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L’Italien voyage bien

Eurosport
ParEurosport

Publié 05/11/2012 à 17:35 GMT+1

Les techniciens italiens à l'étranger sont de plus en plus nombreux. Les raisons d'un "exil".

roberto mancini

Crédit: Reuters

C'est la fuite des cerveaux ! Certains voient en l'exode d'entraîneurs italiens, un signe de décadence du foot italien, d'autres préfèrent évoquer la jeune génération aux dents longues qui envoie à la retraite certains des techniciens les plus réputés. Signe d'un changement bien perceptible dans le foot italien, ce renouvellement oblige de nombreux entraîneurs à l'exil, aux quatre coins du monde. Zoom sur ceux qui fuient le métier le plus instable d'Italie.
La longue liste des exilés
Ils sont éparpillés partout dans le monde et profitent de l'excellente réputation de "l'entraîneur italien" pour trouver des postes facilement. Eux, ce sont les "Mister", ceux dont l'espérance de vie sur un banc de Série A peine à dépasser les douze mois. On peut les ranger dans trois catégories : ceux qui s'occupent d'une sélection nationale, apogée d'une grande carrière d'entraîneur (paraît-il), mais aussi la vieille garde attirée par les nouveaux challenges (et l'odeur du billet vert) et enfin, les Italiens qui sont désormais plus Anglais qu'Italiens et adorent la Premier League suite à leur réussite dans ce championnat comme joueur.
Dans la première catégorie, la moyenne d'âge affiche 66 ans. Cela fait maintenant cinq ans que Fabio Capello exerce le métier de sélectionneur, d'abord avec la sélection anglaise, puis depuis quelques semaines, avec la sélection russe. Alberto Zaccheroni est un peu plus jeune que l'ancien entraîneur du Real Madrid, mais son travail au Japon semble le satisfaire pleinement. La nation asiatique a d'ailleurs bien progressé depuis l'arrivée de l'Italien sur le banc de la sélection en octobre 2010 (de la 30ème position au ranking FIFA à la 22è, avec une pointe à la 13ème en 2011). Enfin, le roi de la soufflante, l'énergique Giovanni Trapattoni, d'une incroyable fraîcheur à 73 ans, qui a qualifié l'Irlande pour l'Euro 2012, et qui était à deux doigts (sans mauvais jeu de mot) de l'emmener en Afrique du Sud, deux ans après son arrivée.
Dans la catégorie de la vieille garde attirée par de nouveaux challenges, on trouve Marcello Lippi (Guangzhou, Chine), Carlo Ancelotti (PSG, France), Claudio Ranieri (Monaco, France), mais aussi le redoutable Luciano Spalletti, certes moins vieux mais avec une grosse expérience en Série A, l'élégant Roberto Mancini à Manchester City, récent champion d'Angleterre, et le voyageur Walter Zenga, spécialiste dans les expériences exotiques, mais qui a aussi entraîné les deux clubs siciliens Palerme et Catane.
Enfin, ceux qui sont presque plus anglais qu'italiens suite à leur passé de joueur en Premier League. Honneur au dernier vainqueur de la Ligue des Champions, Roberto Di Matteo, qu'Abramovich ne pouvait écarter après qu'il a réussi à remporter ce trophée qu'il voulait tant, mais aussi Gianfranco Zola, lui aussi passé par le banc des Blues et aujourd'hui à Watford (presque un club italien depuis le rachat par la famille Pozzo), et enfin, le sulfureux Paolo Di Canio, aussi fou sur le banc que sur la pelouse, à Swindon Town (qu'il a fait monter en D3).
Voilà pour le "name dropping ". Le point commun de beaucoup d'entre eux ? Ils vont là où il y a le plus d'argent. Marcello Lippi est parti en Chine avec un contrat faramineux et dans un club qui dépense sans compter pour recruter des joueurs étrangers. Fabio Capello, après avoir mis à sec les finances de Sa Majesté la Reine d'Angleterre, va faire de même en Russie, l'une des fédérations les plus riches grâce au soutien financier de Gazprom. En France, les deux clubs "les plus riches" sont managés par des entraîneurs italiens avec Ancelotti pour le PSG version Qatar, et Ranieri pour Monaco version Russie. En Russie d'ailleurs, Luciano Spalletti est à la tête du Zenit et de son effectif pléthorique, même s'il est vrai que depuis deux ans, d'autres clubs sont plus dépensiers (CSKA, Anzhi, Spartak) pour tenter de rattraper le retard pris. Enfin, dans le club le plus riche du monde, Manchester City, Roberto Mancini tente de fédérer un groupe de joueurs pour l'amener au sommet européen. Avouez que c'est tout sauf une évidence ? Il est d'ailleurs intéressant de noter que pour nombre d'entre eux (excepté Spalletti), leurs succès en Italie ont été construits dans les plus grands clubs, à l'époque les plus riches d'Europe, avec les meilleurs joueurs en circulation. Cela ne veut pas dire que c'était facile, mais on peut aisément conclure que des grands joueurs font rarement perdre des matchs importants.
