Alain Mimoun, décès d'une légende du sport français

Une vie romanesque, un esprit pétillant, un palmarès exceptionnel. En ôtant la vie à la Alain Mimoun au cours de sa 92e année, jeudi à son domicile de Champigny, le destin a privé le sport français d’une de ses légendes, d'un éternel ambassadeur du sport, de son esprit de chevalerie, incarné par son duel avec son alter ego Emil Zapotek, mythique athlète tchécoslovaque dont il avait triomphé en 1956, lors de l’épreuve olympique du marathon, disputée dans une indescriptible fournaise à Melbourne. Cette victoire restera le chef d’oeuvre d’une existence sans temps faible, marquée par 32 titres de champion de France entre 1947 et 1966. Il l’aura racontée un nombre incalculable de fois avec un talent de conteur toujours repoussé et une émotion à fleur de peau.

Alain Mimoun a vu le jour le 1er janvier 1921 à El Telagh, en Algérie. Ali Mimoun Ould Kacha, de son état-civil, avait découvert la course à pied lors de son service militaire effectué chez les tirailleurs algériens. Placé sous le feu des canons allemands en 1944 à Monte Cassino (Italie), sa jambe gauche martyrisée par plusieurs éclats d'obus fut sauvée par un chirurgien inspiré. En 1947, il a remporté à 26 ans le premier de ses 33 titres nationaux. Un an plus tard, aux Jeux de Londres, il se classait deuxième du 10.000 mètres derrière Zatopek. En 1952, aux JO d'Helsinki, il dut encore se contenter de médailles d'argent, sur 5000 et 10.000 mètres. Il a atteint la consécration suprême à 35 ans, à Melbourne, 24 heures après avoir appris par télégramme la naissance de sa fille à l’autre bout de la planète. Avec ses quatre médailles, il est l'athlète français le plus médaillé de l'histoire des Jeux Olympiques.

Elu athlète français du siècle devant Marie-José Pérec et Guy Drut par le magazine Athlétisme en 1999, désigné Champion des champions de légende par L'Equipe en décembre dernier, Alain Mimoun aura été décoré de la Légion d'Honneur par quatre présidents de la République, à cheval sur deux régimes politiques, la IVe et la Ve République, de René Coty à Nicolas Sarkozy. "A Paris, je ne peux pas faire un pas sans qu'on m'interpelle. C'est ma seule fortune" se vantait-il.

De cette incroyable popularité, il disait en 2002 : "C'est la France reconnaissante. Je suis béni. Les journalistes qui ont suivi ma carrière sont tous morts. Je suis encore là pour expliquer à la nouvelle génération que mes médailles ne sont pas les mêmes que celles de maintenant. Quand on pense que j'ai été quatre fois médaillé olympique malgré sept ans d’armée.... J'ai décroché quatre médailles olympiques alors que j'habitais dans un petit deux pièces, sans douche ni toilettes, dans le XIXe arrondissement." Jusqu'au bout de sa vie, il aura couru plusieurs kilomètres par jour. Inlassable amoureux du sport et des sportifs, il est toujours détenteur de plusieurs records de France vétéran au moment où il rejoint Zatopek, vieux compagnon qu'il a enterré en novembre 2000. "Ce n'est pas pour me vanter, avançait-il mais ma carrière est tout à fait exceptionnelle." Elle laissera une trace indélébile dans la mémoire du sport français.