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Benfica Lisbonne - Sporting Portugal, le derby des derbies

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 19/04/2013 à 23:39 GMT+2

Le duel de ce dimanche entre les deux géants de Lisbonne s’annonce tendu. Comme toujours. Voyage dans la légende d'un derby ancien mais jamais périmé.

Benfica Sporting Cardozo

Crédit: Panoramic

A Lisbonne, il faut choisir. Rouge ou vert. La capitale du Portugal vit aux couleurs et au rythme du sport-roi. Tiraillée par le duel que se livrent le Benfica et le Sporting. Voilà plus de cent ans que les géants lisboètes aiment à être les meilleurs ennemis. Des voisins presque frangins qui se retrouvent pour la 288e fois ce dimanche, en Liga. La Luz (nid des Aigles) et Alvalade (arène des Lions) ne sont séparés que par la voie rapide Segunda Circular. Au classement de cette saison, une autoroute de 33 points les divise. Le SLB pointe en tête et veut maintenir son avance (4 points) sur le FC Porto. Pour le Sporting (9e) l’exercice n’est pas complètement loupé. L’Europe est encore jouable.  Le derby des derbies porte bien son nom.
Le populaire vs l’aristo
Le premier classico de la Segunda Circular s’est joué le 1er décembre 1907. Le Sporting s’est alors imposé (2-1), à Carcavelos, face au Sport Lisboa qui l’année suivante allait fusionner avec le Grupo Sport Benfica pour former le Sport Lisboa e Benfica. Et il y a 106 ans, c’était déjà bien tendu. Le Sporting venait de débaucher huit éléments du Sport Lisboa, leur offrant de meilleures conditions. L’un d’eux, Queiros dos Santos, deviendrait même président du Sporting (de 1916 à 1918). Les Aigles étaient alors les enfants pauvres de Lisbonne, condamnés à squatter les terrains vacants. De nombreux joueurs choisiraient de partir pour le Sporting. D’autres fonderaient, quelques années plus tard, le Belenenses. A cette époque, la formation sportinguiste était réservée aux gens "de la bonne société", dixit ses propres statuts. Né en 1906 de la volonté de José Alvalade, le Sporting Clube de Portugal était la déclinaison footballistique du Campo Grande Football Club qui n’avait de foot que le nom. Cette association se dédiait à l’organisation de fêtes, bals, pique-niques mondains. José Alvalade a alors demandé l’appui (financier) de son grand-père pour lancer le SCP. Papy était le Vicomte d’Alvalade. Il fit dons des terrains de l’Alameda das Linhas Torres.
Dans les années 50, lorsque les grandes écuries du pays décidèrent de rénover leurs stades, cet antagonisme entre les deux grands de Lisbonne a ressurgi. Le Sporting a réuni la somme alors record de 26 millions d’escudos pour faire sortir de terre le "Stupéfiant Alvalade", en 1956. Avec l'aide de l'Etat. Une quarantaine de notables a mis la main à la poche et la banque BES – principal créancier du Sporting aujourd’hui encore - lui accorda un beau crédit. Deux ans auparavant, le Benfica avait construit la Luz essentiellement aidé par ses socios et d’autres clubs (comme le FC Porto !). La fameuse "Campagne du Ciment" fut un succès populaire. Celui des rouges, que la censure de Salazar ordonna d’appeler les Encarnados (couleur chair) histoire de sabrer toute connotation gauchiste.
Années 40 vs années 60
La province a longtemps scruté Lisbonne la belle avec envie, jalousie et dépit. Benfica et Sporting (voire le Belenenses) se sont répartis la plupart des trophées nationaux jusqu’à la fin des années 70. En 1978, le FC Porto célébrait son sixième titre de champion. Le Sporting en comptait alors 14 et le Benfica 23. Jusqu’en 1961, les deux lisboètes étaient même au coude-à-coude avec onze trophées chacun. Le Sporting marqua les années 40 enchantées par ses "Cinq Violons" : Albano, Jesus Correira, Vasques, Peyroteo (meilleur buteur de l’histoire du championnat portugais devant… Eusébio) et José Travassos. Artur, son frère, a porté le maillot rouge du rival entre 1924 et 1931. Le Sporting garderait la main jusqu’aux années 60. C’est là que le Benfica a pris une dimension internationale en remportant la Coupe d’Europe des clubs champions en 1961 et 1962. La Coupe des Coupes obtenue par le Sporting en 1964 fut quasiment éclipsée par les deux finales de C1 perdue par son voisin en 1963 et 1965. Bella Guttmann allait notamment faire éclore au SLB un certain Eusébio.
La légende Eusébio
Eusébio est l’homme des records au Benfica. Meilleur buteur (638 buts) et joueur le plus capé (614 matches) de l’histoire du Glorioso. Ce qui lui vaut une statue de son vivant,  à l’entrée de la Luz. Il est surtout l’incarnation la plus marquante de la rivalité entre le Sporting et le Benfica. Sa signature au Benfica continue d’alimenter une légende qui mélange fantasme et politique. En 1960, le jeune buteur du Sporting Lourenço Marques quitte son Mozambique natal pour le SLB. Les Lions avaient pourtant bouclé l’affaire avec leur filiale africaine. Les Verts sont verts et accusent les benfiquistes d’avoir enlevé la "Panthère Noire", avec la complicité du pouvoir salazariste. Une thèse que l’intéressé a lui-même balayée. Si Eusébio a enfilé la tunique couleur chair, c’est parce qu’elle lui offrait plus cher. Le Sporting ne lui proposait qu’un simple essai et sa mère n’était pas rassurée de voir son fiston partir si loin sans certitudes. Les Aigles, eux, se montrent rassurants et généreux. Le président Maurício Vieira de Brito lui signa un chèque de 250.000 escudos. Les pouvoirs publics obligeraient tout de même le SLB à indemniser leur rival (400.000 escudos, soit 2000 euros). Une somme colossale pour l’époque.
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FOOTBALL Eusebio

