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Arsenal-Wenger, une fin trompeuse…

Bruno Constant

Mis à jour 26/04/2018 à 10:02 GMT+2

Suite à l’annonce du départ de son manager, on nous promettait un accueil chaleureux contre West Ham et un chemin de croix transformé en procession jusqu’à son dernier match. Mais la réalité est très éloignée et révèle surtout un homme meurtri et poussé vers la sortie.

Arsene Wenger

Crédit: Getty Images

On se souviendra tous de ce qu’on faisait le jour où Arsène Wenger a annoncé son départ d’Arsenal. Quand je dis "on", je fais référence à ceux qui, comme moi, ont suivi, de près ou de loin, et chéri, de près ou de loin, l’épopée des Gunners et de leur entraineur français. Qu’on aime ou pas Arsène Wenger, vingt-deux ans sur le banc d’un même club, qui plus est étranger, ce n’est pas rien. C’est même exceptionnel. Grâce à Canal Plus, le football anglais, ses belles pelouses quadrillées et Arsenal sont entrés dans mon salon, peu après le Manchester United de Cantona, et il n’en est jamais réellement sorti grâce ou à cause du technicien français qui a longtemps entretenu l’exception culturelle de ce club.
Arsenal faisait partie du paysage français au point d’être parfois surnommé le 21e club du championnat de France étant donné le nombre de joueurs français passés chez les Gunners. Arsenal c’étaient les Canonniers, cette équipe puissante, rapide, athlétique, offensive, ce jeu qui traversait le terrain en quelques passes. C’étaient Petit, Vieira, Anelka, Bergkamp, Henry, Pires, Wiltord. C’était son petit stade de Highbury. C’étaient les" Invincibles". Une manière de jouer qui a incarné la première décennie de son manager avant de laisser place à un jeu de possession plus lent avec des profils plus techniques (Fabregas, Hleb, Rosicky, Nasri, Arshavine, Cazorla, Özil).
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Arsene Wenger

Crédit: Getty Images

Un hommage qui fait pschitt…

Ce n’est pas parce qu’on est journaliste, et donc par devoir impartial et objectif voire critique à l’égard d’un manager, même si certains en doutent, qu’on n’éprouve pas une certaine émotion à l’égard de l’homme. Et de l’émotion, dimanche dans la salle de presse de l’Emirates stadium, il y en avait parmi les journalistes qui suivent au quotidien ce club depuis des années, et pour certains depuis l’arrivée du Français en 1996. Bien plus finalement que dans le stade où l’hommage tant promis n’a pas vraiment eu lieu. Depuis l’annonce de son départ un peu surprise sur le timing (si loin de la fin de la saison), on nous promettait une journée pas comme les autres lors de la rencontre face à West Ham, une vague d’émotion, l’abandon de la politique des sièges vides et une unité retrouvée pour les derniers matches de la vie d’Arsène Wenger à Arsenal.
Ceux qui demandaient son départ et critiquaient son bilan la veille n’ont cessé de rappeler, depuis vendredi, combien il a été important pour ce club et le football anglais. Le chemin de croix des derniers mois (années ?) devait se transformer en véritable procession. Mais la réalité fut beaucoup moins romantique. Dimanche, le stade n’a pas fait le plein et si les déserteurs de l’Emirates étaient moins nombreux que lors des dernières semaines, ils l’étaient suffisamment pour confirmer l’idée d’une fracture bien réelle.
Dans un clip vidéo de 58 secondes posté lundi sur son compte twitter et vu 256 000 fois, le club londonien a quelque peu réécrit le cours de l’histoire sur l’accueil fait à son entraîneur et l’ambiance dans le stade. J’y étais. A son entrée, Wenger a été applaudi par une partie du public, et une partie seulement, située derrière lui. Quant au chant "One Arsene Wenger, there’s only one Arsene Wenger" ("Il n’y a qu’un seul Arsene Wenger"), il a été entendu vaguement en début de match mais, surtout à 4-1, lorsque le match était plié et sans être repris par la totalité de l’Emirates.
Dans l’ensemble, l’ambiance était plate, très loin de ce qu’on pouvait attendre et donc décevante, au point que les supporters de West Ham ont fini par lancer à leurs rivaux "He leaves because you’re shit" ("Il part parce que vous êtes de la m… "). On peut avoir été déçu par les choix du technicien ces dernières saisons, le considérer responsable du recul d’Arsenal mais il est important de se souvenir des bons moments et lui rendre un hommage à la hauteur de ce qu’il a apporté au club, se rappeler de ce qu’était Arsenal avant son arrivée en 1996 et où il est aujourd’hui. A l’heure où la France a attendu la disparition de Henri Michel à qui elle avait un peu tourné le dos pour dire tout le bien qu’elle pense de lui, il serait bien, pour une fois, de consacrer les hommes avant qu’ils ne partent pour toujours.
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Arsene Wenger

