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Les vérités de Fernandez
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Publié 03/11/2011 à 23:30 GMT+1
Dans l’entretien qu’il nous a accordé à Paris, Luis Fernandez défend son bilan à la tête de la sélection israélienne, qu’il n’a pas qualifiée pour l’Euro 2012. En fin de contrat, il "ne se voit pas poursuivre l’aventure" et répond, avec son style inimitable, à ses détracteurs.
Luis fernandez
Crédit: AFP
En recrutant un technicien étranger en la personne de Luis Fernandez (52 ans), Israël espérait décrocher une qualification historique pour l’Euro 2012. Mais le sélectionneur français, dont le contrat expire fin 2011, n’a pas fait mieux qu’une troisième place (5 victoires, 4 défaites, 1 nul). Malgré l’élimination, l’ancien coach du PSG défend son bilan et répond à ses détracteurs.
LUIS FERNANDEZ, vous aviez signé un contrat de seize mois dans l’espoir d’accrocher au moins une place pour les barrages de l’Euro 2012. Mais Israël a terminé à la troisième place de son groupe derrière la Croatie et la Grèce. Êtes-vous déçu ?
L. F: Evidemment… Mais le chantier était colossal quand j’ai débuté, en mai 2010, avec une tournée amicale en Amérique du Sud. Il fallait rebâtir au plus vite un groupe compétitif et trouver des solutions défensives. C’est en assistant à plusieurs rencontres du championnat israélien et à des entraînements dans différents clubs que j’ai détecté des nouveaux joueurs. Pour les mettre dans les meilleures dispositions, j’ai fait venir un diététicien qui a intégré le staff. J’ai décidé de construire la colonne vertébrale de l’équipe autour de trois piliers que sont le gardien Dudu Aouate (Majorque), Tal Ben Haïm (West Ham) et Yossi Benayoun (Arsenal). Reste que la blessure de ce dernier, au tendon d’Achille, en début de saison dernière, a été un handicap majeur alors nous devions affronter la Croatie (1-2) et la Grèce (1-2). Cela dit, malgré l’absence de notre meilleur atout, nous n’avions pas été ridicules sur le terrain. Par ailleurs, au cours de ces éliminatoires, j’ai lancé plusieurs éléments qui, aujourd’hui, brillent dans leur club européen : Lior Refaelov (FC Bruges), Bibras Natcho (Rubin Kazan), Tomer Hemed (Majorque), Eran Zehavi (Palerme) ou encore Itay Schechter (Kaiserslautern). Une nouvelle génération de joueurs est ainsi en train de voir le jour. Elle a besoin de grandir et de prendre confiance. En terminant la campagne avec seize points, je me dis que notre bilan n’est pas si mal dans un groupe dominé par la Grèce, invaincue, et la Croatie, solide deuxième avec 22 points. Je rappelle juste que cela fait un peu plus d’un an que je suis en fonctions. Il faut bien garder cette donnée en mémoire.
Le tournant n’est-il pas d’avoir raté le rendez-vous décisif à domicile (0-1) contre la Grèce, le 2 septembre dernier, alors qu’Israël s’était relancé dans la course à la qualification après une série de trois victoires consécutives ?
L. F : J’étais confiant avant la réception des Grecs et l’attente était énorme dans tout le pays. Mais l’horaire de la partie en plein milieu de l’après-midi n’était pas un bon choix compte tenu de la chaleur. Et le voyage express à Londres de Benayoun pour finaliser son transfert à Arsenal juste avant le match n’était pas, là aussi, la meilleure des choses pour préparer ce choc. Je n’aurais peut-être pas dû titulariser Yossi... Je nourris beaucoup de regrets. Mon équipe est encore jeune et inexpérimentée pour supporter la pression. Et mêmes les meilleurs éléments de l’équipe sont passés complètement au travers. Personne n’avait de jus sur le terrain. Au final, quand on voit les performances de nos deux principaux adversaires, je me dis qu’Israël n’avait pas les moyens de rivaliser.
