Paris 2024 - Comment le hockey français, privé de JO depuis 1972, se prend à rêver d'une médaille à Paris

Cyril Morin

Mis à jour 30/06/2023 à 12:49 GMT+2

Absent des Jeux Olympiques depuis 1972 (!), le hockey français fera son grand retour aux JO pour l'édition de 2024. Si l'équipe de France a été privée des grands rendez-vous internationaux pendant de longues années, la donne a changé. Installés dans le Top 10 mondial, portés par une génération insouciante, les Bleus espèrent faire basculer ce sport encore méconnu dans une autre dimension à Paris.

Victor Charlet, le capitaine des Bleus lors de la FIH Pro League

Crédit: Getty Images

A force, ils devaient penser que c'était impossible. Mais ils l'ont fait. Vendredi, l'équipe de France de hockey sur gazon a vaincu le signe indien à Saint-Germain-en-Laye. Privés de victoire face à l'Australie depuis 1971, les Bleus sont enfin venus à bout d'une sélection triple championne du monde et championne olympique en 2004. Un succès 4-1 et le sentiment que le dernier verrou venait de sauter.
"A une époque, on savait qu'il y avait zéro chance de battre cette équipe-là, avoue d'ailleurs Simon Martin-Brisac, cadre des Bleus depuis 2012. Mais aujourd'hui, on est plus dans le même état d'esprit, on se dit qu'on peut les battre. L'Australie, c'était peut-être la dernière nation où on avait un blocage psychologique. Pour les plus anciens, dont je fais partie, on a fait quatre matches contre eux et en cumulé, on avait pris 31-3 en leur faveur". La dernière rencontre avait d'ailleurs eu des airs de fiasco avant l'heure avec une défaite 8-0 comme entrée en matière d'un Mondial raté, achevé à une 13e place indigne de leur rang.
Indigne parce que depuis quelques années, les Bleus visent plus haut et ce Top 6 mondial composé des Pays-Bas, la Belgique, l'Allemagne, l'Angleterre, l'Inde et l'Australie. "Quand je suis arrivé en 2018, on était 18e mondial, accrocher le Top 10 c'était déjà un exploit. Maintenant, on est dans le vrai, rembobine Timothée Clément, pilier offensif de ces Bleus élu meilleur espoir mondial l'an passé. On sait que ça se joue sur des détails. On peut battre n'importe quelle équipe et on le ressent dans le regard des adversaires. Ils nous prennent moins de haut qu'avant".

2012, 2016, 2021 : JO ratés d'un rien

Battre l'Australie n'a fait que confirmer la tendance : pour 2024, il faudra penser à eux. Enfin, là aussi. Parce que l'histoire récente du hockey sur gazon tricolore, c'est celle du grand soir qui s'échappe et des regrets éternels. 2012, 2016, 2021 : trois éditions où les Bleus ont pensé figurer, trois éditions où ils sont restés à la porte, de rien.
"Pour les JO de Londres, de Rio et de Tokyo, on a perdu le dernier match du tournoi qualificatif olympique, explique Simon Martin-Brisac, présent lors des trois crève-cœurs. On a toujours terminé 13e pour 12 places. On rate les JO pour un match à chaque fois. Autant en 2012, on perd contre l'Inde assez largement et on sent qu'on est loin du compte même si on avait fait une grosse compétition. Les deux autres, ce sont des vraies plaies pour nous. On sentait qu'on était vraiment très très proches. Quand ça se joue à un but…".
Pour Paris, il n'y aura pas de tout ça et le hockey français aura enfin le bonheur d'une compétition exposée - une première depuis 1972 - et des chances de médaille qui vont avec. "On est très heureux d'être qualifié d'office pour les JO mais on aurait aimé aussi se qualifier en allant chercher le ticket, continue l'attaquant français. Histoire de montrer qu'on peut se qualifier par nous-même. Etant donné que les JO, c'est le Graal, les rater nous a valu des remarques du genre 'vous n'êtes pas sportifs de haut niveau' etc… On ne va pas aux JO pour participer, on ne veut pas y faire de la figuration. Sinon on resterait dans le schéma du hockey français".

Statut semi-pro et différences culturelles

Celui qui ne donne pas voix au chapitre à un sport encore méconnu dans l'Hexagone mais surtout dans l'ombre des autres mastodontes du sport co français, du football au rugby en passant par le basket, le volley ou le handball. "Ce qu'il nous manque, c'est un gros résultat dans une grande compétition, un peu comme l'a fait le volley il y a quelques années, ce qui fait qu'on parle beaucoup d'eux maintenant. C'est ce qu'ils ont fait en Belgique, le sport s'est professionnalisé et ça les aide", estime Timothée Clément.
C'est en Belgique, d'ailleurs, que le crack tricolore a décidé de poursuivre sa carrière et ses études, histoire de continuer sa progression. La différence de statut lui a sauté aux yeux d'entrée. "Tous mes coéquipiers belges sont pros alors que moi je ne suis que semi-pro, explique-t-il. On peut vivre de notre sport mais après notre carrière, c'est impossible. Certains ont donc un job à côté ou des études". "Aucun joueur de l'équipe ne peut vivre à 100% du hockey en tant que joueur, confirme Simon Martin-Brisac, également directeur de l'école de hockey au Racing et auto-entrepreneur dans la communication au civil. C'est la vraie différence avec les meilleures nations mondiales".
Actuellement en stage en vue de l'Euro à Mönchengladbach sous la houlette de leur coach Fred Soyez, les hockeyeurs tricolores ont déjà pu constater les bienfaits d'une structure enfin adaptée aux exigences du haut niveau. Cet Euro aura un double bénéfice : rassurer après l'échec du dernier Mondial et des tensions qui en ont résulté. Mais aussi préparer la suite avec, dans un coin de la tête, la petite musique que rien n'est interdit.
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Timothée Clément, élu meilleur espoir au monde en 2022, lors de la FIH Pro League

Crédit: Getty Images

Il n'y a plus de barrière ou de blocage
"Une médaille, ça serait déjà magique, souffle Timothée Clément. Pour les premiers JO depuis 1972, ça serait exceptionnel". A la Fédération, le discours n'a pas changé. D'abord réussir à se qualifier pour les quarts de finale. Pour cela, il faudra terminer parmi les quatre premières équipes d'une des deux poules de six. Difficile mais vraiment pas impossible. Il faudra surperformer, certes, mais il y aura match.
"Ça sera déjà une super performance puisqu'on est 10e mondial, rappelle Simon Martin-Brisac. Mais après, comme tout compétiteur, une fois en quart de finale, à la maison, avec la dynamique, avec de la confiance… Il n'y a plus de barrière ou de blocage. Une fois en quart, on ne sait jamais ce qu'il peut se passer. Tout est jouable". D'ici 2024, la troupe s'est fait la promesse de tout consacrer à cet objectif dans un sport où les sacrifices quotidiens sont déjà nombreux au vu des statuts qui en découlent. Mais l'occasion est trop belle pour eux mais aussi pour leur sport et sa visibilité médiatique.
Alors, à quoi s'attendre ? Un French flair version hockey ? Il y a peu de ça. Mais ce sont surtout des guerriers qui fouleront la pelouse du stade Yves-du-Manoir à Colombes l'été prochain. "On peut avoir un côté latin parfois, avec des joueurs capables de fulgurances techniques, conclut l'attaquant. Mais la mentalité de l'équipe pour les mois qui viennent, c'est d'être des chiens de la casse, des morts de faim qui ne lâchent rien". Surtout pas un rêve enfin à portée de main.
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Victor Charlet lors de la FIH Pro League

Crédit: Getty Images

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