1987: Mythes et illusions

Soudain, le Stadio olimpico se tut. Le Minotaure venait de s'ébrouer, rapprochant son cou de buffle, ses cuisses de mammouth, son poitrail de taureau et ses yeux tout ronds, regard noir cerclé de rouge, des starting-blocks de la ligne 5. Ligne 6, Carl Lewis, d'apparence impassible, ne voulut pas jeter un oeil à Ben Johnson.

Il aurait même préféré ne pas le voir du tout. 9 secondes 83 plus tard, ll lui fallut bien se faire une raison : le Canadien venait de faire exploser le record du monde, avait empoché l'or mondial en signant un temps de réaction proprement hallucinant (109 millièmes) et devenait LE phénomène de ces deuxièmes jeux mondiaux de l'athlétisme. Et s'ils étaient nombreux à s'interroger sur la surprenante transformation morphologique du "Human Bullett", les journalistes n'eurent d'autre constat que reconnaître qu'ils venaient d'assister à un des 100m les plus phénoménaux de l'histoire. Un autre suivrait, un an plus tard à Séoul, qui précipiterait la chute de Ben Johnson, convaincu de dopage au stanolozol puis privé de ses titres, dont celui du 100m romain. A posteriori, Carl Lewis redevenait le Dieu du sprint en récupérant le titre mondial laissé vacant. Il manquera toujours le podium...

Rome, ce n'est pas que les vestiges historiques à vie dure, comme celle d'Edwin Moses (voir portrait ci-dessous). Ce n'est pas non plus, on l'a vu, qu'une effarante course contre le temps à dos de Vespa où les feux sont les meilleurs ennemis du conducteur. C'est aussi la Dolce Vita, le Vatican, les petits arrangements entre amis, à l'image de ce saut de l'Italien Giovanni Evangelisti, en finale de la longueur, mesuré à 8m38 par un juge qui avait le compas dans l'oeil. Ce qui lui aurait valu une médaille de bronze si le scandale n'avait pas éclaté et s'il n'avait pas été ramené à 8m19. 22 ans plus tard, il reste également de Rome ce fabuleux 4x400m américain, le réveil du Kenyan sous l'impulsion de la foulée légère de Billy Konchellah, champion du monde du 800m, Paul Kipkoech, couronné sur 10 000m et Douglas Wakiihuri, maître du marathon.

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Dimanche 10 août 2003, Hestries Cloethe, championne du monde de la hauteur, effaçait enfin son propre record personnel et le montait à 2m05. Trois tentatives plus tard, elle se rendait compte qu'elle échouerait plus d'une fois sur des barres à 2m10, soit un centimètre de plus que le record du monde... Car il y a 22 ans, en ce mois de septembre à Rome, Stejka Kostadinova s'élevait vers des cîmes toujours aussi inaccessibles.

La veille, des douleurs à la taille l'avait pourtant inquiétée. Kostadinova avait entamé alors son concours avec la plus grande prudence, à l'écoute de son corps. En ce jour de finale, un premier échec à 1m91, puis deux autres à 2m04 la placèrent en situation difficile face à la Russe Bykova. Assurée de la victoire en passant 2m08 au 2e essai, Kostadinova fit grimper la barre. Un premier essai infructueux, un deuxième d'une fluidité époustouflante, plus servi par la vitesse de course plutôt que par l'impulsion... Le record du monde est effacé ! Dans l'indifférence quasi-générale. Douze minutes plus tôt, en effet, Ben Johnson venait d'enflammer le stade. L'histoire des Jeux et des Mondiaux se chargera de remettre à sa place l'immense exploit de cette Bulgare aux gestes si doux, qui ne redeviendra championne du monde qu'en 1995.

Pour la première fois depuis des lustres, Edwin Moses est inquiet en arrivant en Italie. Lui qui ne s'était plus incliné sur 400m haies pendant 107 courses, a chuté il y a peu, le 4 juin précisément à Madrid. Auteur du crime de lèse-majesté : l'Américain Danny Harris, premier à le détrôner depuis sa précédente défaite face à l'Allemand Harald Schmid, vainqueur en 1977...

