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Gerro : vieux héros, vrai renouveau

Benoît Vittek

Publié 23/04/2015 à 15:35 GMT+2

La sacrosainte neutralité du journaliste va en prendre un coup mais je peux l'avouer sans honte : la victoire de Simon Gerrans dimanche sur la Doyenne m'a fait plaisir.

Gerro : vieux héros, vrai renouveau

Crédit: Eurosport

Avant de fondre sur mon clavier répandre la nouvelle, j'ai lâché un petit sourire en pensant aux hommes qui accompagnent l'Australien dans son parcours patiemment construit vers les sommets. Je me suis réjoui pour des raisons triviales, par affection sincère mais aussi - surtout ! - pour tout ce que cette victoire symbolise dans le cyclisme et le sport modernes.
Intelligent et humain, l'expérimenté Australien est un être engageant. À une époque où le grand public déteste Armstrong, n'accroche pas avec le trop lisse Froome, ne sait pas quoi penser des steaks au clenbuterol de Contador et ignore le reste du peloton, c'est un très bon point pour lui. Un point bonifié par la pétillante équipe Orica-GreenEDGE, dont il incarne la bonne humeur et l'esprit de conquête. L'été dernier, Gerrans et les Aussies avaient signé l'une des plus belles pages du centième Tour de France : porteur du maillot jaune après sa victoire d'étape à Calvi, le capitaine de route Orica s'était arrangé pour céder le mythique paletot à son coéquipier Daryl Impey. Le natif de Johannesburg devenait ainsi le premier coureur africain leader de la plus grande épreuve cycliste au monde. Un événement célébré fausses guitares à la main pour un air concert de la joyeuse bande à Gerro.

Dimanche, nouvelle centième, celle de la Doyenne, et nouvelle première. Cette fois, Simon Gerrans n'écrit pas l'histoire par le truchement d'un équipier. Maillot jaune et vert sur les épaules, le puncheur au regard profond est devenu le premier kangourou à triompher de Liège - Bastogne - Liège. Il portait la même tunique de champion d'Australie deux ans plus tôt, au moment d'accrocher Milan - Sanremo. Deux monuments du cyclisme au palmarès, c'est exceptionnel (Valverde n'en compte qu'un seul, par exemple), surtout pour un coureur dont la carrière a souvent tenu à pas grands choses. Simon Gerrans, c'est la mondialisation du cyclisme, en respectant toutes ses valeurs.

"C'est un immense bonheur d'arriver à s'accomplir, se réjouissait son entraîneur Benoît Nave dimanche soir. Quand on part de là où il part, arriver là... Il n'a pas le parcours d'un champion annoncé, d'un gars qui domine tout depuis les espoirs. Simon gagne grâce à son travail." Comment Gerrans s'est retrouvé sur un vélo, à 17 ans, l'histoire est connue. Dans le cadre de sa rééducation après un accident de moto, le jeune Simon écoute les conseils de son voisin et ex-champion Phil Anderson (2e de Liège-Bastogne-Liège en 1984) et enfourche une vélo. La suite a été moins souvent racontée. Il y est moins question de petites histoires et de destin, plus de galère. Simon Gerrans se cherche rapidement un contrat de coureur professionnel. Italie, Norvège, Portugal, retour en Australie... Le jeune Aussie essaye partout, échoue partout. C'est seulement à 24 ans, pris en main par le journaliste Jean-François Quénet, qu'il obtient des résultats suffisamment probants pour décrocher un contrat de stagiaire chez AG2R et enfin basculer chez les pros en 2005.

Il n'est jamais aisé de se prononcer sur la probité d'un sportif professionnel. Avec tous les scandales qui ont fait chuter des gloires passées, une présomption de culpabilité n'est pas loin de prendre le pas sur celle d'innocence. Sur le terrain du dopage, la règle est simple : rien à dire tant que des éléments tangibles ne viennent pas étayer les soupçons qui peuvent concerner un coureur. Ça n'empêche pas bruits et rumeurs de circuler. Sur Simon Gerrans comme son entraîneur, je n'ai jamais rien entendu de crédible. L'Australien jouit même d'une excellente réputation. Ce qui a participé à renforcer mon bonheur en entendant ces mots de Benoît Nave : "Ce que j'en retire surtout, c'est qu'aujourd'hui, les coureurs prennent le départ dans une situation d'équité (et non pas d'égalité, chacun a ses qualités). Quand je vois Dan Martin planter Joaquim Rodriguez à Liège il y a un an, quand je vois Simon battre Valverde dimanche, je me dis qu'on y est."

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Benoît VITTEK
Twitter: https://twitter.com/bvittek

Formé au CFPJ de Paris, Benoît Vittek collabore à Eurosport.fr depuis 2010. Il est spécialiste de football et de cyclisme, marqué à vie par tout ce que l'été 1998 lui a donné à voir (Mondial et Affaire Festina).
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