Crédit: Eurosport

Salazar a su se servir des succès du Benfica et de son meilleur joueur, Eusébio, pour promouvoir et légitimer la grandeur de son empire. "Je n’ai pas été transféré à la Juventus parce que Salazar est intervenu et a dit que j’étais patrimoine national", confiait-il en 1995, à A Bola.  Il confie surtout qu’il devait "effectuer son service militaire." Le dictateur portugais n’aimait pas le football. Il répulsait ce sport trop moderne, professionnel et qui animait les passions des foules dont il avait peur. Mais alors que les guerres coloniales éclataient, il ne voulait (et ne pouvait ?) exempter de ses obligations l’un des emblèmes  de sa lutte.
Instabilité contre continuité
Le Benfica et le Sporting semblent cultiver la différence jusque dans l’excès. De façon plus ou moins intentionnelle. Les compteurs des Rouges sont au vert et ceux des Verts sont au rouge. L’actuelle forme du SLB contraste grandement avec celle de son adversaire. Leader de la Liga, Benfica affiche une attaque inégalée depuis des années (68 buts en 25 journées, soit 2,72 buts par match). Avec 29 pions, le Sporting est l’un des moins inspirés du championnat. Côté finances, rien à voir non plus. Il est vrai que le passif global du Benfica avoisine les 400 millions d’euros mais la tendance est à l’amélioration. Depuis 2007, le SLB a engrangé pas loin de 300 millions d’euros rien qu’en ventes de joueurs. C’est presque quatre fois plus que le Sporting dans le même temps. Et la fosse aux Lions se creuse (243,5 milions d’euros de passif).
L’Academia des Lions qui avait chèrement vendu les Nani (22,5M€) ou Cristiano Ronaldo (17,5M€) avait été délaissée ces dernières années. Le meilleur centre de formation du Portugal s’est perdu, en singeant ses rivaux. Et ça lui a coûté cher. Le club peine aujourd’hui à verser les salaires. La faute à une gestion précaire, un climat aussi hostile qu’instable. Les Lions ont bouffé huit entraîneurs depuis 2009, date à laquelle Jorge Jesus s’est assis sur le banc du SLB. Le Sporting a élu, il y a quelques semaines, son cinquième président en dix ans : Bruno de Carvalho.
A la Luz, Luis Filipe Vieira avale les mandats depuis 2003. Il est devenu le président avec la plus longue période de longévité au SLB, succédant à Bento Mântua. C’est lui qui, en 1923, avait mis les installations de son club à disposition du… Sporting alors en froid avec le propriétaire de leur terrain de jeu. Cette dualité, c’est ça. Un amour vache, parfois saignant. Les exclusions sont une tradition dans ces derbies. Les buts aussi. Le Sporting a infligé la plus grosse défaite du Benfica dans son histoire (7-1 en 1986/87). Le Benfica est l’équipe qui a collé les plus grosses déconvenues au Sporting à Alvalade (1-4 en 1936/36, 1941/42 et 1997/98 ; 0-3 en 1971/72 et 1975/76 ; 3-6 en 1993/94). Benfica – Sporting : Une histoire de valises, parfois. De cartons, souvent.
Nicolas VILAS : Commentateur du championnat portugais sur Ma Chaine Sport, Nicolas Vilas ne manque pas de promouvoir "sa" Liga via bloGolo.fr ou sur les ondes de RMC. Débats, analyses, interviews, il vit sa passion pour le "futebol" avec le sourire. Et tente, autant que possible, de le transmettre...
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