Crédit: Getty Images

L’Alsacien n’est ni fatigué ni résigné

Quelque part, dimanche, le grand moment de la journée, celui qui fut le plus chargé en émotion, a été sa conférence de presse d’après-match. Après avoir dribblé les questions des télévisions sur les raisons de son départ comme il sait si bien le faire, Wenger a quelque peu lâché prise face à la presse, parfois avec une touche d’humour pour évacuer l’émotion qui montait, et révélé un peu du fonds de sa pensée. A travers les lignes, on a surtout senti un homme meurtri et incroyablement malheureux de devoir quitter le club qu’il a bâti. A 68 ans, l’Alsacien n’est ni fatigué ni résigné. Ce serait mal connaître Wenger. Et c’est aussi ce qui marque sa différence avec la retraite de Ferguson à Manchester United.
L’Ecossais était parti au sommet – sur un titre de champion d’Angleterre (2013) – et parce qu’il l’avait décidé. Et surtout, il avait d’autres passions dans la vie – les chevaux et le vin, français de préférence - qui lui permettaient de s’évader du football. Le Français, lui, ne peut pas vivre sans football. Il est sur le terrain tous les matins, crampons aux pieds, et regarde des centaines de matches par an. Le jour de ses 60 ans, à l’issue de sa conférence de presse hebdomadaire, les journalistes l’avaient mis au défi de passer une journée sans football et d’aller voir une comédie musicale à Londres. Il avait simplement répondu qu’il regarderait une… rencontre du championnat allemand mais mettrait les bougies sur sa télévision.
Mais Wenger a surtout fait part de sa déception sur l’image donnée par les supporters dans le monde entier et laissé penser que cette fracture a été à l’origine de son départ. Quelque part, il a renforcé l’idée qui circule depuis son annonce disant que cette décision n’est pas la sienne mais qu’il a été poussé vers la sortie par ses dirigeants. A commencer par le timing. L’idée d’annoncer son départ six voire sept matches (en cas de finale d’Europa League) avant la fin de la saison ne lui ressemble pas car elle le place au cœur de toutes les attentions à chaque conférence de presse, à chaque rencontre, ce dont il a horreur.
Hier, à la veille de sa demi-finale aller de Ligue Europa face à l’Atletico Madrid, le sujet est revenu sur le tapis et Wenger l’a confirmé. A la question "pourquoi quittez-vous le club alors qu’il vous reste une année de contrat ?", le Français a répondu : "Le timing (de la décision) n’était pas vraiment ma décision." Une phrase qu’il a dû rectifier un peu plus tard pour dire l’inverse dans un communiqué du club. Avec cette annonce précoce, Arsenal et ses dirigeants rêvaient sans doute de ramener le calme autour du club et offrir une porte de sortie dorée à son manager historique. C’est tout le contraire et surtout loin d’être fini.
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Arsene Wenger

Crédit: Getty Images

Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, écoutez mon Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
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