Voeckler en mode mineur

Avec Thomas Voeckler, on commence à être habitué. Chez lui, la modestie du propos masque souvent une ambition dévorante et légitime. Il nous a déjà fait le coup cet été sur le Tour de France. Il n'avait aucune chance de garder le maillot jaune à Luz-Ardiden, pour au Plateau de Beille, puis dans la première étape des Alpes, etc. La cour des grands, ce n'était pas pour lui. Un numéro tellement bien monté et si magistralement interprété que, pour les favoris, le coup est passé près. Or voilà qu'à quelques jours des Mondiaux, Voeckler se remet en mode mineur. Le titre? Sur un tel parcours, vous n'y pensez pas.

Cette façon de se placer en retrait avant pour mieux se mettre en avant pendant a souvent réussi à Thomas Voeckler. Mais cette fois, promis, point de bluff. Le tracé danois, il est vrai peu sélectif sur le papier, est d'abord taillé pour les sprinters. Même la bosse placée dans le dernier kilomètre ne suffira pas, selon le leader d'Europcar. "Je ne veux pas raconter de bêtises, prévient-il sur le site officiel de la formation vendéenne. Les sprinters passent les bosses de mieux en mieux. Pour décrocher Bennati dans la bosse de dimanche, ça va être franchement compliqué." Dans ces conditions, il explique ne pas avoir "d'ambition particulière" pour dimanche. Selon lui, les meilleurs atouts tricolores, dans ce contexte, se nomment Anthony Ravard et surtout Romain Feillu. "Il a franchi un cap cette saison, juge Voeckler. Il peut rivaliser avec les meilleurs. Le final en léger faux-plat peut lui permettre de battre les gros sprinters."

Mais est-on vraiment obligé de croire le double champion de France sur parole? On l'imagine mal boucler ce Mondial sans avoir, un moment ou un autre, joué sa carte. Quand on se souvient de quelle façon dont il est sorti à la flamme rouge lors du Grand Prix de Plouay, on se dit qu'il serait étonnant de ne pas le voir tenter le même type de coup dimanche, s'il en a la possibilité. "Ce qui est certain, c'est que je ne suis pas là pour passer à la télévision, reprend-il. Je ne prendrai pas d'échappée au long cours. Je n'ai rien à prouver. Durant les 150 premiers kilomètres, je chercherais juste à bien me nourrir. Ensuite, il faudra être davantage vigilant." Et malin, car depuis quelques temps, Voeckler a un statut flatteur mais pesant: celui du gars qu'on ne doit surtout pas laisser sortir. "Il faut que j'adapte ma façon de courir car aujourd'hui, concède-t-il, dès que je suis échappé, on ne roule plus avec moi. Je suis beaucoup plus surveillé qu'avant."

Malgré tout, sa présence au Danemark est importante. En Voeckler, l'équipe de France tient un vrai leader naturel qui, d'une manière ou d'une autre, saura peser sur les débats. Il rassure, aussi, et donne de la confiance aux autres. Il est l'incontestable numéro un du cyclisme français et, à ce titre, il était indispensable qu'il soit là. D'autant que l'an dernier, il n'avait pas été du voyage à Melbourne. Sans regretter sa décision, il avait éprouvé un manque. "Je ne voulais pas aller à l'autre bout du monde alors que je n'avais aucune chance et puis l'avenir de l'équipe se jouait, j'avais besoin d'une grande sérénité. Mais en regardant les championnats du monde, je ne me sentais pas à mon aise sur mon canapé. Ma place, c'est sur un vélo."

Dimanche, sa place sera donc à Copenhague et si possible avec les meilleurs. Avec, dans un coin de la tête, une petite part de rêve. Le cadre s'y prête. "C'est le plus beau de tous, dit Voeckler à propos du maillot arc-en-ciel. Je suis fier d'avoir porté le maillot bleu-blanc-rouge durant un an. Mais le maillot arc-en-ciel est celui qui me fait le plus rêver." Mais chut, ne le répétez pas...