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Parler du dopage, évidemment, mais avec certaines règles

Benoît Vittek

Publié 30/06/2015 à 23:22 GMT+2

TOUR DE FRANCE – Les journalistes ne sont pas plus naïfs que le grand public. Ils ne sont pas non plus complices des tricheurs. Ils sont simplement tenus par des règles élémentaires de déontologie et un cadre légal.

Doping-Tests bei der Tour

Crédit: Imago

Le dopage pourrait être comparé à une musette très particulière. Sur-"vitaminé" et "fortifiant", il offre un carburant extraordinaire aux tricheurs. Il peut aussi se glisser dans les roues du peloton et faire chuter sa cote auprès du public. C'est particulièrement vrai à l'approche du mois de juillet et le dopage, fléau qui trompe le public et déséquilibre la compétition, ne manque pas d'occuper une large place sur le devant de l'actualité lorsque toutes les attentions se tournent vers la grand-messe du Tour de France. Parfois, c'est justifié. Souvent, c’est une grande foire qui oublie les principes les plus élémentaires de notre déontologie et des lois qui régissent la liberté d’expression et la diffamation.
Le journaliste sportif, conscient et consciencieux, se retrouve constamment pris entre plusieurs feux. Il sait que le dopage est une donnée intégrante des événements qu'il couvre mais il est toujours difficile d'obtenir des informations précises, recoupées et publiables. Les tricheurs trichent loin des caméras, cela va de soi. Le passeport biologique, outil indispensable, y participe. Ceux qui souhaitent le contourner développent des protocoles de plus en plus pointus, de quoi faire passer la "mafia Armstrong" pour une association d’amateurs. Les autorités antidopage sont elles aussi réticentes à communiquer sur le sujet, de peur de donner des indications précieuses aux dopés et dopeurs.
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Lance Armstrong lors du Tour de France 2005

Crédit: AFP

S’en tenir aux faits

Ça n’exempte pas le journaliste de son devoir de vérité. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les commentaires laissés par les suiveurs sur les réseaux sociaux ou au bas des articles publiés sur notre site. Le débat sur la performance glisse rapidement à l’empoignade sur la culpabilité présumée de certains champions. Alberto Contador est ainsi régulièrement renvoyé à son steak au clenbuterol, qui lui a valu une suspension de deux ans et la perte de deux Grands Tours. Soit. Les faits ont été jugés.
Chris Froome, lui, n’a jamais été mis en défaut par les instances de lutte contre le dopage. Ses principaux "faits d’armes" : appartenir à l’équipe Sky, jugée trop forte pour être honnête, et une drôle d’histoire d’Autorisation à usage thérapeutique pour des corticoïdes au printemps 2014. Il a tout de même essuyé les sifflets d’une partie du public, en plein Tour de France, lors de l’ascension du Ventoux il y a deux ans. Aux yeux de beaucoup, chaque performance est suspecte et celles du Britannique, parmi les plus impressionnantes observées ces dernières années, symboliseraient le caractère inhumain de ce sport. Un procès sans preuves qu’on pourrait instruire contre n’importe qui, sans véritable légitimité.

Écouter les rumeurs, sans les colporter

D’autres nous appellent au contraire à ignorer toutes ces questions. Leurs principaux arguments ?
1. Même dopés, les champions restent des champions, auteurs de performances inatteignables pour le commun des mortels ;
2. Victime de sa réputation (et des nombreuses affaires qui ont touché ses plus grands champions, tout de même), le cyclisme est injustement visé par rapport aux autres sports.
Il nous est évidemment impossible d’adopter une telle ligne, pas plus que nous ne pouvons relayer toutes les rumeurs qui nous parviennent. Telle équipe gaverait ses coureurs d’amphétamines. Une autre attaquerait ses entretiens d’embauche de Directeur sportif par cette question très directe : "Que pouvez-vous nous apporter en matière de dopage ?" Ça remet certaines idées en place, mais (comme toujours) on demande à voir. On demande surtout à ce que les autorités du sport soient suffisamment fortes pour établir des faits et une ligne de conduite précis, loin par exemple du flou peu artistique qui entoure Astana depuis l’automne.
Pour se sortir de ce marasme, la télévision publique allemande a adopté une solution radicale en 2012 : puisqu'elle ne croyait plus dans la probité de ses champions cyclistes, elle a choisi de ne plus diffuser le Tour de France (pareille réflexion n'a pas été menée sur les autres sports). Cette année, les caméras reviennent suivre un peloton déserté par la mythique T-Mobile, emblématique d'une certaine époque. Oublié Stefan Schumacher, place à John Degenkolb. Entre temps, ARD et les téléspectateurs allemands ont raté l'avènement de Marcel Kittel, héraut d’une génération jugée plus crédible. C'est quand même bien dommage.
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