La réputation des entraîneurs italiens
Quand Ancelotti a débarqué au PSG, quand Capello a choisi l'Angleterre ou quand Spalletti est arrivé à Saint-Pétersbourg, à chaque fois, les dirigeants ont mis l'accent sur l'aspect tactique. La réputation des entraîneurs italiens dans ce domaine a largement fait le tour du monde et, chaque arrivée d'un entraîneur italien s'accompagne d'un espoir d'avoir une équipe plus disciplinée tactiquement, capable de bien défendre mais aussi d'appliquer des schémas offensifs efficaces. Sur cet aspect, les entraîneurs italiens peuvent être comparés à leurs homologues néerlandais, également très demandés.
L'image de l'entraîneur italien pour le grand public ressemble à peu près à cela : des heures passées dans son bureau à regarder les vidéos des adversaires, un large paperboard, des marqueurs de toutes les couleurs pour schématiser phases offensives et défensives, puis il rentre chez lui, note encore un ou deux schémas sur un post-it, se couche, se réveille dans la nuit, note une nouvelle tactique, et se rendort.
Derrière la tactique et la préparation physique d'avant-saison, la discipline à l'intérieur du groupe a toujours été une chose essentielle pour les entraîneurs. On se souvient tous des dix commandements de Fabio Capello à son arrivée à la tête de la sélection anglaise. Tous les fans anglais se réjouissaient de ces règles dans une équipe complètement désorganisée où chacun faisait ce qu'il voulait. Il est d'ailleurs intéressant de noter que Didier Deschamps a acquis cette culture parfois qualifiée de " stricte " ou même " restrictive " lors de son passage en Italie. D'autres entraîneurs comme Trapattoni et Di Canio s'inscrivent dans ce style de management.
Et puis, quand les clubs prennent un entraîneur passé par le Milan, la Juve l'Inter, etc, c'est l'assurance de tomber sur une personne avec beaucoup d'expérience, notamment des grands matchs et des compétitions européennes. Le Zenit est très fort face aux autres grosses écuries russes par exemple. Ce sont dans les grands matchs que ces entraîneurs sont attendus même si leur expérience doit les aider à motiver un groupe pour les matchs présentés comme " faciles ".
Tout créer ou franchir un palier
Il est intéressant de voir que le choix des clubs par les entraîneurs italiens répond à trois typologies : les championnats exotiques, les clubs/sélections qui ont besoin de redorer leur blason et se remettre à gagner, et les projets ambitieux. À chaque fois, on retrouve le pouvoir de l'argent avec des sommes importantes mises à disposition des entraîneurs.
Prenez le PSG et Monaco. Deux projets très ambitieux et des moyens extraordinaires. Et plutôt que de confier cela à des éducateurs français, deux italiens ont été choisis. En partie pour attirer des meilleurs joueurs mais aussi pour amener un peu de professionnalisme à l'intérieur d'une corporation qui a tendance à se regarder le nombril (je soutiens largement Leonardo à ce sujet). Les joueurs français ont une réputation assez terrible à l'étranger et leur manque de professionnalisme les a souvent desservi (Gourcuff à Milan, Anelka et Benzema à Madrid, Menez à la Roma, etc). Pour gérer l'ingérable, il faut des entraîneurs plus expérimentés, qui ont côtoyé des grands joueurs, qui ont déjà gagné des trophées et qui en imposent). Ancelotti et Ranieri répondent parfaitement à tous ces critères, ainsi que Roberto Mancini à Manchester City.
Il y a ceux qui ont également tout à créer comme Marcello Lippi en Chine où il doit là encore inculquer la discipline et le professionnalisme dans un championnat encore en construction. Le baroudeur Walter Zenga a travaillé aux Emirates Arabes Unis et en Arabie Saoudite avec la même volonté de partir de zéro et de former. Alberto Zaccheroni a également apporté sa touche européenne au Japon. Ces clubs et sélections ont choisi l'ouverture vers l'Europe, territoire d'excellence pour le football, pour accélérer le processus de construction et progresser plus rapidement.
