach américain de 59 ans, qui encadrera d’ailleurs la délégation française à plein temps cet été, prendra à la rentrée la direction de l’université du Texas à Austin, à une heure seulement de San Antonio. Son poulain pourrait le suivre mais le conditionnel reste de vigueur. Le clan Marchand assure qu’aucune décision n’a, pour l’heure, été prise. 
Dans un entretien accordé en deux temps à Ouest-France et Eurosport, Léon Marchand explique qu’il ne fait pas de ces Jeux olympiques une fin en soi et préfère aborder l’évènement avec légèreté et décontraction. Mais avec l’envie certaine de monter sur la plus haute marche du podium à chaque fois. 

picture

Léon Marchand à l'issue du 500y nage libre durant les finales NCAA de 2024

Crédit: Getty Images

 
Le cap des J-100 approche à grands pas, ressentez-vous une forme d’adrénaline à l’approche de Paris 2024 ?
Léon Marchand : Je ne me rends pas vraiment compte de ce que ça va être là-bas mais je me l’imagine. J’ai déjà fait les Jeux de Tokyo donc j’ai un peu d’expérience. Je suis bien évidemment excité à l’approche de cet évènement mais avant toute chose, j’ai envie d’être bien physiquement et mentalement et après seulement, je serai prêt à vivre cet évènement. Dans ma tête, les JO grandissent de plus en plus. 
Les JO, c'est un peu le bonus.
Pour le grand public, si vous ne remportez pas l’or sur toutes vos courses, ce sera une forme d’échec...
L. M. : Pour eux, ce serait un échec mais pour moi, ce ne sera pas très grave. Ça ne va pas changer ma vie (sourire). Maintenant que j’arrive à profiter et à avoir le sourire dans l’eau, je n’ai pas besoin d’une compétition pour célébrer car je suis content tous les jours de ce que je fais. Je voyage, j’ai plein de potes, je profite de ces moments. Les JO, c’est un peu le bonus. C’est à la maison, donc c’est encore plus impressionnant (il agite la tête de gauche à droite pour insister sur le moment unique de cet événement). 
Qu'est-ce qui vous donne le sourire dans l’eau ?
L. M. : Cette année, on a eu un groupe super à l’entraînement. On a passé beaucoup de temps ensemble et il y en a même qui vont en classe avec moi donc on commence à construire de vraies relations. Et au-delà de ça, Bob (Bowman) amène beaucoup de ludique à l’entraînement avec des départs un peu plus serré que d’habitude, des changements de nage, des courses avec la combinaison... Ce n’est pas grand-chose pour une personne lambda mais en tant que nageur, c’est énorme. Il réussit à rendre l’entraînement plus fun. Mentalement, j’ai beaucoup progressé sur la manière de gérer les compétitions. J’essaie d’avoir le sourire tous les jours car mon bien-être est primordial.
Mon principal adversaire, c'est moi.
Quel écueil faut-il éviter à Paris ?
L. M. : Il ne faut pas que je me prenne un peu trop dans l’ambiance des Jeux. Car lors des JO, on marche beaucoup, il y a des bus à prendre... Ce n’est pas comme lors des Mondiaux où c’est vraiment très individuel et où on est bichonné. Là, ce sont vraiment deux semaines intenses et il n’y a pas que la natation comme sport majeur. J’essaye de me concentrer sur moi et de ne pas attendre trop des personnes autour de moi.
Votre principal adversaire sur ces JO, n’est-ce pas vous-même ?
L. M. : Disons que lorsque je ne suis pas au top physiquement et que les conditions de course ne sont pas optimales, c’est un vrai combat mental. Mon principal adversaire, c’est moi mais il y aura une vraie concurrence aux Jeux olympiques donc j’aurai toujours de redoutables adversaires (sourire). 

picture

Léon Marchand lors des Mondiaux 2023 de natation.

