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La prime au spectacle

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ParEurosport

Mis à jour 05/06/2012 à 00:17 GMT+2

Deuxième volet de notre enquête sur ces clubs qui bâtissent un stade pour grandir. Ce développement, vital, est aussi dangereux. Car il faut remplir les tribunes. "Et en France, le supporter vient au stade quand son équipe gagne."

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Crédit: Eurosport

Sur le papier, l'équation est simple : un nouveau stade est censé attirer plus de spectateurs. Pour, au final, augmenter les recettes de son exploitant, généralement le club. Encore faut-il résoudre ce qu'Henri Legarda qualifie de "problème culturel". "On n'est pas en Angleterre, en Allemagne, en Espagne et en Italie, où les supporters soutiennent leur club, qu'il soit premier ou dernier du classement, en première ou en troisième division, relève le président manceau. En France, le supporter vient au stade quand son équipe gagne."
Patrick Mignon, sociologue du sport à l’Insep, où se forment et s'entraînent les sportifs de haut-niveau, accrédite cette thèse : "Le supporter français est avant tout un spectateur, prêt à décrocher si les résultats de l'équipe résidente ne sont pas au rendez-vous." Pour comprendre ce décalage culturel, il faut remonter le temps. "En Angleterre, le football s'est développé dès la fin du XIXe siècle, détaille Mignon. Il est le symbole d’une communauté. Les supporters veulent faire vivre leur club. En France, les clubs de foot n'ont commencé à se développer que dans les années 50, quand la France est devenue une société urbaine. Jusqu'ici, il n'y avait pas suffisamment de gros bassins de population pour que les clubs se développent."
Zidane viendra au Havre
Aujourd'hui, le potentiel démographique est là. Reste à l'exploiter durablement. Pas seulement lors des grandes occasions, une à deux fois dans la saison. "En France, on ne double que très rarement l'affluence sous prétexte qu'on double la capacité d'un stade, met en garde François Hilbrandt, consultant-sport au cabinet Kurt Salmon. Il faut travailler son marché en amont, déterminer réellement ses besoins et cerner le profil de ses supporters. Même dans certaines grandes villes, on constate des écarts importants entre la plus forte affluence de la saison et la plus faible. C'est un phénomène qu'il faut comprendre pour fidéliser les supporters occasionnels." C'est aussi un signe que les clubs n'ont pas tous atteint leur maturité. Pas assez, en tout cas, pour remplir des enceintes surdimensionnées. "Pour moi, le stade est à la bonne dimension, se défend Legarda. Avec sa périphérie, Le Mans représente 23.0000 habitants. Grâce à l'autoroute qui passe à proximité, on a une zone de chalandise de 2,3 millions d'habitants dans un rayon de 100 km. On a retenu 1% de cette zone. Ça ne me paraît pas démesuré."
A l'instar du Hainaut et de la MMArena, le futur stade du Havre pourra accueillir "25.000 spectateurs en configuration foot" et "30.000 en configuration spectacle". "Compte tenus de la taille de l'agglomération et des moyens financiers que les élus souhaitaient engager, il n'aurait pas été judicieux d'en construire un stade plus grand", dit Louvel. Le président du HAC mise sur "l'effet de curiosité, le France-Uruguay du 15 août et le 140e anniversaire du club avec Zidane et d'anciennes gloires du Real Madrid pour attirer des nouveaux spectateurs". "Puis sur les résultats et le jeu proposé par l'équipe première pour les fidéliser."
"Pas le droit à l'échec sur le terrain"
Le pari est risqué. François Hilbrandt le juge "nécessaire". "Pas suffisant". "Les clubs sont obligés de prendre des risques pour grandir et en même temps, ils doivent attendre le moment opportun pour prendre ces risques. Il faut arriver à une certaine stabilité sportive avant d'envisager une croissance économique majeure. La puissance économique permet ensuite d'asseoir la puissance sportive. Mais encore faut-il réussir à lancer la machine. C'est toute la problématique : quel est le bon moment pour lancer mon projet de stade ? Est-ce que j'attends d'être totalement installé, quitte à ne pas grandir économiquement ? Ce cercle vertueux est difficile à installer." "D'autant que le sport est une industrie affective et aléatoire, insiste l'économiste Frédéric Bolotny, où il est très difficile de gérer les risques." Dépendants de "l'aléa sportif", les clubs sont "encore plus exposés en phase de croissance", dixit Hilbrandt. "Pendant cette période, on n'a pas le droit à l'échec sur le terrain, renchérit Legarda. Or, une montée ou une relégation tient souvent à un tir sur la barre ou un penalty manqué."
Vu les enjeux, les clubs se retrouvent presque contraints de changer leur stratégie de développement en s'éloignant de leur raison d'être. "Il faut leur proposer autre chose que du football, propose Henri Legarda. Il faut du convivial, du festif, avant, pendant et après le match. Si vous voyez un mauvais match mais qu'à côté de ça, vous voyez un beau spectacle, vous revenez." Avec femmes et enfants si possible, et pas nécessairement pour du ballon rond. La rentabilité porte un nom : la diversification. "Les nouveaux stades ne sont pas construits uniquement pour dix-neuf matches de football par an, convient Jean-Pierre Louvel, par ailleurs président de l'Union des clubs professionnels français. Ils doivent vivre 365 jours sur 365." Par le biais d'une filiale (Océane Stadium), le HAC va désormais "produire des activités quotidiennes : des concerts, des séminaires, des congrès d'entreprises, des arbres de Noël, des mariages, des expositions et des foires". En attendant peut-être un jour, à nouveau, le spectacle d'un football de niveau L1.
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