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La Premier League plombe-t-elle les clubs anglais en Ligue des champions ?

Maxime Dupuis

Mis à jour 26/09/2017 à 11:10 GMT+2

LIGUE DES CHAMPIONS - Depuis cinq ans et le triomphe de Chelsea, les clubs anglais n’ont plus voix au chapitre en Ligue des champions. Seuls deux clubs ont intégré un dernier carré aujourd’hui réservé aux mêmes têtes. A qui la faute ? Les techniciens "locaux" pointent la Premier League du doigt. A-t-elle bon dos ? Damien Comolli, consultant pour SFR Sport, nous donne son avis.

John Stones (Manchester City)

Crédit: Getty Images

Manchester United. Liverpool. Notthingham Forest. Aston Villa. Chelsea. Ils sont cinq. Et aucun autre pays ne peut se targuer d'en posséder autant. Eux, ce sont les clubs anglais qui ont remporté la C1 au moins une fois dans leur histoire. Et l'Angleterre peut même se vanter d'avoir la deuxième division la plus prestigieuse d'Europe puisque Forest et Villa en sont aujourd'hui pensionnaires.
Problème pour la Perfide Albion, si les anciens champions d'Europe sont en nombre sur l'île, les futurs tardent à émerger. Depuis le glorieux accident de 2012 et le triomphe des vieux grognards de Chelsea, les pensionnaires de Premier League n'ont plus voix au chapitre. Les échecs succèdent aux échecs si bien que les managers des grands clubs anglais en viennent à pointer du doigt la responsable de leurs contrariétés : la Premier League.
Antonio Conte en est convaincu.
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Conte : "La Ligue des champions, c'est encore plus difficile pour les équipes anglaises"

José Mourinho aussi.
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Les équipes anglaises sont désavantagées, selon Mourinho

Pour faire simple, la Premier League est un championnat plus exigeant que les autres. Et, par ses particularités, il est un frein à un nouveau triomphe anglais en Ligue des Champions.
Pour y voir plus clair, nous avons sollicité un observateur éclairé du football british : Damien Comolli. Consultant pour SFR Sport, il a auparavant travaillé à Arsenal en tant que recruteur, occupé le poste de manager général à Tottenham avant d'être directeur sportif de Liverpool, entre 2010 et 2012. Pour lui, c'est assez clair : les week-ends de Premier League sont un obstacle aux milieux de semaine européens. Voici pourquoi.
Les entraîneurs ne se défaussent-ils pas un peu trop facilement sur la Premier League pour justifier leurs échecs répétés en Ligue des champions ?
D.C. : Non. Je suis d’accord avec eux. Ça fait des années que je le dis. Pour différentes raisons. L'absence de trêve de Noël est un premier problème. Les autres pays permettent à leurs clubs de recharger les accus et d'arriver plus frais au printemps. En Angleterre, c'est le moment où les joueurs sont le plus fatigués. Ensuite, la compétitivité de la Premier League est telle que les équipes du haut de tableau ne peuvent lever le pied et faire tourner. Aucun match n'est simple.
Je vous donne un exemple qui date de l'an passé : quand Tottenham a perdu à Monaco, je me suis entretenu avec des joueurs des Spurs. Ils m'ont dit la chose suivante : « on n'a pas fait un mauvais match mais, trois jours avant, on a gagné à la 93e face à West Ham. C'était la guerre. On est arrivé à Monaco cuits…' Et le samedi suivant, ils affrontaient Chelsea. Et ça, ce n'est pas moi qui le dis, ce sont des joueurs qui m'en ont parlé.
Enfin, il y a un élément qu'il ne faut pas sous-estimer : les joueurs et les clubs veulent gagner la Premier League. La Ligue des Champions est une autre compétition. La Premier League est une obsession. Les Anglais donnent plus de valeur à leur compétition domestique. Au début des coupes d'Europe, les Anglais ne les disputaient pas. Ce n'est pas tant culturel et lié à leur position particulière en Europe parce que, si vous prenez le rugby, les Anglais adorent battre les Français sur le Tournoi des 6 Nations. Mais footballistiquement, la Premier League prévaut sur tout le reste. C'est un championnat global.
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Pep Guardiola

