Petit Suisse deviendra grand

Xherdan Shaqiri au FC Bayern (près de 12 millions d'euros) et Granit Xhaka (8.5 millions d'euros) chez les Fohlen, les deux petites perles du football helvétique en général et du FC Bâle en particulier ont rejoint la Bundesliga. L'occasion d'un petit hommage pour un pays de seulement 8 millions d'âmes mais au football toujours intéressant à suivre.

Alors que le championnat suisse vient de reprendre, le site Transfermarkt.tv a eu la bonne idée de consacrer son dossier hebdomadaire au pays des 26 Cantons et de créer un "11 de légende" basé, la plupart du temps, sur le critère du plus grand nombre de matches disputés en Bundesliga, et non pas celui du talent, encore que. Une excellente initiative que je reproduis ici, à quelques différences près, nous permettant d'une part de nous rafraîchir la mémoire et d'autre part de rappeler que les flux de footballeurs professionnels épousent souvent les contours géopolitiques. Dans le cas présent celui de la Mitteleuropa.

Prototype du goal moderne, très grand et complet, il a réussi à conserver sa place depuis que Felix Magath est devenu le coach du VfL Wolfsburg. Ce qui, en l'état, est quasiment un exploit a lui tout seul. Trêve de plaisanterie, le Meisterschale remporté en 2009 par les "Wölfe" n'est pas que l'apanage du trio offensif Dzeko-Misimovic-Grafite mais il est aussi lié aux performances de leur Torhüter. D'ailleurs, on remarquera la filiation des gardiens de la Nati avec la Bundesliga comme le "petit" d'1,80m Stiel du Borussia Mönchengladbach, pour lequel j'ai une affection particulière, et Zuberbühler même si ce dernier, prêté, ne s'est pas imposé au Bayer Leverkusen (le 14 octobre 2000, dans une rencontre de folie contre Brême, dans la même minute, la 88e, il encaisse un but de Bode, stoppe un penalty de Herzog puis se fait expulser ! Le Werkself ayant déjà utilisé ses trois remplaçants, le joueur de champs Zivkovic prend les gants. Ailton égalise durant les arrêts de jeu. Score final 3-3). En tout cas, et même si les prestations de Benaglio sont en dents de scie depuis l'année du titre, il est avec plus de 150 matches au compteur en Buli, la référence suisse à ce poste.

Von Bergen ou Eggiman, Magnin ou Spycher ? La liste est longue des joueurs qui pourraient frapper à la porte de ce classement purement théorique. Au passage parfois plus par défaut qu'autre chose. C'est le cas du latéral droit Philip Degen dont la carrière sinusoïdale me laisse un goût d'inachevé. La restructuration du BVB Dortmund et l'arrivée de Jürgen Klopp coïncident avec son départ pour Liverpool. Rappelons que Reto Ziegler était trop jeune à Hambourg pour postuler au poste d'arrière gauche tandis que Ricardo Rodriguez, très talentueux au demeurant, n'a que six mois de Bundesliga derrière lui. Magnin, de par son caractère et ses performances, me semble logiquement le candidat naturel avec deux titres en Bundesliga en 2004 avec Brême et Stuttgart en 2007. Un peu comme en équipe nationale, Spycher, finaliste de la DFB-Pokal en 2006 avec l'Eintracht Frankfurt, est un peu en-dessous.

Idem pour Von Bergen au profil très différent du robuste Eggiman, lequel n'est pas un titulaire indiscutable à Hanovre malgré une saison plus que correcte en 2012. Qui dit Steve von Bergen dit Lucien Favre aussi bien en Suisse au FC Zurich qu'au Hertha Berlin à partir de 2007 et la fabuleuse épopée de la saison 2008-2009. Quant on sait que les concurrents directs s'appelaient Friedrich, Simunic voire Rodnei, on mesure la performance de l'actuel protagoniste du Calcio. Je l'associe au mythe Ciriaco Sforza en défense centrale. C'est autant par embouteillage au milieu de terrain qu'un hommage au "verrou suisse", le précurseur du Catenaccio, et au poste de libero développés par l'Autrichien Karl Rappan, sélectionneur suisse à plusieurs reprises. Sforza étant bien entendu un milieu créatif d'exception et l'un des principaux artisans d'un des plus grands exploits de la Bundesliga : le titre avec le FC Kaiserslautern en 1998, le club venant d'être promu. Si ses passages au Bayern Munich, où l'ambiance exécrable comme la concurrence étaient le menu quotidien, ne furent pas des grands succès, ils lui permirent au moins d'agrandir son palmarès avec, notamment, la Ligue des champions en 2001 ou la Coupe de l'UEFA en 1996. Une défense axiale plutôt technique donc.