Crédit: Getty Images

 
Comment avez-vous vécu votre période de creux en fin d’année 2023 entre votre santé capricieuse et votre première défaite sur le 400 yards 4 nages en novembre lors d’un meeting en Caroline du Nord ? 
L. M. : Je suis tombé malade plusieurs fois et j’ai mis du temps à me remettre en forme car en natation, quand on s’arrête sept jours, on met quatre semaines à revenir à son vrai niveau. C’était vraiment long, j’ai mis un mois et demi avant de retrouver ma forme optimale. En décembre, ce n’était pas facile car tout le monde faisait ses compétitions alors que moi, j’étais juste de retour à l’entraînement, je repartais de zéro. 
C’était dur mais je me suis concentré sur moi-même, j’ai essayé d’y aller tête baissée (il mime le geste) et de nager. J’avais les cours et des examens à côté donc c’était cool [pour garder le cap]. 
Vous aurez peut-être la chance de faire un doublé unique cet été entre le 200 m papillon et le 200 m brasse...
L. M. : Je ne crois pas qu’une telle performance ait déjà été faite donc je ne sais pas si c’est possible (sourire). Je m’entraîne dans ces deux disciplines et on verra comment je me sens avant le jour de chaque épreuve. Ça pourrait faire quatre courses dans la même journée. Ça fait beaucoup, mais je sais que Bob a ce challenge pour moi donc c’est très excitant.
Avez-vous arrêté votre programme pour les JO ?
L. M. : Non, ça peut changer la veille de la course. J’ai envie de faire le 4 nages mais la suite, on ne sait pas encore. 
Vous avez signé beaucoup d’autographes après votre dernière course ce samedi soir. Avez-vous conscience de votre nouvelle étiquette de star ?
L. M. : J’en ai conscience mais je ne réalise pas car je suis loin de tout ça. Je suis revenu en France l’année dernière donc j’ai compris ce qu’il se passait. C’est certain que lors des Jeux olympiques cet été, je donnerai un peu plus que d’habitude mais je ne vais pas me prendre la tête avec tout ça. Je ferai au feeling et je verrai si j’ai envie de le faire ou pas. En tout cas, ça fait toujours plaisir de partager avec les fans.
Avez-vous l’impression d’avoir changé de statut avec la folie Léon Marchand ces derniers temps ?
L. M. : (Il sourit). Oui, clairement ! Mais ça s’est fait graduellement. Quand j’avais gagné aux Championnats du monde avec Budapest il y a deux ans (l'or sur le 200 m 4 nages et 400 m 4 nages et l'argent sur le 200 m papillon), mon statut avait déjà changé. Mais comme je suis aux États-Unis, je me tiens éloigné de cette hype car mi-août, j’étais déjà de retour en cours à Arizona State. Je ne m’en suis pas vraiment rendu compte mais je sais que c’est le cas. 
La natation la plus amusante de ma carrière
Que retenez-vous de ces trois jours à San Antonio pour vos débuts en grand bassin ?
L. M. : Ce n’était pas facile mais j’ai pu prendre mes premiers repères. La dernière fois que j’ai nagé en grand bassin, c’était lors des derniers Championnats du monde (à Fukuoka au Japon à l’été 2023). J’ai fait toute ma saison en petit bain. J'étais vraiment concentré sur la NCAA (le championnat universitaire) : on l’a gagné, c’était génial mais j’ai tout donné nerveusement et dans l’énergie donc ce n’est pas facile de se remettre dans l’eau tant mentalement que physiquement. Les dernières semaines ont vraiment été difficiles.
Physiquement, j’étais un peu juste, j’ai eu du mal à finir mes courses parce que ça fait deux mois que je m’affûte donc je n’ai pas vraiment « travaillé » ces derniers temps, c’est-à-dire que j’ai réduit le volume de séances pour sécher. Il faut se remettre à bosser mais ça reste une belle compétition.
Qu’est-ce que ce genre de compétition vous apporte ?
L. M. : De l’expérience et des repères. Car au final, je n’ai qu’une seule compétition en grand bassin avant les championnats de France (à Chartres, du 16 au 21 juin 2024, seule et unique compétition qualificative pour les JO). J’essaye de prendre un maximum de repères pour me comparer à ce que je faisais avant.
Quelle est la suite pour vous ? 
L. M. : Dès dimanche, je vais partir avec Bob (Bowman) m'entraîner à l’Université du Texas à Austin pendant deux semaines. Ensuite, j’ai un mois de camp d’entraînement à OTC (US Olympic & Paralympic training center) à Colorado Springs puis il sera temps de rentrer en France.
Cette année, je me suis vraiment éclaté avec mes coéquipiers. Et en plus on a gagné le titre donc j’ai envie de dire que c’était la natation la plus amusante de ma carrière. C’est triste de tourner la page mais le prochain chapitre est tout aussi excitant (sans surprise, il a décidé de passer professionnel).
Vous êtes à San Antonio dans la ville de Victor Wembanyama, qu’est-ce qu’il vous inspire ? 
L. M. : Nous avons tous les deux beaucoup d’ambitions. Ça va très vite, on voyage beaucoup. On vit tous les deux nos aventures américaines à toute vitesse, avec énormément d’opportunités. J’aurais bien aimé le voir, mais mon temps est un peu compté jusqu’à Paris, j’ai plusieurs déménagements prévus, beaucoup de changements, des voyages aussi. Peut-être que j'essaierai de le voir l’année prochaine. 
Revivez Mon Paris Olympique avec Maxime Grousset en vous abonnant à Eurosport :

Mon Paris Olympique avec Maxime Grousset
Premium
Jeux Olympiques

Mon Paris Olympique avec Maxime Grousset

00:51:28


Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité