Di Gregorio sauvé des eaux

La pluie a un vice et une vertu. Elle pourrit la vie des coureurs. C'est une évidence. Mais en voilà une autre: d'un point de vue égoïste d'observateur, il est difficile de ne pas admettre qu'elle donne une autre dimension à la course cycliste. Ce fut encore le cas samedi sur Paris-Nice. Sous le soleil, cette 7e étape n'aurait probablement pas eu le même relief, le même côté épique que sous cette pluie presque continue qui s'est abattue, notamment sur le circuit final. Les conditions donnent du coup une ampleur supplémentaire à la victoire de Rémy Di Grégorio. Pour le Français de l'équipe Astana, auteur d'un gros numéro dans les derniers kilomètres, c'est le jour de gloire.

Le petit grimpeur provençal a été parfait. Audace, timing, gestion, courage, il a fait exactement ce qu'il fallait pour s'imposer. C'est à 13 kilomètres de l'arrivée, au moment où le peloton (ou plutôt ce qui en restait) a opéré la jonction avec Karsten Kroon, que Di Gregorio a porté l'estocade. Une fois le Néerlandais avalé, après plus de 130 kilomètres d'échappée, d'abord avec Eric Berthou puis en solitaire, l'ancien protégé de Marc Madiot a placé une attaque tranchante. Il a pris 10, puis 20 secondes d'avance, résistant au retour en contre de Linus Gerdemann. Sans se mettre dans le rouge, sans jamais paniquer, Di Gregorio a ensuite contenu jusqu'au bout le retour du groupe des favoris, réglé par Samuel Sanchez. Ce n'est que la deuxième victoire de sa carrière. Même s'il doit y en avoir d'autres (c'est tout le mal qu'on lui souhaite), celle-ci, il s'en souviendra encore dans 10 ans.

Quelle journée en tout cas ! La fatigue, la météo et surtout les chutes ont eu raison d'une multitude de coureurs. Frank Schleck, Peter Sagan, Nicolas Roche, Sandy Casar et bien d'autres ont préféré mettre la flèche et abandonner. Dans les 50 derniers kilomètres, quand la météo s'est vraiment gâtée, les chutes se sont multipliées. Heinrich Haussler, décidément malheureux cette semaine, en a été une des principales victimes. Alors qu'il pouvait briguer la victoire après avoir pris le bon peloton malgré deux cols de première catégorie, l'Australien s'est retrouvé au sol. Touché au poignet, il a pu repartir, mais ses espoirs de victoire s'étaient envolés. Mais la chute la plus impressionnante a été celle de Robert Kiserlovski. Le coéquipier de Di Gregorio a fini couché sur un camion sur le bord de la route. Un choc terrible, mais rien de cassé selon le premier diagnostic. Di Gregorio lui-même, quelques instants auparavant, avait failli tout perdre en glissant sur une des bandes blanches d'un passage piéton. Un vrai miracle. C'était son jour.

Au terme cette étape où il aurait pu perdre Paris-Nice à chaque virage, Tony Martin (HTC High Road) doit respirer. 24 heurs après sa prise de pouvoir, l'Allemand n'a rien cédé à ses principaux rivaux. Il n'a d'ailleurs pas été attaqué. Dimanche, peut-être. Comme tout le monde, le maillot jaune avait un adversaire, le temps. Du coup, les gros bras, trop occupés à jouer les équilibristes, sont restés tranquilles. Pas de changement au classement général, même si Samuel Sanchez, grâce aux bonifications puis sur la ligne, gagne une place (6e) au détriment de Janez Brajkovic. Vigilant, Martin a donc évité le pire et abordera la dernière étape avec un matelas toujours confortable. "Je suis content d'avoir rallié l'arrivée intact", avoue ll'Allemand. Mais on annonce à nouveau un temps calamiteux sur la Côte-d'Azur. Une aubaine pour nous, un cauchemar pour eux.