Valence s'est perdu depuis des années, peut-il retrouver son chemin grâce à Prandelli ?

Si vous trouvez que l’OM est un club agité et foutraque, ce n’est rien en comparaison du Valencia CF. Depuis l’arrivée de Peter Lim à la tête de l’institution, les supporters ont souvent déchanté. Jusqu’à présent, le magnat singapourien avait surtout fait profiter ses amis : Nuno Espirito Santo, Jorge Mendes, Gary Neville. Après le limogeage de l’ex-international anglais, meilleur consultant et joueur de fantasy league (il était en tête du classement Sky Sports après 6 journées) qu’entraîneur, Pako Ayestarán a fini la saison 2015-2016 avant d’être reconduit pour l’exercice suivant. En désaccord avec le directeur sportif Suso Pitarch qu’il connaissait depuis l’ère Benitez (2002-2004) quand il était adjoint, le Basque a sauté après quatre journées. Et là, surprise. Lim engage Cesare Prandelli, un homme avec qui il n’entretient ni amitié ni relations de business ! C’est la première fois que le milliardaire pense vraiment au football, pour le plus grand bonheur de l’afición. La politique des copains d’abord, c’était le radeau de la Méduse ce bateau…

Alors que Nuno et Neville étaient des bizuts ou presque, Prandelli a une grosse expérience d’entraîneur. Huit saisons en Serie A et un mandat de 4 ans à la tête de la Nazionale ont forgé ses convictions. Et même si depuis l’élimination de l’Italie au premier tour du Mondial 2014 et une brève aventure à Galatasaray, le Mister transalpin s’était fait discret, il reste une valeur sûre et un personnage d’envergure. "A la Fiorentina, entre 2005 et 2010, il a installé un projet et un jeu, explique Guillaume Maillard-Pacini, journaliste spécialiste du football italien et membre de l’équipe de Gianluca di Marzio. Malheureusement, on reste beaucoup plus focalisé sur son échec retentissant au Brésil que sur son Euro 2012, où il a tout de même atteint la finale".

Son passage en Toscane demeure une belle carte de visite. C’est chez les Giglati que Prandelli a bâti sa réputation. "On garde un bon souvenir de lui à la Fio, poursuit Guillaume Maillard-Pacini. Prandelli cherche toujours à transmettre son jeu et sa philosophie à ses équipes. Il peut se fonder sur des garanties et construire autour". Face au public intransigeant de Mestalla, une garantie de football offensif et plaisant est un bon point de départ, encore faut-il parvenir à convaincre avec un effectif qu’il n’a pas choisi mais qui devrait s’étoffer au mercato d’hiver. "Prandelli est le premier grand pari du VCF, constate Victor Quilis, journaliste pour le site Blanquinegres et RadioEsport914. A un moment, il fallait arrêter les expérimentations. Certes, l’expérience ne garantit pas le succès mais elle aidera un groupe de joueurs jeunes, capables de tout, dans un sens comme dans l’autre. Un CV comme le sien, avec des réussites et des échecs, démontre qu’il a eu un véritable parcours. En bref, le Valencia CF a enfin un entraîneur".

Pour son premier match sur le banc che, Prandelli n’a pas eu la tache facile contre le Sporting Gijón. Certes les Asturiens sont dans le bas de tableau mais aucune équipe ne s’amuse sur la pelouse du Molinón. Grâce à un doublé de Mario Suárez, Valencia s’est relancé après sa défaite logique contre l’Atlético de Madrid. Néanmoins, les problèmes défensifs perdurent. Les matches qui s’achèvent avec "la porteria a cero" se comptent sur les doigts d’une main depuis plus d’un an. Les arrivées d’Ezequiel Garay et Eliaquim Mangala n’ont pas encore produit tous leurs effets car les deux joueurs ont été ralentis par des blessures.