Ayant disputé des rencontres sous le maillot de l'équipe de France, je ne peux, malheureusement, sélectionner Gilbert Gress à la double nationalité. Mon milieu défensif se nomme Raphaël Wicky et ses 218 matches en championnat allemand avec le Werder mais surtout le HSV. Certains me reprocheront son positionnement, puisqu'il évoluait aussi sur le coté gauche, mais j'utilise ce joueur ambidextre comme première base de lancement au détriment d'un Pirmin Schwegler, lequel mériterait tout autant d'être dans mon "11". Je n'oublie pas de mentionner Benjamin Huggel et son "esprit combatif" aidé par son 1,90m…un "Briegel" des temps modernes et plus technique qu'on veut bien le dire. Malheureusement et s'il faut évidemment se remémorer le duo qu'il forma avec Inler en Nati, il ne restera que deux saisons en Buli, à l'Eintracht Frankfurt.

Il y a des joueurs qui vous marquent plus que d'autres. C'est le cas d'Alain Sutter sûrement à cause, ou grâce, à son physique et sa longue crinière blonde. Ses prestations à Nuremberg et à Fribourg en ont fait une des attractions des années 90. J'en fais mon meneur de jeu sans hésitation en espérant qu'il soit au niveau de sa Coupe du Monde 1994 et non pas voir le joueur munichois, très décevant. Un peu comme Sforza, Sutter n'était pas fait pour s'épanouir dans un grand club européen. Un Verein familial lui sied mieux. Rajoutons pour être exhaustif que malgré son talent évident, Hakan Yakin (et ses 9 rencontres en deux exercices au VfB Stuttgart) ne rentre même pas en ligne de compte. Les talents suisses ont-ils du mal à s'exprimer en Bundesliga ?

A gauche ou à droite, Tranquillo Barnetta est l'un des meilleurs ailiers d'Allemagne et seules les blessures, comme ce fut le cas cette saison à Leverkusen, l'ont empêché de franchir un cap. Et surtout de partir en Premier League où il se fit remarquer suite à son doublé contre l'Angleterre lors des qualifications pour l'Euro 2012. A 27 ans, il risque d'être le grand animateur des Königsblauen, lesquels n'ont pas hésité à le récupérer sans indemnité de transfert. Avec près de 200 matches à son actif, il distille ses caviars et peut se montrer aussi occasionnellement buteur. Je lui associe un buteur malheureusement disparu en 2008 et grand ami de Jakob "Köbi" Kuhn, "der Held von Berlin", le héros de Berlin après son but qualificatif pour la coupe du Monde 1962 contre la Suède : le dénommé Anton "Toni" Allemann dont la spécificité fut aussi d'être le premier professionnel suisse à jouer en Bundesliga. C'était au FC Nürnberg entre 1964 et 1966.

La présence de Toni Allemann condamne malheureusement un autre attaquant, un des plus sous-estimés buteurs helvétiques, Adrian Knup, 31 Tor en 92 rencontres sous les couleurs du VfB Stuttgart puis du Karlsruher SC (à rajouter au 26 en 49 sélections avec la Nati). Tandis qu'Eren Derdiyok, malgré un talent immense, est encore loin des deux lauréats. Il jouera une grande partie de sa crédibilité cette saison, loin de la concurrence du Bayer Leverkusen, au TSG 1899 Hoffenheim.

Petit par la taille mais grand par le talent. C'est ainsi que je résumerais le duo d'attaquant de mon "11" helvétique. 1,80m tous les deux. Une intelligence de jeu dans les déplacements compensant le manque de centimètres des attaquants actuels. L'ancien Rennais, Alexander Frei, 34 buts en 74 rencontres et le monstre Chapuisat, 106 buts en 228 matches de Bundesliga. Les deux anciens Torjäger du BVB Dortmund qui ont la même caractéristique, celle de ne pas avoir remporté le titre de meilleur buteur. Moins renard des surfaces que son homologue mais participant beaucoup plus au jeu, "Chappi" sera le premier étranger à dépasser les 100 goals, ouvrant ainsi la porte à d'autres joueurs comme Elber et Pizarro. Quant à son palmarès avec les Schwarzgelben, il est tout simplement unique pour un joueur suisse, avec comme cerise sur le gâteau, la Ligue des champions 1997 remportée contre la "bête noire" de la Juventus Turin.

Voilà ! C'était ma petite dédicace au football suisse profitant de la reprise de la Raiffeisen Super League, l'ex sponsor principal Axpo ayant jeté l'éponge. J'attends vos propositions et vos jugements (notamment du coté helvétique en français, en allemand si vous le souhaitez mais pas en italien ni en romanche) afin d'enrichir mes connaissances…ou de combler mes vides abyssaux.