Ligue des champions : L'Ajax et les clubs français, une histoire vieille de plus de 40 ans

L'Ajax, pour le football français, c'est une très vieille connaissance. Un faux ami de plus de quarante ans. Mais qui, jusqu'ici, s'est réservé à un cercle fermé. C'est bien le paradoxe du lien entre le géant néerlandais et les pensionnaires de Ligue 1. L'Ajax les a souvent croisés. Mais souvent les mêmes. Quatre adversaires différents seulement : Marseille, Strasbourg, Auxerre et Lyon.

Si l'on prend en compte les clubs ayant gagné au moins une fois la Ligue des champions depuis 1956, l'Ajax figure dans la liste de ceux ayant disputé au moins 20 matches face aux clubs français. Mais tous ont croisé au moins six clubs tricolores. A elle seule, l'AJA totalise 8 de ces 20 matches, ce qui en fait d'ailleurs le quatrième adversaire le plus récurrent de l'histoire européenne de l'Ajax, derrière la Juve, le Real et l'AC Milan.

Sur les 20 matches disputés par l'Ajax contre les clubs français, le club d'Amsterdam totalise 10 victoires, pour 4 nuls et 6 défaites (31 buts marqués, 21 concédés).

Pour autant, si l'on s'en tient aux confrontations directes pour mettre de côté les rencontres disputées en phases de poules, le rapport de forces est nettement plus équilibré: trois qualifications de l'Ajax, trois qualifications des clubs français. On peut en réalité distinguer deux périodes, qui marquent le progressif affaissement de l'Ajax. Ce dernier a remporté ses trois premiers duels directs avec des clubs français, en 1972 contre l'OM (huitième de finale de C1), en 1980 face à Strasbourg (quart de finale de C1) et en 1988, à nouveau devant l'OM (demi-finale de Coupe des coupes).

En revanche, depuis un quart de siècle, les dernières confrontations directes ont systématiquement tourné à l'avantage des pensionnaires de Ligue 1. A chaque fois en "C3". Auxerre a sorti deux fois l'Ajax, en quarts de finale de la Coupe UEFA 1993, puis en 16es de finale de cette même Coupe UEFA, 12 ans plus tard, en 2005. Enfin, Marseille lui a fait subir le même sort, également en Coupe UEFA, au printemps 2009. C'était en huitièmes de finale.

Pour les Français, un duel sort du lot, très nettement. Sur les trois qualifications obtenues devant l'Ajax, deux ont été obtenues au XXIe siècle, alors que le club aux 33 titres de champion des Pays-Bas avait clairement perdu de son lustre d'antan. En revanche, la victoire de l'AJ Auxerre en 1993 peut être considérée d'un tout autre calibre. A l'époque, l'Ajax, tenant du titre de la Coupe UEFA, est une sacrée pointure et à travers une nouvelle génération, il traverse ce qui constitue sa dernière période phare (victoire en Coupe UEFA 1992 donc, victoire en Ligue des champions en 1995). Avec Dennis Bergkamp, Marc Overmars, Edgar Davis, Frank De Boer, Danny Blind, Wim Jonk ou l'avant-centre suédois Steffan Petterson, l'Ajax possède alors une équipe de top niveau européen et part très largement favori contre l'AJA, d'autant que l'équipe de Guy Roux patine en championnat, où il n'occupe que la 8e place.

Mais les deux rencontres vont marquer l'histoire du club bourguignon. A l'aller, Auxerre est mené 1-0 dès la 3e minute à l'Abbé-Deschamps. A la pause, le score reste nettement favorable aux Ajaxiens. Mais dans les 10 dernières minutes, un corner direct de Vahirua et un but de Dutuel dans le temps additionnel donnent un avantage substantiel à Auxerre avant d'aller à Amsterdam. Là-bas, le retour sera dantesque, avec un rythme effréné, des occasions à gogo, des barres et des poteaux dans tous les sens. Mais un but, un seul, signé De Boer à l'heure de jeu, ne suffit pas à l'Ajax. Auxerre signe ce qui constitue probablement son plus grand exploit continental. Et la plus significative d'un club français contre ce géant du football européen.

Gilbert Gress possède un privilège unique : il est la seule personnalité à avoir été éliminée par l'Ajax Amsterdam avec un club français en tant que joueur et en tant qu'entraîneur. En 1971, en huitièmes de finale de la Coupe des champions, c'est pourtant lui qui ouvre le score dans un Vélodrome en feu face à l'immense Ajax de Cruyff, Neeskens, Keizer, Krol ou Murhen. Mais l'OM incline 2-1 (Cruyff inscrivant le but de la victoire) avant de boire la tasse au retour (4-1). Au printemps 1980, devenu entraineur emblématique du RC Strasbourg, Gress retrouve l'Ajax, en quarts de finale cette fois de la C1. Après un nul méritoire à la Meinau (0-0), le Racing plonge à Amsterdam (4-0). Au-delà de cette double gifle, Gress reste un admirateur du jeu de l'Ajax. Le technicien suisse, dans sa carrière d'entraîneur, a souvent essayé de s'inspirer du grand Ajax des années 70.

Contrairement à une légende (entretenue par certains sites, notamment sa fiche wikipedia en français qui signale qu'il n'a joué qu'un seul match de Coupe d'Europe en 1992-93), Clarence Seedorf n'a pas débuté sa carrière européenne contre l'AJ Auxerre en mars 1993. Il avait déjà disputé deux bouts de matches contre Guimaraes et Kaiserslautern en amont. 338 minutes au total. Mais à chaque fois, l'affaire était déjà dans le sac pour l'Ajax. Ce 16 mars 1993, lorsqu'il entre en jeu dès la 17e minute après la blessure de Danny Blind, Seedorf est vraiment lancé dans le grand bain par son entraineur, un certain Louis Van Gaal. Car tout reste alors à faire dans ce quart de finale retour. Seedorf a alors 16 ans et ce match marque vraiment la naissance d'un joueur hors-normes, qui totalisera pas moins de 166 matches sur la scène européenne.

Une tignasse déjà bien blonde et un visage presque enfantin. En avril 1988, Dennis Bergkamp n'est encore qu'un espoir au sein de l'Ajax. Marco Van Basten est parti un an plus tôt, et Bergkamp, qui n'a pas encore 19 ans, n'a pas encore tout à fait pris la relève. Mais lors de cette demi-finale aller de Coupe des coupes, quand l'Ajax lamine l'OM de Tapie au Vélodrome (0-3), c'est lui qui inscrit le troisième but en toute fin de match en trompant de loin un Joseph-Antoine Bell parti à l'aventure. Le premier de ses 32 buts européens.

C'était le fameux quart de finale retour de Coupe UEFA face à Auxerre évoqué plus haut. Bergkamp, alors âgé de 24 ans, était la star de cet Ajax revenu au premier plan. L'élimination contre l'AJA a sonné la fin de sa carrière européenne avec son club formateur. Quelques semaines avant de croiser Auxerre, Bergkamp s'était engagé avec l'Inter Milan, qu'il allait rejoindre à l'été 1993.