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Les "wing-backs", ces ailiers des temps modernes

Bruno Constant

Mis à jour 20/09/2017 à 19:12 GMT+2

PREMIER LEAGUE - Longtemps délégués aux tâches ingrates au cœur du traditionnel "back four", les arrières latéraux prennent le pouvoir en Angleterre à mesure que les défenses à trois fleurissent. Certains s’y reconvertissent, d'autres s'y épanouissent.

Kyle Walker (Manchester City)

Crédit: Getty Images

Pendant longtemps, en Angleterre comme partout ailleurs, l’arrière latéral ou "full-back" était dénigré, moqué, relégué au fond de la classe. Dans les souvenirs d’enfance de chacun, c’était le dernier poste attribué quand les meilleurs s’étaient déjà partagés tous les autres, bien plus intéressants. Gianluca Vialli, l’ancien joueur de la Juve et de Chelsea, où il fut également manager, a une théorie bien précise disant que l’arrière droit est toujours le plus mauvais joueur de l’équipe.
S’il était meilleur défensivement et plus grand, il évoluerait dans l’axe. S’il était meilleur techniquement, il jouerait plus haut sur le terrain, au milieu ou sur l’aile. L’arrière gauche, lui, bénéficie de la rareté d’être… gaucher. Une vision du poste qui a évidemment changé au fil des années.

L’Angleterre a toujours vénéré les ailiers

Outre-Manche, Jack Charlton, vainqueur de la Coupe du monde 1966 avec l’Angleterre, fut le premier à élever la voix sur l’importance offensive des "full-back", capable d’apporter le surnombre. Un aspect du jeu que les Brésiliens avaient compris avant tout le monde, et ce dès les années 50. Le Brésil de 1958, celui qui vit naître un gamin de 17 ans répondant au nom de Pelé, a révélé le premier défenseur latéral "offensif" de l’histoire en la personne de Nilton Santos. Beaucoup d’autres ont suivi : Carlos Alberto et sa frappe victorieuse en finale du Mondial 70, Cafu, Roberto Carlos, Dani Alves, Marcelo, Alex Sandro…
En Angleterre, le poste était beaucoup moins romantique. Stuart Pearce était surnommé "The psycho", Gary Neville n’était pas le plus doué mais était un vrai chien de garde. Quant à Wayne Bridge, international lui aussi, il était plus connu pour ses déboires conjugaux avec John Terry. Outre-Manche, le "full-back" était bien souvent le faire-valoir de l’ailier qui se trouvait juste devant lui.
L’Angleterre a toujours vénéré les ailiers (ou "wingers") : Stanley Matthews, George Best, Ryan Giggs, David Ginola ou encore Robert Pires... Ils étaient les aventuriers du ballon rond, les nouveaux explorateurs qui devaient ruser d’imagination pour s’extirper d’un bout de pelouse coincé entre la ligne de touche et la ligne de but. L’origine de cet amour serait moins glamour.
Les pelouses devenaient de vrais bourbiers entre novembre et mars, tant et si bien que la partie du terrain où les joueurs pouvaient le mieux exprimer leurs qualités techniques se trouvait le long de la ligne de touche. A partir des années 60, la plupart des équipes anglaises évoluaient en 4-2-4 avec deux ailiers, un schéma auquel même le grand Matt Busby a fini par céder à Manchester United.
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Ryan Giggs (MU) entre en jeu pour sa dernière Old Trafford

Crédit: AFP

De "full-back" à "wing-back"

L’Ajax et, à notre échelle française, Auxerre en ont fait leur marque de fabrique. A Barcelone, sous Cruyff puis Guardiola, ils devaient avoir les talons sur la ligne de touche. Ces joueurs de couloir qui aiment provoquer balle au pied, déborder, centrer. Aujourd’hui, les ailiers sont une espèce rare, peut-être même en voie d’extinction. Le football a changé. Les ailiers du 4-3-3 d’hier sont les "wing-backs" des 3-4-3 d’aujourd’hui.
"Wing-back", littéralement "aile arrière", contraction de "winger" (ailier) et "full-back" (arrière latéral). Une création de poste dans le jargon du plein emploi liée au baby boom des défenses à trois qui fleurissent en Premier League à mesure qu’elles enterrent le traditionnel "back four" anglais. C’est le cas à Chelsea bien sûr mais également à Arsenal, Tottenham, Manchester City ou Everton.
Ces "back three" leur offrent plus de libertés offensives mais réclament davantage encore de ressources physiques. Moses s’y est révélé chez les Blues, Wenger y a testé Oxlade-Chamberlain et Klopp a déplacé Milner. C’était l’une des forces de Tottenham la saison passée avec Rose et Walker. C’est devenu l’une des armes de Manchester City où Guardiola en a fait sa priorité cet été, au point de débourser près de 150 millions d'euros pour s’offrir trois… latéraux (Mendy, Walker, Danilo), avant même l’escalade des prix qui a suivi avec Neymar, Dembélé puis Mbappé !
Mendy (53 millions de livres) et Walker (43 millions de livres) ont coûté plus cher que Bernardo Silva (42 millions de livres), meneur de jeu. Symbole de l’importance prise par ce poste dans le jeu aujourd’hui – imaginez le prix de Marcelo s'il quittait le Real – et dans le système (3-5-2) mis en place par Guardiola lors de la préparation d’avant-saison. La place clé des latéraux, c’était déjà le cas pour le Catalan au Bayern avec Lahm et Alaba, mais également au Barça avec Alves et Alba.
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Benjamin Mendy (Manchester City)

Crédit: Getty Images

Même Man U cède à la tentation

Même Manchester United semble sur le point de céder à la tentation. Les Red Devils, qui ont forgé leur légende par la grâce et le talent virevoltant de leurs "wingers" (Best, Kanchelskis, Beckham, Giggs, Ronaldo), ont débuté la rencontre face à Everton, dimanche dernier, avec deux anciens ailiers aux postes de… latéraux : Antonio Valencia et Ashley Young. L’Equatorien est devenu l’un des meilleurs à ce poste en Premier League et l’Anglais, oublié jusqu’ici dans l’effectif pléthorique de Mourinho mais plus convaincant à ce poste que Blind, Darmian et Shaw, pourrait y trouver un avenir.
Il y a une raison à ce chambardement. Dans une équipe, les joueurs qui touchent le plus de ballons sont généralement les défenseurs centraux et les milieux défensifs axiaux car c’est dans cette zone que se prépare la construction du jeu, en phase offensive, et dans laquelle surgit le danger, en phase défensive. Autrefois, juste derrière, le numéro dix était le joueur le plus recherché par ses partenaires. Aujourd’hui, un latéral ou "wing-back" touche bien souvent plus de ballons qu’un meneur de jeu. C’était le cas de Kolasinac, devant Özil, face à Bournemouth (3-0) ou de Young, devant Mkhitaryan, contre Everton (4-0).
Lors du match Watford - City (0-6), le joueur à avoir touché le plus de ballons était… Walker (94). C’était également le cas de Baines (87) et Martina (75), les deux latéraux d’Everton, face à Tottenham (0-3), mais aussi de Davies (86) et Trippier (80), défenseurs des Spurs, dans ce même match. Ou de Fuchs (79) à Leicester face à Chelsea (1-2). Face à Liverpool (5-0), Walker et Mendy ont fini la rencontre à plus de 80 ballons chacun. Et, à eux deux, ils totalisent déjà trois passes décisives en cinq journées de Premier League, soit autant que Zabaleta, Sagna, Kolarov et Clichy, leurs prédécesseurs, sur l’ensemble de la saison 2016-2017. Mais les grandes victimes, aujourd’hui, se nomment Sterling et Sané, passés du statut de titulaire l’an passé à celui de remplaçant cette saison. Deux ailiers…
Bruno Constant fut le correspondant de L'Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd'hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, vous pouvez écouter mon Podcast 100% foot anglais sur l'actualité de la Premier League et du football britannique.
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