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Que la Juve et le Napoli se le disent : le succès sportif n'est pas qu'une histoire de gros sous

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 02/11/2016 à 20:27 GMT+1

C’est un état de fait, voire une lapalissade : le facteur économique est décisif dans la conquête des titres nationaux ou continentaux. En retard sur leurs concurrents respectifs de ce point de vue, la Juventus et le Napoli ne doivent pas pour autant en faire un alibi immuable.

Miralem Pjanic (Juventus) au duel avec Faouzi Ghoulam (Naples)

Crédit: Panoramic

La mise en scène est soignée, les médias les plus importants convoqués, powerpoint et dossiers de presse accompagnent le déroulement de la séance. Les assemblées des actionnaires entérinant les bilans financiers font désormais partie des dates-clés de la saison d’un grand club de football italien. La conférence de presse ayant succédé à celle de l’Inter était même diffusée en live sur Youtube. De fait, les passionnés de football s’intéressant à ce nouvel aspect sont de plus en plus nombreux. Marco Bellinazzo, journaliste du quotidien économique "Il Sole 24 ore", ne s’attendait d’ailleurs pas à ce que son livre "Goal Economy" devienne quasiment un best-seller. Attention toutefois à ne pas en faire une obsession.

Le Napoli doit vite penser à un stade, et pas que

Cette fois, ni Maurizio Sarri, ni Aurelio De Laurentiis - respectivement entraîneur et président du Napoli - ont sorti l'argument du chiffre d’affaires pour justifier une nouvelle défaite face à la Juventus. Cela aurait été mal vu après une rencontre où les deux équipes ont fait jeu égal et qui a basculé en faveur des bianconeri à cause de deux erreurs individuelles de Ghoulam. Mais le constat est toujours valable. Le rapport Deloitte de janvier - et sa Money League qui établit un classement européen uniquement basé sur les revenus - parle de 323 millions d’euros de chiffre d'affaire (CA) pour la Juve (10e) contre seulement 125 pour le Napoli (30e). Un chiffre qui s’explique en partie par la non-participation à la Ligue des champions la saison dernière. D’ailleurs, le dernier bilan financier des Napolitains était dans le rouge pour la première fois depuis 8 ans (-16,6 millions d'euros). La vente d’Higuain devrait remettre les prochains comptes à flot mais le club ne peut éternellement se reposer sur les plus-values record surtout quand elles renforcent un adversaire direct.
Le Napoli possède le 5e CA de Serie A et réussit donc déjà à déjouer les pronostics, mais De Laurentiis exploite-t-il au maximum le potentiel de son club ? Le pactole dérivant des droits TV dépend certes de critères définis collectivement, mais d’autres entrées d’argent sont améliorables. Priorité absolue, le stade San Paolo est rempli en moyenne à hauteur de 38%. 15000 spectateurs étaient présents mercredi dernier contre l’Empoli, record négatif depuis 2004. Le match était en semaine, mais c’est aussi la conséquence d’une politique de tarifs pas toujours raisonnable et la vétusté de cette enceinte. Elle a beau appartenir à la commune, il serait judicieux de la rénover un minimum ou d’initier le processus pour en bâtir une nouvelle. Or, l’immobilisme règne. Autre paramètre, et pas des moindres puisqu’il s’agit de la vitrine du club, une communication indigne du rang du club. La première conférence de presse de la saison était accessible sur… invitation.

La Juventus ne dépend pas forcément que des autres

"Il y a une polarisation au niveau des clubs en tant que chiffre d’affaires. Nous nous situons à mi-chemin, dans un no man’s land entre les wagons de 1ère et de 2nde classe. Il y a le risque de rester piégé au milieu", déclarait le président Andrea Agnelli il y a deux semaines lors de l’assemblée des actionnaires. Avec ses 387 millions d'euros de CA fraîchement officialisés, la Juventus figure derrière les 8 clubs facturant plus de 400 millions d'euros (Real, Barca, Manchester, PSG, Bayern, Manchester City, Arsenal et Chelsea). La progression est remarquable depuis le retour en haut de l’affiche (multiplié par deux en cinq ans) mais les autres cadors européens aussi ne traînent pas (les bianconeri stagnent d'ailleurs à la 10e place depuis quatre classements Deloitte). La Vieille Dame est pénalisée par ses compatriotes et cette Lega qui peine à valoriser son produit. A titre d’exemple, entre les deux derniers contrats, le montant des droits TV (vendus collectivement) a augmenté de 83% en Bundesliga, 71% en Premier League, 50% en Liga et seulement 20% en Serie A. Un vrai bond en avant est donc espéré pour la prochaine période (2018-2021).
Néanmoins, il serait trop simple de ne pas effectuer sa propre introspection car des différences trop grandes subsistent concernant des sources de revenus disons individuelles. Parlons des maillots, entre sponsor (Jeep) et équipementier (Adidas), la Juve encaisse 40 millions d'euros par an. C’est près de quatre fois moins que Manchester United qui culmine à 156 et c’est très loin derrière le Barca (115) et le Bayern (106). La marge de progression est importante, ce qui n’est pas le cas de l'argent dérivant du stade. 51 millions d'euros c’est le score de la saison 2014-15, celle de la finale de la Ligues des champions. La même année, Arsenal et le Real en ont engrangé 130 avec un nombre de matches et un taux de remplissage (entre 95 et 100%) similaires. Les dirigeants turinois ont deux solutions : augmenter les prix ou la capacité. Cinq ans ont suffi pour se rendre compte que les 41000 places du Juventus Stadium allaient être problématiques sur le long terme. Des travaux s’imposent déjà.
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Juventus Stadium, Juventus, Turin

Crédit: AFP

Des contre-exemples parfois inattendus

Des chiffres qui comptent mais qui ne doivent pas pour autant être corrélés à la capacité de gagner des titres (ou de s’en approcher). L’exemple de Leicester, un exploit qui arrive une fois par siècle, n’est pas le plus pertinent. Mieux vaut parler de l’Atletico Madrid et ses 187 millions d'euros de CA, une misère par rapport au Real et au Barca à qui il dispute pourtant titres nationaux et internationaux depuis plusieurs années. Quand l’organisation tactique et la "garra" permet de combler un "gap" démesuré.
A l’inverse, Manchester United se débat dans une crise sportive qui dure depuis quatre ans, mais cela n’a aucunement influé sur sa puissance économique (toujours 3e avec un CA de plus d’un demi-milliard d’euros). Là, c’est la diversification des revenus et l'exploitation à 360° d’une marque qui permettent de survivre à une politique sportive désastreuse. Que ce soit clair, la Juve et le Napoli mènent bien leur barque par rapport aux autres formations transalpines, mais qu'ils sachent que l’Inter version 2009-10 est l'équipe la moins opulente (9e de la Money League au moment de sa victoire) à avoir remporté la C1 sur cette dernière décennie.
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