Crédit: Getty Images

La Premier League est la NBA du football. Un championnat qui se suffit à lui-même et qui se veut homogène pour privilégier le spectacle. N'est-ce pas son plus gros "défaut" face aux autres ligues, telles que la Liga ?
D.C. : Tout part de la répartition des droits TV. Elle est équilibrée. Après, il y a des primes en fonction des diffusions et du classement. Mais au coup d'envoi de la saison, la base est égalitaire. Les fondateurs de la Premier League l'ont souhaité ainsi. C'est pour cela que la Premier League est homogène et que six équipes peuvent ambitionner de se battre pour le titre. Le championnat est beaucoup plus compétitif et donc beaucoup plus difficile. J'en parlais récemment avec le dirigeant d'un club étranger. Il me disait : "A 2-0 ici, on sait que le match est fini. En Angleterre, ce n'est pas comme ça. Même à 2-0, on ne peut pas s'endormir…" Le niveau technique moyen de la Liga est meilleur. Mais la Premier League est plus difficile à gagner.
Il y a dix ans, même avec la trêve de Noël, même avec cette Premier League-là, les Anglais arrivaient quand même à leurs fins et, parfois, à placer trois clubs en demi-finales. Pourquoi est-ce devenu impossible ?
D.C. : Je pense que le niveau moyen du football européen a considérablement augmenté. Et que le niveau de la Premier League aussi. J'ai un chiffre qui me revient pour vous en donner une idée. Entre 2002 et 2012, le nombre de courses à haute intensité ont augmenté de 5% par an. Le championnat est toujours un peu plus difficile. Avant, on parlait de Big Four. Aujourd'hui, on parle de Big Six. Ils sont encore plus rincés qu'avant lors de la seconde partie de saison. Vu que leurs adversaires européens se sont aussi améliorés…
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Romelu Lukaku (Manchester United) marque contre Southampton

Crédit: Getty Images

Je vais me faire l'avocat du diable : n'est-ce pas le terrain qui pèche ? Les Anglais sont-ils au niveau technique et tactique ? N'ont pas oublié de se remettre en cause ? Vu de loin, on peut avoir l'impression qu'ils se cachent derrière de mauvaises excuses…
D.C. : Combien y a-t-il de joueurs britanniques qui jouent à United, City, Chelsea ou Liverpool ? Combien y a-t-il d'entraîneurs britanniques à la tête de ces équipes ? Les mêmes entraîneurs qui arrivent en finale ou en demie de la Ligue des champions - les Ancelotti, les Klopp, les Guardiola -, pourquoi n'y arrivent-ils pas avec les clubs anglais ?
Vous qui vivez en Angleterre, pouvez-vous me dire comment est vécue cette disette ? Comme un échec ?
D.C. : Non. Pas du tout.
Des clubs comme Liverpool ou Manchester United ont pourtant une culture européenne majeure et ont construit leur histoire, aussi, sur leurs succès hors de leurs frontières…
D.C. : N'oubliez pas que Liverpool, quand il dominait l'Europe, en faisait autant en Angleterre. Quand vous allez à Anfield, vous entendrez des chants sur les cinq victoires en Ligue des champions. Evidemment. Mais si vous demandez à un supporter des Reds ce qu'il préfère, entre gagner la Premier League et la C1, il répondra la Premier League. Quand les supporters de Liverpool chantent "In Istanbul, we won it five times ", ceux de Manchester United leur répondent "We won it 20 times", en faisant référence au championnat.
Ce qui déçoit les Anglais sur le plan international, ce sont les résultats de l'équipe nationale. Quand leurs clubs se font éliminer en huitièmes, en quarts, etc., ça fait quelques papiers le lendemain. Le surlendemain, ils tournent la page et se disent : "chouette, revoilà la Premier League". Je vais ajouter quelque chose : je ne serais pas étonné que les clubs anglais quittent la Champions League si jamais l'UEFA posait des règles trop contraignantes à long terme. Et cela ne leur poserait pas plus de problème que cela. Ils ont le championnat le plus compétitif.
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Anfield

Crédit: Eurosport

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