La revanche des sabreurs

De la hargne, des larmes et du sang... Les Français ont tout fait pour rendre l'histoire encore plus belle. Frustrés par leurs prestations en individuel, samedi, les tricolores avaient une revanche à prendre.

Quatre jours pour ruminer, digérer et transformer les ions négatifs en énergie positive. A dire vrai, on attendait plus ces trois gaillards sur le tournoi par équipes que dans l'épreuve individuelle, où le plateau était terriblement relevé.

Les deux Touya et Julien Pillet ont été présents au rendez-vous des copains, dès le matin. Premier adversaire du jour, la Chine. Cela ne fait pas un pli : 45-35. En demi-finale, les Bleus qui attendaient la Hongrie, habituée du haut du panier dans toutes les armes de l'escrime, ont la surprise de voir s'élever face à eux l'équipe des Etats-Unis, très digne représentante d'un pays qui redécouvre l'escrime, et plus spécialement le sabre, avec un appétit non dissimulé.

L'histoire que les Bleus écrivent face aux Blues dans ce match au couteau, c'est bien le terme, prend son ampleur dramatique dans les derniers instants. Keeth Smart a fondu sur Damien Touya à la vitesse de l'éclair : 44-44. Les deux se jettent, Touya touche, Smart aussi. Une touche hargneuse, simultanée, terrible de violence...

Sous l'impact, la lame brisée de l'Américain vient blesser le sabreur français à la main. L'interruption, qui durera dix minutes, laisse craindre le pire. Touya a des larmes dans les yeux, du sang sur un poignet qu'il bouge difficilement. Boris Sanson se prépare à entrer en piste comme son statut de remplaçant l'autorise à le faire.

Mais Damien Touya, qui n'a pas digéré sa médaille d'argent par équipes conquise en 2000, ne veut pas en rester là. Il repart à l'assaut. Plus rageur que jamais. Assaut violent, engagement total, technicité, lumière rouge... Le frangin, l'aîné, envoie la France en finale !

Sept heures plus tard, les Bleus sont de retour pour l'ultime rendez-vous, face à l'Italie de Montano, Tarantino et Pastore, qui ont eu raison de l'insubmersible Russie (45-42). Damien Touya est là, avec ce qu'il faut de calmants pour la douleur, des points, un pansement sur mesure et une envie décuplée.

Pillet et Tarantino ouvrent le feu. L'Italien empoche le match (4-5), Pastore calme Damien (10-7), puis Gaël redresse les torts face à Montano, champion olympique individuel depuis cinq jours (13-15). Le score tourne à l'avantage des Français au cours de l'assaut de Pillet, qui met 7 touches à 2 à Pastore (17-20). Le score enflera même à +7 sous l'impulsion de Gaël Touya, qui calme Tarantino.

Alors, le champion olympique en titre justifie son nouveau standing et éteint Damien. Les Italiens reviennent dans le coup (30-29). Aldo, encore lui, pousse la France dans ses derniers retranchements en donnant l'avantage à l'équipe transalpine (40-39). Mais la soif de victoire de Damien Touya asphyxiera Luigi Tarantino, qui cède 2 touches à 6 sur l'assaut final.

Les Bleus sont médaillés d'or par équipes, pour la première fois. Les sabreurs français, qui traînaient comme un boulet ce seul titre qui manquait à la France, ont signé un exploit hors normes, jeudi. Et apporté à la délégation française un nouveau rayon de soleil, inespéré dans cette journée où ni la natation ni le judo -c'estdevenu une habitude pour ce dernier- n'ont apporté leur lot de sacres.

Mieux encore, après 6 jours de compétition, l'escrime française a apporté au tableau de marche de la délégation française la moitié de ses médailles. Et ce n'est sans doute pas fini.