Parme : à la recherche du temps perdu

Parme, c'est un peu l'histoire de la grenouille qui voulait se faire plus grosse que le bœuf. Le club s'est construit une équipe compétitive à coup de millions, grâce au rachat du club par le géant Parmalat au début des années 90. Cette même société, au cœur du plus grand scandale financier italien de l'époque moderne, a aussi contribué à la perte du club, qui n'avait plus de mécène pour éponger ses dettes. Sportivement et économiquement, le club s'en est remis et s'est juré de ne plus recommencer les mêmes erreurs. Adieu le clinquant et tout ce qui brille. À Parme, on veut des joueurs combatifs dans une équipe que l'on saupoudre de jeunes talents chaque année, afin de ne pas viser que le court terme.

Parme s'attend déjà à un été chargé. Dans les bureaux des dirigeants du club, on s'attelle à trouver la bonne stratégie pour contrer les offres des grands clubs qui arriveront pour certains joueurs, à commencer par Ishak Belfodil, auteur de prestations solides et qui intéresse déjà des clubs aussi prestigieux que la Juve et l'Inter. L'ancien attaquant lyonnais, à travers des interviews données dans les derniers jours de janvier, laisse entendre qu'il ne voit pas plus loin que juin et qu'il se voit bien dans un plus grand club l'année prochaine. Le danger guette Belfodil : il a déjà eu tendance par le passé à se laisser manger par des rumeurs flatteuses et ses prestations s'en sont ressenties. L'attaquant franco-algérien a aussi son caractère et l'a déjà prouvé cette année à Parme, où après un pénalty marqué contre la Lazio, il avait insulté son propre banc de touche. Il n'est pas le joueur le plus facile à gérer bien qu'il apparaisse comme quelqu'un de très timide.

Si Belfodil intéresse autant, c'est que ses performances en club sont remarquées. Auteur de sept buts cette saison – meilleur buteur du club – Belfodil est passé devant Amauri dans la hiérarchie des attaquants. Amauri, un nom qui laisse quelques souvenirs, mais qui n'est plus le joueur qui avait explosé à Palerme. Mercenaire dans l'âme, l'Italo-brésilien est un peu trop sûr de ses qualités, ne semble plus avoir faim et s'est fait passer devant par un ragazzino de 20 ans.

Roberto Donadoni, l'entraîneur de Parme, est un adepte du 3-5-2, qu'il utilise encore cette saison, mais il n'est pas obtus. Il a ainsi offert une alternative très intéressante avec un 4-3-3 très offensif où Belfodil est entouré de deux joueurs très percutants, redoutables dribbleurs et centreurs que sont Jonathan Biabiany et Nicola Sansone. Le Français est le joueur qui a le meilleur ratio de dribbles réussis par match de Série A et le jeune ailier gauche italien confirme les progrès entrevus la saison passée à Crotone. Formé au Bayern Munich, Sansone a profité du passage du 3-5-2 au 4-3-3 pour asseoir sa domination et reste sur neuf titularisations consécutives. Amauri en fait les frais avec six entrées en jeu et un match passé sur le banc depuis le 8 décembre dernier.

Des trois attaquants, Biabiany est le plus vieux : 24 ans. Ishak Belfodil et Nicola Sansone ont tous les deux 20 ans et sont le futur de cette équipe de Parme, à condition de réussir à les garder à la fin de la saison. À eux trois, ils sont efficaces dans tous les secteurs de jeu : en profondeur sur contre-attaque, sur coup de pieds arrêtés grâce à la taille de Belfodil, sur des centres, sur des percussions mêlant vitesse et technique, sur du jeu posé grâce aux appels des ailiers dans le dos de la défense… Ce trio là est très beau à voir jouer et Roberto Donadoni a le mérite de leur avoir donné les clés de l'attaque, devant Amauri et Palladino, envoyant même le super-flop-présenté-comme-la-nouvelle-perle-sud-américaine Dorlan Pabon en prêt au Betis.

