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Mercato : La triangulation, étrange ménage sud-américain

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 29/01/2013 à 16:35 GMT+1

En Amérique Latine, le marché des transferts est particulièrement opaque car les clubs perdent la valeur des joueurs au bénéfice de mystérieux investisseurs. Décryptage.

2006 Real Madrid Higuain

Crédit: AFP

Avant de s'envoler à Madrid pour signer son premier contrat avec le Real, Gonzalo "Pipita" Higuain, a été un fugace joueur de Football Club de Locarno, un modeste club de deuxième division Suisse. Pourtant, "Pipita" n'a jamais foulé la pelouse du stade Lido et n'a pas joué une seule minute avec ce maillot sur le dos. A l'époque, l'affaire avait fait grand bruit en Argentine. Car Higuain n'était qu'un joueur parmi tant d'autres (comme Fernando Belluschi, Augusto Fernández, Claudio López, Gustavo Cabral…) à être l'objet d'un tel négoce avec le club suisse.
En Argentine, ce système à un nom : la triangulation. Pendant longtemps, il a été très prisé par les agents de joueurs. Derrière ce mot bizarre, se cache une manière de détourner la loi, de ne pas payer d'impôts et pour les enquêteurs, de blanchir de l'argent. Prenons le cas Higuain par exemple, qui est un cas d'école. Alors que le jeune attaquant argentin explose à River Plate, de nombreux clubs européens, et pas des moindres, s'intéressent de près à son cas. Pour assainir leurs comptes, les dirigeants de River Plate, en manque de liquidités (comme d'habitude), décident, du jour au lendemain, de vendre 50% de ses droits du joueur au Football Club de Locarno. Le club suisse a payé cash mais exige alors d'avoir les droits économiques du joueur. En clair, le joueur leur appartient. Quelques mois plus tard, Higuain est transféré au Real Madrid. Au passage, le FC Locarno empoche une belle plus-value.
Des clubs comme des sociétés écrans
Dans ces histoires de triangulation, les clubs sont les dindons de la farce. Pendant que les agents s'en mettent plein les poches, les clubs, eux, sont minés par des dettes colossales. Car, pour poursuivre sur le cas Higuain, si River n'était pas passé par la case Locarno, le club aurait gagné deux fois plus d'argent. Mais la question maintenant est : qui se cache derrière le FC Locarno ? A l'époque, le club suisse n'était qu'une "société" écran d'un groupe d'investisseurs. Ce sont des agents bien connus du marché latino (Fernando Hidalgo, Gustavo Arrivas mais aussi et surtout Pini Zahivi). Le groupe, basé dans un paradis fiscal, s'appelle HAZ Sports Agency. Il a trouvé ce système - passer par un "club" écran - car la loi du football exige que les transferts se fassent de club à club. Et le problème, en Amérique Latine, c'est que la plupart des joueurs appartiennent à des groupes d'investisseurs. Il faut donc contourner la loi.
Les groupes d'investisseurs, maîtres du marché
Il existe en Uruguay (Sud America de Uruguay) et au Chili (Unión San Felipe), de nombreux clubs écrans, qui évoluent souvent en deuxième division, et qui sont remplacés lorsque les autorités s'y intéressent de trop près. Car, sur le continent, la triangulation est un sport national, commencé dans les années 90 en Argentine et au Brésil. Derrière ce système, il y a des groupes d'investisseurs, qui, comme leur nom l'indique, investissent sur des joueurs, avant de les vendre via des "clubs" écrans à d'autres clubs. Et à chaque fois, ce sont eux qui empochent la part du lion. Aujourd'hui, trois d'entre eux, dominent le marché argentin et brésilien. Il s'agit de HAS Sports Agency (de Pini Zahavi), Traffic au Brésil (qui gère les droits de Neymar ou de Ronaldinho lorsqu'il évoluait au Flamengo) et Medias Sports Investment (MSI), connu pour avoir pris le pouvoir aux Corinthians il y a quelques années et pour être le propriétaire de joueurs comme Carlos Tevez...
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Carlos Tevez (Reuters)

Crédit: Reuters

Le nom des hommes d'affaires qui gèrent ces groupes sont souvent difficiles à obtenir. Car dans le système, la discrétion est de rigueur. Mais selon les enquêteurs brésiliens qui se sont déjà penchés sur la question, la plupart sont originaires de l'ex-bloc soviétique. Ils ont un autre point commun : ils ont beaucoup d'argent à dépenser dans le football. Pourquoi ? Parce que les transferts de joueurs restent le meilleur moyen pour blanchir de l'argent. Et les triangulations permettent, en plus, d'éviter de payer des impôts et de cacher le gros des plus-values qui disparaissent ensuite sur un compte en banque d'un paradis fiscal.
Depuis quelques mois, le gouvernement argentin a décidé de prendre les choses en main. Et de légiférer pour que cet argent, ces millions de billets verts, soient officiellement déclarés. En clair : les clubs sont dans le viseur du Trésor Public argentin. Ils doivent désormais déclarer avec précision toute transaction de joueurs, les bénéficiaires, les banques et les mouvements d'argent qui résultent d'un transfert. Mais, et c'est bien connu, les lois sont faites pour être contournées. En 2012, le Trésor Public a relevé 35 cas de triangulations en Argentine. Bref, la bataille ne fait que commencer. Mais au final, c'est tout un système à revoir, car les clubs européens participent également (malgré eux ou pas) indirectement à ces triangulations. Jusqu'à quand ?
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