Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Il y a trente ans, la France remportait le plus grand match de son histoire face au Brésil

Thomas Goubin

Mis à jour 20/06/2016 à 23:31 GMT+2

On ne sait pas ce que l'Euro 2016 nous réserve mais, il y a exactement 30 ans, les Bleus de Platini cosignaient un chef d'œuvre avec le Brésil de Socrates. C'était à Guadalajara, en quart de finale du Mondial 86. C'était aussi la fin d'une époque, la dernière victoire de Platini avec la sélection. Replongée dans l'ambiance de ce 21 juin enchanté.

France Brésil 1986

Crédit: Panoramic

A Guadalajara, la France jouait à l'extérieur. Dans une ville, la deuxième du Mexique, énamourée du Brésil depuis 1970. Pelé et consorts y avaient installé leur camp de base et disputé leurs six premiers matches de la compétition. De quoi marquer les esprits. L'impact de cette Seleçao, la plus brillante de tous les temps, fut d'ailleurs tel qu'une place se trouvant en face du stade Jalisco, fut renommée "Brésil" dans la foulée du Mondial. Seize ans plus tard, pour le deuxième Mondial organisé au Mexique, la Seleçao s'installe à nouveau à Guadalajara. Après dix matches de Coupe du monde joués au stade Jalisco, cette imposante enceinte de 60000 places posée sur le côté d'un grand boulevard, la Seleçao compte dix victoires, avant de rencontrer la France.
A peine arrivés dans la deuxième ville du Mexique, les Bleus se rendent rapidement compte qu'on ne leur souhaite pas le meilleur. Un groupe de supporters brésiliens débarque ainsi dans leur hôtel pour "kidnapper Platini". Du folklore, mais l'ennemi numéro un de la Seleçao est clairement identifié. Voilà ce qu'en dit Sócrates, le cérébral milieu brésilien : "Platini est tout simplement un génie et il est impossible de marquer un génie". Le 19 juin, un incident se produit lors de l'entraînement du Brésil. Deux journalistes français sont accusés d'espionner pour le compte d'Henri Michel. Le service d'ordre brésilien leur demande vigoureusement de ne plus utiliser leurs caméras pour la deuxième mi-temps d'un match amical face à une équipe locale qui fait office de séance d'entraînement.
Arrivés le 18 juin, en provenance de Mexico, où ils venaient d'éliminer avec autorité l'Italie championne du monde en titre, les Bleus se sont installés à une cinquantaine de kilomètres de Guadalajara, sur les rives du Lac Chapala, lieu prisé des retraités canadiens et américains. Le mot d'ordre : récupération. Deux jours avant le quart de finale, le sélectionneur, Henri Michel, profite ainsi d'un moment de temps libre pour s'offrir une balade à cheval, pendant que ses joueurs se rendent à Tlaquepaque, ville pittoresque de la banlieue de Guadalajara, où pullulent les boutiques d'artisanat. Rocheteau, Platini, Giresse, et consorts repartent avec divers tissus locaux, poteries, et autres sombreros. Le journal mexicain El Informador, relève, lui, que Joël Bats affectionne de lire de la poésie. La veille du match, les Bleus s'entraînent au stade Jalisco à 12h, l'heure à laquelle se disputera le match, pour le confort du spectateur européen (19h en France). Un horaire qui mettra à rude épreuve les organismes, puisque le soleil de Guadalajara brûle à cette époque de l'année (près de quarante degrés).
Plus de billets avaient été vendus qu'il n'y avait de places
En France, avant même que Luis Fernandez n'inscrive son tir au but victorieux, ce 21 juin, premier jour d'été, est déjà une soirée spéciale. Alors que les premiers accords de la fête de la musique résonnent, les otages libérés du Hezbollah, Philippe Rochot et Georges Hansen, journalistes à Antenne 2, débarquent à Orly. Un duplex est même réalisé lors de la retransmission du match pour assister à leur arrivée. Sur le terrain, le match commence mal pour les Bleus. Le Brésil, laborieux en phase de poule, avant de se rassurer en expédiant la Pologne en huitièmes (4-0), joue son meilleur football. Bien que privé de Zico, relégué sur le banc à cause d'une blessure récalcitrante au genou, Socrates, Junior, et Muller, dansent au son de la samba, qui résonne au sein du Jalisco. Le Brésil réjouit et ouvre le score grâce à Careca, dès la 17e minute. Coloré de jaune, même si l'on perçoit quelques petites nuances bleutées, le stade Jalisco exulte. "L'attente était énorme à Guadalajara, se rappelle le journaliste mexicain, Javier Francisco Carmona Solís, plus de billets avaient été vendus qu'il n'y avait de places".
picture