Sur place, vous n’avez pas été épargné par certains médias…
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French coach Luis Fernandez
Crédit: AFP
L. F : Déjà, j’ai été choqué par les réactions de certains anciens joueurs de la sélection israélienne qui portent constamment de mauvais jugements à mon égard. Quand, moi, je parle de l’équipe de France, j’ai une légitimité pour en parler car j’ai gagné des trophées. En Israël, (Haïm) Revivo ou (Eyal) Berkovic n’ont aucune légitimité lorsqu’ils critiquent à tout va. Ils appartenaient à une génération exceptionnelle qui n’est pourtant jamais parvenue à se qualifier. Quand Revivo me dit de sélectionner tel joueur pour faire venir du monde au stade, je lui réponds que je suis sélectionneur d’Israël et que je prospecte sur tout le territoire. Je peux me déplacer aussi bien à Acco dans le nord qu’à Beersheva dans le sud. Il y a des pays qui ont la culture de la gagne. En Israël, j’ai l’impression que ce n’est pas le cas car les joueurs n’évoluent pas dans de bonnes dispositions psychologiques et mentales. Quand la presse s’en prend au sélectionneur, les joueurs sont eux aussi touchés et fragilisés. On ne peut pas jouer contre son équipe avant un match ! Les médias israéliens ont leur part de responsabilités. Je comprends et je partage la déception des supporters. On peut me reprocher de n’avoir pas réussi à qualifier Israël. Malgré cela, les supporters sont toujours respectueux. Ce que je ne comprends pas en revanche, c’est l’acharnement de certains médias. Ils veulent me démolir. Mon adjoint Tal (Banin) et mon traducteur David (Martane) me ménagent en ne me racontant pas tout. Heureusement d’ailleurs… Parce que je ne suis pas Israélien, on ne me respecte pas. Mon prédécesseur (Dror) Kashtan a entraîné l’équipe nationale pendant quatre ans (2006-2010). Qu’a-t-il fait? Idem pour (Avraham) Grant qui était auparavant aux commandes (2002-2006). Si on me donne un peu plus de temps, il est certain que je pourrai obtenir des résultats concrets. Il faut aussi savoir qu’en Israël, les médias ne s’intéressent guère au contenu du jeu et à la tactique mise en place mais se focalisent davantage sur le prisme du résultat. Reste que maintenant cela fait plus de quarante ans que le pays attend de participer à un tournoi majeur (depuis le Mondial au Mexique en 1970).
Même le président de la Fédération israélienne Avi Luzon n’a pas été tendre avec vous en déclarant, le 10 octobre dernier, dans les colonnes du quotidien Haaretz, que la sélection "n’avait pas progressé avec l’arrivée de Luis" et "qu’au départ il voulait faire venir Donadoni". Avez-vous été surpris par ses propos ?
L. F : J’ai fait connaître mon point de vue en disant que je n’étais pas favorable à ce type de déclarations. Elles ont été faites, en plus, la veille de notre dernier match à Malte (0-2). Par ailleurs, c’est Luzon qui est venu me voir à Paris pour entamer les négociations. C’est lui qui est venu me chercher.
Vous avez entraîné le Bétar Jérusalem durant la saison 2005-2006. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le football israélien ?
L. F : En Israël, pour progresser, les joueurs ont besoin de quitter leur championnat. Car dans la plupart des clubs, hormis au Maccabi Haïfa et à l’Hapoël Tel-Aviv, on n’y travaille pas encore suffisamment bien en termes tactique, physique et diététique. S’il existe des joueurs de qualité, ceux-ci n’évoluent pas pour autant tous dans un environnement professionnel. D’ailleurs, un jour, j’ai soumis à la Fédération israélienne l’idée de faire un audit sur la formation et la préparation physique dans les clubs. Cela n’avait pas l’air de l’intéresser…
Revêtir le costume de sélectionneur était une première dans votre carrière…
L. F: Ce n’est évidemment pas la même approche que de travailler dans un club. Mais je suis un professionnel. La vie en Israël est très appréciable. Je me suis toujours bien organisé entre mon activité à la radio (sur RMC) et ma mission de sélectionneur. J’ai effectué beaucoup d’allers-retours. Avec les joueurs, il y a une véritable osmose. Je les ai senti épanouis à chaque rassemblement. Je parle avec certains en espagnol et même avec d’autres en français, pour ceux qui exercent en Belgique. Ils sentent que je suis proche d’eux et que je me suis pleinement investi dans mon travail.
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Luis Fernandez Israël
Crédit: AFP
Comment voyez-vous votre avenir alors que le nom du technicien israélien Eli Gutman (ex coach de l’Hapoël Tel-Aviv) fait partie des favoris pour vous remplacer en vue des éliminatoires de la Coupe du Monde 2014 ?
L. F : Personnellement, vu le traitement médiatique que je subis, je ne me vois pas poursuivre l’aventure. Mon contrat expire fin décembre 2011. Maintenant, je discuterai de tout ça prochainement avec Luzon. Je ne suis pas pressé d’exercer ailleurs car je suis épanoui à la radio.
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