Sous la houlette du redoutable duo Ghirardi (Président) – Leonardi (Administrateur délégué), fort en gueule et dur en négociation, le club de Parme a retrouvé des couleurs. Sportivement, le club se porte bien avec une 8ème place la saison dernière (à égalité avec la Roma, à deux points de l'Inter) et une actuelle 10ème place à quatre points de la septième position. Économiquement, le club a appris à ne plus faire n'importe quoi de son argent et a recruté de façon très intelligente ces deux dernières années. Le club s'est notamment construit un milieu de terrain à moins de 2M€ en recrutant Jaime Valdés dans l'opération Bojinov au Sporting, Marchionni libre de tout contrat en juin dernier, et Marco Parolo prêté par Cesena.

Ce milieu de terrain à trois (dans l'option 4-3-3) est redoutable de créativité. Ces trois joueurs sont très techniques et très endurants. Parolo possède en plus une belle frappe de balle et a relégué le pourtant très intéressant Daniele Galloppa sur le banc. Le seul souci est à la récupération. Avec deux numéros 8 et un 10, le milieu de Parme n'a pas de joueur au véritable profil défensif, ce qui donne un équilibre difficile à trouver dans certains matchs où le milieu est mis sous pression, ou alors quand l'adversaire évolue en contre-attaque. Les arrivées de Rodney Strasser et McDonald Mariga en janvier au milieu de terrain s'inscrivent dans une volonté de corriger ce problème.

En dehors du milieu de terrain à moins de 2M€, du recrutement de Sansone libre et de l'arrivée de Belfodil pour 2,5M€ (+ bonus), Parme a également récupéré les défenseurs Rosi et Gobbi gratuitement, le gardien Mirante dans un échange de joueurs, les milieux Strasser et Mariga en prêt et le défenseur Gabriel Paletta en provenance de Boca Juniors. L'Argentin est d'ailleurs très courtisé et Parme a déjà refusé 10M€ d'Hoffenheim cet hiver. Entre Paletta et Belfodil, Parme tient là deux joueurs avec une grande valeur financière où les plus-values annoncées seront dantesques.

Enfin et comme il faut un chef d'orchestre pour faire jouer tout ce petit monde, il est impensable de parler du renouveau de Parme sans évoquer l'entraîneur, Roberto Donadoni. Recruté après plusieurs échecs (Italie Euro 2008, Naples, Cagliari), l'ancien milieu milanais des années 90 fait partie de ces entraîneurs qu'il est toujours agréable d'entendre. Il est de la trempe des Sacchi, Prandelli, Spalletti, Zeman, Montella, qui mettent le jeu au cœur de leurs interviews et qui n'ont qu'un mot à la bouche : projet. Car le football se construit dans l'immédiateté et sans vision à long terme la plupart du temps en Italie, même si les choses évoluent enfin depuis deux-trois ans. Avec Donadoni, c'est tout le contraire, et son effectif offre un panel très intéressant : des vieux briscards pour faire progresser et encadrer les jeunes, des joueurs de 26-29 ans en pleine forme pour assurer une sécurité et des jeunes ayant les dents longues. Tout ceci pour le fameux cercle vertueux : s'assurer des résultats à court terme pour continuer à progresser et ne pas se mettre en danger, récolter des rentrées d'argent pour investir dans des joueurs pour l'avenir, prendre le temps d'installer des jeunes dans l'équipe, viser le long terme, céder les perles et réinvestir dans des joueurs d'avenir, continuer à recruter malin…

En dix ans, à Parme, on est passé d'une période où l'on jetait l'argent par les fenêtres sans réfléchir à une vraie stratégie pour le développement du club. Un exemple à suivre pour de nombreux clubs italiens, à commencer par le Genoa, que Parme accueille dimanche midi…

Johann CROCHET : Créateur de flashfoot.fr, blogueur, Johann Crochet a l'habitude de dire qu'une bonne journée commence par une revue de presse italienne et qu'une bonne année se mesure au nombre de matches de Serie A vus dans les stades. Par goût, il suit aussi le foot néerlandais et les championnats scandinaves.