Top 100 Platini France Bresil 1986 Zico Bats

Crédit: Imago

Le 21 juin, c'est aussi l'anniversaire de Platini, son 31e. Le numéro 10 sait que ce match pourrait être le dernier de sa carrière internationale. Mais en fin de première période, le génie français fait le nécessaire pour repousser l'échéance et y va de son but pour remettre les Bleus à flot. La France du carré magique est dominée mais ne renonce pas à ses convictions. Jeu déroulé au sol, et une volonté infaillible de toujours aller vers l'avant malgré les assauts brésiliens. En deuxième période, Zico finit par rentrer. Premier ballon, premier extérieur, et première balle en profondeur qui provoque un pénalty. Le Pelé blanc se saisit du ballon, mais Joël Bats oppose ses poings à son tir au but. Le gardien français est dans un grand jour et aide les Bleus à atteindre les prolongations. Il n'est pas encore 14h, à Guadalajara, le soleil essore les organismes, mais pas l'envie de jouer des deux équipes qui partagent un même idéal. Subir ne les intéresse pas, même si le Brésil n'avait pas pris un but depuis le début de compétition, avant que Platini ne surgisse.

Le dernier du genre en Coupe du monde

Cette orgie de jeu proposée par les deux sélections vaut aujourd'hui, à ce match, d'être considéré comme le dernier du genre en Coupe du monde. Du football-art joué à mid-tempo, avant le grand tournant de la rigueur du Mondial italien. Les artistes ont encore le temps et l'espace pour s'exprimer, et ne s'en privent pas. Mais ne s'agit-il pas là d'une vision nostalgique ou d'une regard rétrospectif propice à l'idéalisation ? Les unes du lendemain viennent jouer les juges de paix. "Le meilleur match de tous les temps" titre ainsi, le quotidien mexicain, Esto. Pour leur part, les Espagnols de la Vanguardia considère ce quart de finale comme "l'une des plus belles pages de l'histoire du foot mondial". Pour l'hebdomadaire argentin, El Grafico, "le Brésil a simplement perdu aux penalties un match merveilleux". En France, la tonalité est similaire : "Un vainqueur, le foot, un qualifié, la France", titre Onze.
picture

Jean Tigana devant Elzo et Socrates

Crédit: Panoramic

Au terme de la rencontre, les larmes coulent en abondance sur les joues des supporters brésiliens. "Je ne pense pas entraîner de nouveau, se résigne alors Telê Santana, l'auteur intellectuel de ce dernier Brésil romantique, je pense aller me reclure". Sur la pelouse du Jalisco, Platini va prendre dans ses bras Luis Fernandez. Le héros du soir avait connu un début de match difficile, replacé en arrière latéral, avant qu'Henri Michel ne rectifie le tir en le renvoyant cavaler dans l'entre-jeu. Finalement, il qualifiera la France, et sauvera la face de Platini, qui avait manqué son tir a but. Guadalajara est dévasté, la France heureuse. Dans le vestiaire, les Bleus commencent à entonner la chanson "Brasil" d'Arry Barroso. Un moment de joie absolu. Les Bleus ont eu la peau de la Seleçao, mais avec la manière : en dansant avec elle pendant 120 minutes de légende.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité