L'AC Milan a-t-il un problème avec ses "héros" ?

C'était le 24 mai 2009. Milan recevait la Roma à l'occasion de l'avant-dernière journée et Paolo Maldini faisait en ce jour ses adieux à San Siro après 24 ans de carrière au sein du club milanais. À la fin du match, et après une défaite 2-3 face aux Romains, Maldini entamait son tour de terrain, passait devant la Curva Sud où quelques centaines de "tifosi" réservaient à leur capitaine une pluie de sifflets. Choqués, ses partenaires et certains joueurs de la Roma, à commencer par Francesco Totti, allaient voir Maldini à la fin de son tour d'honneur pour le réconforter, mais le mal était fait.

La raison du courroux de ses "supporters" ? Une prise de bec au retour de la finale de la Ligue des champions perdue contre Liverpool en 2005. Conspués par leur tifosi à l'aéroport, certains joueurs avaient répliqué avec des mots durs dont Maldini, qualifiant ces supporters de "pauvres clochards" et de "mercenaires". Une fracture s'étant installée ce jour-là, ces supporters appartenant pour la plupart à des groupes organisés de la Curva Sud avaient attendu quatre ans pour avoir leur revanche en sifflant leur capitaine, autrefois symbole de fierté et digne représentant de la Milanità.

Du côté des dirigeants, rien n'a été fait pour que Paolo Maldini poursuive sa carrière au sein du club. Aucune reconversion proposée! L'ancien défenseur aurait pu être utile, au sein de la direction ou même auprès d'une équipe de jeunes, mais rien, hormis une piste dite de "mise au placard" avec un rôle d'ambassadeur plus ou moins évoqué.

L'année passée, Milan a dit adieu à plusieurs de ses fidèles lieutenants, de Nesta à Inzaghi en passant à Gattuso. La vieille garde de l’AC Milan n'a eu le droit qu'à une petite cérémonie mal ficelée à la fin du dernier match de championnat contre Novara. Quelques mots au micro, un tour de stade, des applaudissements et une breloque comme cadeau de départ, voilà qui est bien peu pour 34 belles années sous le maillot Rossonero. Cette fois-ci, pas de polémiques avec les supporters, mais des remerciements bien légers pour tant de trophées, de buts et de matches historiques.

Dans son autobiographie parue fin avril en Italie, Andrea Pirlo a réservé quelques surprises à ses anciens supporters milanais. Dans les pages consacrées à son aventure à Milan, l'actuel regista de la Juve a laissé filtrer la tristesse et surtout les regrets liés à la non prolongation de son contrat à Milan. D'Allegri qui ne voyait plus en lui qu'un joueur de rotation, à Galliani, surnommé tout au long du livre "Mr Bic", en référence au stylo que l'administrateur délégué de Milan avait offert à Pirlo en remerciement de ses dix années à Milan, Pirlo a parlé de la fin de son expérience dans le club dans des termes assez durs. Imaginez un peu : dix ans dans le même club, deux Scudetti, une Coupe d'Italie, deux Champions League, deux Supercoupes d'Europe, un Championnat du monde des clubs, et en remerciement… un stylo !! Les dirigeants milanais auraient voulu humilier le joueur qu'ils ne s'y seraient pas pris autrement.

Cet été, Milan a décidé de ne pas renouveler le contrat de Massimo Ambrosini. Capitaine du club cette saison et âgé de 36 ans, Ambrosini aurait encore pu rendre de précieux services pendant un ou deux ans, mais les dirigeants milanais en ont décidé autrement. La décision du club a été annoncée à Ambrosini courant juin, bien après la fin de la saison. Ainsi, le milieu italien a été privé d'un match d'adieu et des applaudissements de ses supporters, alors qu'il est clair que Berlusconi et Galliani savaient déjà qu'Ambrosini ne serait pas prolongé. Un nouveau manque de classe de la part des dirigeants milanais qui les accumulent depuis quelques saisons.

Massimo Ambrosini a organisé une conférence de presse à San Siro le 14 juin dernier pour remercier le club et parler de son avenir. Une conférence de presse d'une tristesse infinie avec le joueur seul au milieu d'une longue scène, sans aucun dirigeant à ses côtés. Ambrosini a même précisé que son président, Silvio Berlusconi, ne l'avait pas appelé depuis l'annonce de la décision du club de ne pas le prolonger. Seul Antonio Nocerino a assisté à cette conférence de presse, un peu léger au moment où Ambrosini aurait eu besoin d'avoir un peu de soutien et des témoignages de sympathie de joueurs et dirigeants. Ambrosini a remporté douze trophées à Milan depuis 1995 et il part sur la pointe des pieds. Ce n'est ni normal, ni acceptable.

À travers ces six exemples, on note l'évolution du club milanais : ce club qui, autrefois, cultivait la "culture-club" et savait montrer toute sa gratitude envers ceux ayant écrit les plus belles pages de l'histoire milanaise. Les temps ont bien changé. Les dirigeants ont confondu opérer un rajeunissement nécessaire de l'effectif en s'appuyant sur le centre de formation, avec un ménage en profondeur sans aucun classe, ni reconnaissance, ni gratitude. "Les joueurs passent, le club reste" entend-on régulièrement. C'est vrai. Sauf qu'à trop vouloir mettre le club au-dessus des joueurs, on perd son identité et sa grandeur. Milan devrait vite l'apprendre à ses dépens…