Pourquoi ces départs ?
En dehors des trois "Anglais " (Di Matteo, Zola, Di Canio) pour qui l'explication est limpide, plusieurs facteurs expliquent cet exode d'entraîneurs italiens. Il y a tout d'abord l'instabilité des clubs et l'impatience des propriétaires. Luciano Spalletti disait récemment dans une interview qu'il était presque impossible de travailler dans la durée en Italie tant l'impatience régnait chez les dirigeants, capables de virer des entraîneurs avant même le début de la saison (bien le bonjour Messieurs Cellino et Zamparini), sur un coup de tête ou à la suite de trois mauvais résultats. Carlo Ancelotti partage également cette analyse.
Il y a une autre explication que l'on n'entend jamais en Italie (comprenez, dans les médias) puisqu'avoir la mémoire sélective semble être un sport national, et que se lamenter du déclin du foot italien semble être plus vendeur. S'est-on penché sur les conditions dans lesquelles sont partis certains de ces entraîneurs ? Ancelotti est parti après deux années très décevantes à Milan (5e et 3e, campagnes européennes ratées). Zaccheroni a raté son passage à la Juve en terminant 7e, avec sept défaites sur la phase retour et une piteuse élimination par Fulham en Europa League. Walter Zenga avait été viré après seulement cinq mois à Palerme et treize petites journées de championnat. Pire, Luciano Spalletti n'avait tenu que deux journées en 2009, après une saison 2008-2009 très décevante, loin du niveau affiché entre 2005 et 2008. Et que dire de Marcello Lippi et sa Coupe du Monde 2010 catastrophique (dernier du groupe, derrière la Nouvelle-Zélande, aucune victoire, deux points) ? Même échec en sélection pour Trapattoni, en 2002 et 2004, avant qu'il n'aille à Benfica, Stuttgart, Salzburg, puis l'Irlande. Y avait-il, à ce moment là, après ces échecs, des clubs italiens pour miser sur ces entraîneurs ? Permettez-moi d'avoir un sérieux doute.
Dernier facteur, l'arrivée d'une nouvelle génération aux dents longues et particulièrement douée avec Antonio Conte, Vincenzo Montella, Massimiliano Allegri, Andrea Stramaccioni, sans oublier le un peu moins jeune Walter Mazzarri. Tous s'accrochent aux bancs des grands clubs avec succès et ont aussi poussé dehors les plus vieux.
2011-2012, une saison à trophée
Une chose est certaine, la saison 2011-2012 a permis aux entraîneurs italiens d'asseoir un peu plus leur réputation. Roberto Mancini a gagné le championnat d'Angleterre avec Manchester City, Roberto Di Matteo a réussi à remporter la Ligue des Champions avec Chelsea, Giovanni Trapattoni a ammené l'Irlande à l'Euro 2012, Luciano Spalletti a remporté le championnat russe et Di Canio a fait monter son équipe en League One.
Qu'attendre de la saison qui vient de débuter ? Avec le mercato du PSG et de Monaco, les deux entraîneurs italiens n'ont pas le choix, il faut gagner. Roberto Mancini doit permettre à Manchester City de ne pas revivre la déception européenne de l'année passée (éliminé en phase de groupes de la C1) et d'être aussi compétitif en championnat, tandis que Roberto Di Matteo a vu Abramovich sortir le carnet de chèques et lui offrir quelques joueurs talentueux comme Hazard, Oscar et Marin, en attendant d'autres renforts. L'italien n'a plus de pression en Ligue des Champions mais l'obligation de faire une très bonne saison en Premier League.
Lippi est le favori avec Guangzhou dans le championnat chinois, idem avec Spalletti et le Zenit qui doivent continuer leur moisson de trophées tandis que Capello a peu de temps pour modeler la Russie comme il le souhaite et avancer dans les éliminatoires. Trapattoni a lui déjà tout gagné et dirige sans aucune pression. Dans les divisions inférieures, Gianfranco Zola a tout à construire à Watford où il devra faire mieux que la 11e place de l'année passée, avant de viser la montée la saison prochaine, alors que Di Canio joue un maintien confortable en D3.
On ne sait pas encore si la récolte 2013 sera aussi bonne que celle de 2012 mais en tout cas, la grande majorité des entraîneurs italiens de l'étranger a eu les moyens pour parvenir à des objectifs très élevés. Et puisqu'il paraît que le foot n'est plus qu'une question d'argent pour gagner des trophées, la logique voudrait qu'ils gagnent tout…
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