Brésil 70-Cameroun 90

Le favori tient son rang. Désigné tête de série numéro un de notre tableau final, le Brésil 1970 est au rendez-vous des demi-finales. Comment aurait-il pu en être autrement, d'ailleurs? Auteur d'un tournoi fabuleux sous le soleil mexicain, le groupe dirigé par Mario Zagallo a enchanté ceux qui l'ont connu. De ce collier de diamants, Pelé est évidemment le joyau le plus lumineux et le plus précieux. Après le coup d'arrêt anglais en 1966, le génial buteur de Santos retrouve tout son talent et son envie.

Le meilleur joueur de tous les temps va marquer le tournoi de sa classe et de son génie. Il marque quatre buts, dont le premier, de la tête, en finale face à l'Italie. Paradoxalement, Pelé laisse aussi son empreinte dans l'histoire à travers trois actions géniales, qui n'ont pas débouché sur un but. Une tentative de lob géniale et de cinquante mètres face à Viktor, un coup de tête dantesque sorti miraculeusement par Gordon Banks, le gardien anglais, et surtout un grand pont exceptionnel d'inspiration face à Mazurkiewicz, le portier uruguayen.

Mais le Brésil 1970, ce n'est pas seulement Pelé. Le groupe auriverde est d'une homogénéité sans égale. Carlos Alberto, Clodoaldo, Jairzinho, Gerson, Tostao, Rivelino... sont autant de joueurs restés dans la légende du football. Le talent dégouline à tous les postes, donnant au jeu toute sa plénitude. C'est le plus logiquement du monde que cette équipe s'est imposée et a remporté la Coupe Jules-Rimet pour la troisième fois. Le parcours a été parfait. Six victoires en six matches.

Personne n'a pu résister à cette Seleçao. Pas même la magnifique équipe d'Italie de Luigi Riva. Les hommes de Ferruccio Valcareggi ont résisté une heure de jeu avant de tomber sous les coups de boutoir des Brésiliens. A l'arrivée, la Seleçao s'est imposée 4-1 et est entrée définitivement dans l'histoire. Pelé pouvait bien être porté aux nues par ses partenaires. Le Stade Aztèque vivait un moment historique : Le roi faisait alors son dernier tour d'honneur en Coupe du monde. C'est le plus grand Brésil de l'histoire.

Huit ans après une première participation séduisante mais finalement marquée par une élimination au premier tour, le Cameroun dispute en Italie sa deuxième phase finale de Coupe du monde. Il en sera la grande sensation. Les Lions indomptables sont pourtant placés dans un groupe redoutable, avec l'Argentine, championne du monde en titre, l'URSS, finaliste de l'Euro 1988, et l'ambitieuse Roumanie, guidée par Hagi et composée pour une bonne partie de l'effectif du Steaua Bucarest, finaliste de la Coupe des champions 1989.

Dans ce contexte relevé, on ne donne pas cher des chances des Camerounais, dont un tiers du groupe évolue tout de même en deuxième division française. Au niveau international, certains joueurs sont encore des inconnus, tout comme l'improbable entraineur russe, Valeri Nepomniachi. Et pourtant. A San Siro, lors du match d'ouverture, la formation africaine surmonte l'expulsion de Kana-Biyik pour s'imposer 1-0 face aux Argentins, grâce à un coup de tête rageur de François Omam-Biyik. Le point de départ, mais pas le point d'orgue, d'une des aventures les plus folles de ces dernières éditions.

Le héros en sera Roger Albert Millar, dit Roger Milla. Quelques mois auparavant, il n'était pourtant que l'avant-centre de Saint-Denis de la Réunion. Le vieux Lion de 38 ans entre en jeu face à la Roumanie, alors que son équipe est mené 1-0. Il marque deux fois et offre la qualification au Cameroun. L'incroyable Roger. Récidive en huitièmes de finale contre la Colombie. En prolongation, il crucifie deux fois Rene HIguita, notamment en lui subtilisant la balle à 30 mètres de ses buts. L'imprudent portier colombien l'apprend à ses dépens: on ne ruse pas avec le vieux Lion.

Pour la première fois dans l'histoire de la Coupe du monde, une équipe africaine est au rendez-vous des quarts de finale. L'aventure camerounaise s'arrête aux portes du dernier carré, au terme d'un match héroïque, le plus beau d'une si triste compétition. Menés à la pause par un but de David Platt, les hommes de Nepomniachi font trembler la grande Angleterre au carrefour de l'heure de jeu. Milla, toujours lui, provoque un penalty, que transforme Emmanuel Kundé, le libéro de Laval. Quelques minutes plus tard, c'est Eugene Ekeke, le buteur de&hellip Valenciennes, qui donne l'avantage aux siens.

Le Cameroun continue de rêver, mais le réveil sera brutal. Gary Lineker sonne la fin de la récréation. Un premier penalty pour arracher la prolongation, un second pour expédier le onze de sa Majesté en demi-finales. Eliminé, le Cameroun s'offre tout de même un tour d'honneur amplement mérité, devant un public napolitain conquis par l'audace et le talent de cette incroyable équipe. Elle tient à jamais sa place dans l'histoire. Milla, le vieux lion, aussi.