Dans l’imaginaire collectif, et même si cela relève souvent plus du mythe que de la stricte réalité (après tout, Helenio Herrera était français et Tommaso Maestrelli transalpin), Italie rime avec défense et pour un peuple qui vit dans la nostalgie de Roberto Ayala, l’arrivée de Prandelli est porteuse d’espoirs. "Au départ, on parlait de Prandelli comme d’un coach très offensif, très espagnol dans son style de jeu, détaille Victor Quilis. Néanmoins, comme tout Italien qui se respecte, il n’oublie pas ses origines, le catenaccio. Je crois en ses capacités pour améliorer la défense, d’autant que la tactique défensive était inexistante jusqu’à présent. Il manque un véritable stoppeur capable de détruire le jeu mais Prandelli y travaille et je pense que cela donnera de bons résultats".

Pour son baptême du feu devant la grada valencianiste, Prandelli pouvait difficilement être mieux servi avec un affrontement contre le FC Barcelone. Les supporters sont encore plus remontés que d’ordinaire puisque les Culés ont fait leurs courses cet été chez les Blanquinegros en recrutant André Gomes et Paco Alcácer et refourgué Martin Montoya et Munir El-Haddadi dont ils voulaient se débarrasser. "Ce n’est pas facile de préparer un match contre le Barça, a-t-il expliqué mercredi à Di Marzio dans l’émission Calciomercato - L’Originale. On ne peut pas arrêter le talent, simplement le contenir. On doit simplement profiter de leurs temps faibles". C’est peut-être le bon moment pour prendre les Blaugrana qui ont joué un gros match contre Manchester City en Ligue des Champions et seront privés de Jordi Alba et Gerard Piqué en défense.

Selon toute vraisemblance, comme Voro pendant son interim et comme face à Gijón, le Mister italien devrait évoluer samedi après-midi dans une composition de base en 4-2-3-1, même si rien n’est gravé dans le marbre. "Prandelli ne reste pas dans un système tactique fixe, rappelle Guillaume Maillard-Pacini. En club et avec la sélection, il a dû jouer dans tous les schémas possibles. Il s’adapte aux caractéristiques de son effectif et en fonction de ce qu’il a, il trouve la meilleure organisation. Il veut de la qualité car il adore bien jouer". Dans une Liga plus concurrentielle que jamais, Valencia CF a pris du retard dans la course à l’Europe et Prandelli doit restructurer l’axe 4-6-8-10 car c’est avec une équipe rugueuse et hargneuse que les Murciélagos ont toujours remporté leurs plus beaux succès.

Adoubé par Claudio Ranieri, l’entraîneur qui a lancé la fameuse génération double finaliste de la Ligue des Champions avec Hector Cúper en 2000 et 2001, Cesare Prandelli semble se plaire dans son nouveau club. "Il y a plus de pression en Italie et l’Espagne est plus respectueuse, avoue-t-il. Ici, la culture n’est pas le résultat mais le jeu. Après le match contre Gijón, nous sommes rentrés tard mais les joueurs du centre de formation nous attendaient pour nous féliciter. C’était une émotion forte et un sentiment d’appartenance. Valencia est une ville qui accueille les différences et les gens aiment vivre là".

Visiblement impliqué, il prend déjà des cours de castillan pour mieux s’adresser à ses joueurs et à la presse découvre et apprécie le fonctionnement de l’ancien Juventino. "Prandelli ne transige pas, il ne laisse personne se reposer et il n’accepte pas que son équipe soit noyée mentalement, conclut Victor Quilis. Nous ne connaissons pas encore la fin de l’histoire mais tout nous invite à penser que les résultats vont décoller. Valencia a toujours été bon quand le domaine sportif a pu évoluer avec tranquillité et cohérence. Le quotidien est redevenu normal et les joueurs commencent à assimiler le travail fourni chaque jour". Une victoire face au Barça séduirait encore plus les Valencianistes qui ne demandent qu’à succomber au charme de l’un des hommes les plus classes du football mondial.