Pour cette finale du 400m haies, le coureur de Daytona bénéficie d'un avantage : il partira couloir 3, ce qui lui permettra de surveiller ses rivaux de bout en bout. La course est parfaite pour le vieux Lion : il compte 5 mètres d'avance sur la dernière haie ! Mais le bout de ligne droite est désastreux. Moses s'effondre, croit perdre, mais casse, place sa tête, un bout d'épaule, et s'impose en 47''46. "Je n'ai jamais autant souffert" avouera-t-il un peu plus tard. Champion olympique 1976 et 1984, champion du monde 1983, 1987, il était un peu trop vieux (32 lors des Mondiaux de Rome) pour imaginer un triplé historique en 1991. Converti musulman, Edwin Moses est devenu Jamal Nafsum. Mais il est resté une légende.

JJK est déjà une idole, aux Etats-Unis. Non seulement parce qu'elle est la reine absolue du combiné féminin avant même ce rendez-vous mondial et détentrice du record du monde, avec 7148 points, à Moscou, mais aussi parce qu'elle représente le rêve américain. Enfant d'une famille pauvre, frappée tôt par le décès de sa maman, Jackie démontre à nouveau que rien n'est impossible dans le Nouveau monde. Sa victoire en heptathlon ne souffrira d'aucune contestation : 7128 points, acquis par ses premières places dans 4 des sept disciplines. Mais son défi est de doubler avec la longueur, sa discipline de prédilection. Le duel avec Heike Dreschler tourne court. L'Allemande, touchée au genou gauche, ne dépassera pas les 7m36 de l'Américaine. Au lendemain de ce doublé historique, "Super Woman" fait la une des journaux, notamment du Sports Illustrated, monument de la presse sportive outre-Atlantique. Il reste d'elle l'image d'une quadruple champione du monde, triple championne olympique et de la première femme à avoir porté ces drôles de combinaisons pour aller plus vite. Et son record du monde de l'heptathlon n'a toujours pas été égratigné.

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Ni réellement attendu ni tout à fait ignoré, Gilles Quénéhervé signa sur le 200m de Rome une des dernières très belles performances du sprint français. 4e des Mondiaux indoor quelques mois plus tôt, le Parisien, parti du couloir n°6, le Parisien a les yeux fixés sur le couloir n°8, celui de Calbon Smith, intouchable patron de la distance à ce moment-là. Un superbe départ, un virage parfait dans lequel il reste très homogène, un cassé sur la ligne... et l'interrogation, qui fait son nez. Longtemps en tête, le tricolore a finalement vu fondre sur lui Calvin Smith, mal parti. Leur temps ? 20''16. Pour les deux. Pour un cheveu, l'Américain, déjà auréolé en 83, conservait son titre à la photo finish. Quénéhervé n'a jamais su s'il devait se réjouir ou non de sa médaille d'argent...

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100 m : Lewis USA 9"93
200 m : Smith USA 20"16
400 m : Schoenlebe RDA 44"33
800 m : Konchellah KEN 1'43"06
1500 m : Bile SOM 3'36"80
5000 m : Aouita MAR 13'26"44
10000 m : Kipkoech KEN 27'38"63
Marathon : Wakiihuru KEN 2h 11'48"
110 m haies : Foster USA 13"21
400 m haies : Moses USA 47"46
3000 m steeple : Panetta ITA 8'8"57
Hauteur : Sjoeberg SUE 2,38 m
Perche : Bubka URSS 5,85 m
Longueur : Lewis USA 8,67 m
Triple saut : Markov BUL 17,92 m
Poids : Gunthoer SUI 22,23 m
Disque : Schult RDA 68,74 m
Marteau : Litvinov URSS 83,06 m
Javelot : Raty FIN 83,54 m
Décathlon : Voss RDA 8680 pts
4 x 100 m : USA 37"90
4 x 400 m : USA 2'57"29
20 km marche : Damilano ITA 1h 20'45"
50 km marche : Gauder RDA 3h 40'53".

100 m : Gladisch RDA 10"90
200 m : Gladisch RDA 21"74
400 m : Bryzgina URSS 49"38
800 m : Wodars RDA 1'55"26
1500 m : Samolenko URSS 3'58"56
3000 m : Samolenko URSS 8'38"73
10000 m : Kristiansen NOR 31'05"85
Marathon : Mota POR 2h 25'17"
100 m haies : Zagorcheva BUL 12"34
400 m haies : Busch RDA 53"62
Hauteur : Kostadinova BUL 2,09 m
Longueur : Joyner-Kersee USA 7,36 m
Poids : Lisovskaia URSS 21,24 m
Disque : Hellman RDA 71,62 m
Javelot : Whitbread GBR 76,64 m
Heptathlon : Joyner-Kersee USA 7127 pts
4 x 100 m : USA 41"58
4 x 400 m : RDA 3'18"63
10 km marche : Strakhova URSS 44"12".