Des galères à l'Inter

Un destin tient parfois à peu de choses. Un avion en avance. Un scout qui a du temps à tuer. Voilà comment Jonathan Biabiany est passé du Blanc-Mesnil Sport Football à San Siro. Un quadruplé sous les yeux d'un recruteur milanais et voilà le jeune Français de seize ans engagé avec la maison nerazzurri. Six ans plus tard, il s'est fait sa place au coeur de l'effectif pléthorique des champions d'Europe et a déjà goûté six fois au frisson de la titularisation depuis le début de saison. Une mise en lumière fulgurante qui ne doit pas laisser penser que le jeune homme a goûté à un parcours balisé. Le Français est allé faire ses armes en Serie B du côté de Modena. Les blessures ont plombé sa saison et retardé son éclosion. Un parcours en forme de chemin de croix qui porte en lui les germes de sa réussite actuelle.

C'est en tout cas la thèse défendue par Erick Mombaerts, son sélectionneur chez les Espoirs et l'homme "qui l'a découvert dans l'Hexagone alors que personne ne le connaissait" : "Son parcours est très intéressant car il a formé un joueur qui n'est pas stéréotypé. Il n'a pas connu une formation dorée dans un centre de formation, n'a pas été champion d'Europe. Certains sont sur des autoroutes et ne forcent pas leur talent. Lui a dû manger de la vache enragée, il s'est construit dans la douleur et en est sorti grandi." Un parcours à la "Ribéry", selon Mombaerts, qui lui a permis "de se construire un mental différent avec une maturité tardive."

C'est peu dire que Biabiany a galéré. De nombreux essais dans des clubs de l'Hexagone et autant de refus. "Avec sa petite taille (1,75 m), il ne rentre pas dans les standards des centres de formation. En France, nous sommes trop marqués par cet aspect athlétique", regrette Mombaerts. Mais le Milanais de 22 ans joue sur une autre partition : la vitesse (10"5 sur 100 m selon la Gazetta dello Sport !) et la percussion. Mombaerts dresse son portrait technique, en prévenant : "Attention à ne pas réduire son profil". "C'est un garçon qui joue juste avec un énorme volume de jeu. Bien sûr, c'est un dévoreur d'espaces mais il ne fait pas que la percussion. Il est capable de choses étonnantes dans des espaces réduits car il va très vite des deux pieds. Il peut jouer sur un côté mais aussi dans l'axe."

Avec 6 buts la saison passée à Parme et aucun sous le maillot milanais cette année, Biabiany n'affiche pas des caractéristiques de pur buteur. Face à Tottenham en Ligue des Champions (4-3), il n'a pas inscrit son nom sur le tableau d'affichage mais il s'est joué de la défense des Spurs pour provoquer un penalty dès la 7e minute de jeu. "Bien sûr, il doit progresser dans le réalisme offensif et cela doit se concrétiser par plus de passes décisives et de buts", concède Mombaerts qui sait que la pépite lombarde suscite quelques convoitises désormais. L'équipe de France ? S'il enchaîne les titularisations avec l'Inter Milan, la question de son intégration chez les Bleus se posera forcément. Mombaerts concède déjà :"Nous travaillons en étroite collaboration avec les A et Jonathan fait partie des joueurs qui sont suivis." Ses débuts furent chaotiques, la suite s'annonce prometteuse. Un destin tient parfois à peu de choses.