Perez, seul opportuniste

Faire la décision, Luis Perez ne pensait certainement pas y arriver si facilement. Quitter le solide groupe des hommes de tête, sans réaction de leur part. Et pourtant. Le coureur d'Andalucia-Cajasur a voulu tenter sa chance, en lançant une attaque, à onze kilomètres de la ligne d'arrivée et à l'entame de la boucle proposée par le parcours dans les rues d'Avila. Juste pour voir. Mais finalement, juste pour...aller au bout. Tranquillement, l'Espagnol prend congé de ses compagnons de route depuis le km 62. Parmi eux, du costaud, comme Denis Menchov (Rabobank), l'indéboulonnable maillot or, Samuel Sanchez (Euskaltel), récent vainqueur de la 15e étape, ou encore Franco Pellizotti (Liquigas), Carlos Sastre (CSC), et Cadel Evans (Predictor-Lotto).

Aucun de ces coureurs ne vient pourtant mettre à mal l'évasion solitaire de Perez. Une passivité dont les raisons paraissent peu compréhensibles. Certes, Menchov, Evans, et Sastre, alors assurés de former le nouveau trio de tête au classement général, n'ont pas d'intérêt majeur à vouloir contrer l'homme d'Andalucia-Cajasur. Mais un constat identique ne peut pas être fait à l'égard de Pellizotti, qui visait pourtant la victoire d'étape. Sans réaction lors de l'attaque (pas vraiment foudroyante) de Perez, l'Italien ne cherche pas à sonner la révolte. Rien, si ce n'est, à l'arrivée de l'étape, une troisième place derrière Evans, néo-dauphin de Menchov. Le plus dur semblait pourtant avoir été réalisé.

Après une massive fugue dans les premiers kilomètres, plus ou moins inhibée par le peloton, un groupe d'une bonne vingtaine de coureurs entame l'ascension du col Mijares, première difficulté du jour (1ère cat.), avec une légère avance. Pellizotti se montre bien présent, et arrive au sommet du col en tête. Dans la descente, l'échappée se brise en deux, laissant sur le carreau dix coureurs, dont Sylvain Chavanel (Cofidis) et surtout Vladimir Efimkin (Caisse d'Epargne). Le Russe ne le sait pas encore, mais il est en train de dire adieu au podium du classement général. Malgré son travail avec les autres poursuivants, Efimkin se voit contraint de rendre les armes, tant le travail de la CSC, qui compte quatre coureurs en tête, est efficace. Sastre et ses lieutenants imposent une cadence de feu, rendant l'écart impossible à combler.

Efimkin et ses compères réintègrent le peloton, et finissent à 2'26" du groupe maillot or. Dans ce groupe figurent aussi deux Français, Hubert Dupont et Stéphane Goubert. La présence des deux partenaires chez Ag2r soulève la même interrogation que celle provoquée par le comportement de Pellizotti. Le coureur de l'équipe Liquigas ne doit pas être l'unique cible des critiques, Dupont et Goubert ne jouant pas non plus leur chance à fond dans les derniers kilomètres de cette 18e étape. La fatigue à l'issue de près de trois semaines de course dans cette Vuelta, peut bien sûr expliquer leur "défaillance".

Mais la déception d'avoir touché du doigt une victoire d'étape, sans chercher à mettre la main dessus, ne peut cependant pas être renvoyée aux oubliettes si facilement. Car l'épreuve arrive à son terme, et une telle opportunité ne s'offre pas tous les jours. Luis Perez a su la saisir. Tardivement, mais pas trop. Jeudi matin, l'Espagnol a en effet annoncé qu'il prendrait sa retraite professionnelle après la Vuelta. "Une décision bien réfléchie, affirme-t-il, et une victoire d'étape ne me fera pas changer d'avis". En offrant au passage un premier succès à son équipe Andalucia-Cajasur, Perez va quitter la scène dans la lumière. De la plus belle des façons: "En gagnant une étape. Je garde ainsi le goût de la victoire dans la bouche".