Equipe de France : Deschamps sur les Espoirs : "Une aberration totale"

ParEurosport

Mis à jour 23/10/2012 à 19:03 GMT+2

Didier Deschamps juge "inadmissible" l’attitude des cinq internationaux Espoirs qui ont fait le mur la semaine dernière. Le sélectionneur, qui nous a reçus mardi, est beaucoup plus satisfait du comportement de son équipe, allée faire match nul en Espagne. La performance de ses hommes valide ses choix.

Deschamps France 2012

Crédit: AFP

On imagine que vous avez passé une bonne semaine depuis le match Espagne - France...
DIDIER DESCHAMPS : Oui, surtout que je n'ai plus de matches tous les trois ou quatre jours. Lorsqu'on sort d'une période aussi intense avec ces matches, il est évident que le résultat et le comportement conditionnent pas mal ce qui peut être écrit et dit par la suite. Après une performance et un résultat nul en Espagne, les jours qui suivent sont plutôt agréables.
Sur quels ressorts avez-vous joué pour obtenir des joueurs ce que l'on n'avait pas vu d'eux depuis très longtemps ?
D.D. : Il fallait qu'ils aient confiance, qu'ils se rendent compte de leurs qualités et que celles-ci ne pouvaient s'exprimer qu'à travers le collectif. Ça, c'est pour la partie technique. Après, quand on rencontre une équipe de la valeur de l'Espagne, dans les jours qui précédent, il faut être convaincu qu'on est capable de faire un très bon résultat, d'aller au bout de soi-même et de donner le maximum. La pire des choses aurait été de ressortir de ce match avec des regrets.
Avez-vous eu l'impression de gagner contre une forme de scepticisme ? Après le Japon, beaucoup de questions tournaient au niveau du talent des joueurs...
D.D. : Non, je ne gagne pas sur ce terrain-là. Avec les joueurs, il faut gagner face à l'adversaire. Après, on ne peut pas empêcher les gens d'analyser et de critiquer, même si, parfois, ça peut-être injuste. Et je suis gentil en disant parfois. On passe d'un extrême à l'autre. Lorsqu'on écoute ce qui se dit avant le match, trois heures après, ils sont obligés de dire l'inverse.
A l'issue d'un tel match, pensez-vous avoir gagné du temps dans la construction de votre équipe ?
D.D. : Du temps, non. De la tranquillité et de la sérénité, oui. Mi-novembre, on va en Italie et tout peut être remis en cause. Notre objectif est d'aller au Brésil. On a joué trois matches, on a sept points avec un match nul en Espagne. C'est plutôt positif pour la confiance et pour les joueurs. Ça a peut-être déclenché quelque chose autour, chez les spectateurs qui ont vibré et apprécié l'attitude des joueurs. Ces derniers peuvent espérer avoir plus de soutien car ils en ont besoin aussi. On n'est pas les plus nuls, on n'est pas les meilleurs. Mais des matches comme ceux-là permettent de matérialiser tout ce qu'il y a de positif. Et de faire en sorte que les gens croient en cette équipe.
Au lendemain du match de Madrid, vous avez croisé Laurent Blanc avec le Variétés Club de France. Avez-vous parlé du match ?
D.D. : Non, on s'est salué. Il m'a félicité mais nous n'en avons pas parlé. Ce serait déplacé, de par sa position et la mienne.
On a souvent dit de cette équipe qu'elle manquait de leaders. Quelques mois après votre arrivée, avez-vous cette impression ou mérite-t-elle d'être nuancée ?
D.D. : Des leaders, c'est quoi ? Il peut y en avoir sous différentes formes. Mais on ne s'invente pas des leaders. Certains le sont naturellement par leur expérience au plus haut niveau, du fait aussi qu'ils jouent dans des grands clubs. Après, il faut tout réunir en équipe de France. Mais aujourd'hui, le constat est que j'ai encore beaucoup de joueurs dont le vécu international est faible, même si le match de l'Espagne aura servi. Quand on se compare à l'équipe d'Espagne, qui a plus de 800 sélections en cumulé et plein de joueurs à plus de 50 sélections... Moi, je n'en ai pas beaucoup à plus de 50. Il leur faudra du temps pour les accumuler. Jusqu'à maintenant, ce sont des joueurs qui sont venus, qui n'ont pas joué, qui sont repartis... J'ai beaucoup de joueurs à moins de 20 sélections. Pour avoir de l'expérience et du vécu, il faut du temps et le temps, c'est à eux de le gagner et de faire en sorte de revenir.
Pour atteindre les 50 sélections, il faut que le sélectionneur fasse des choix stables. Dans cet ordre d'idées, l'Espagne donne-t-elle tort aux absents ?
D.D. : Elle ne donne pas tort aux absents. Elle donne raison à ceux qui étaient là. Je préfère le voir de ce côté-là. Des 23 qui étaient là, 20 étaient déjà là en septembre. Dans la notion de groupe, c'est quelque chose d'important. Ce qu'ils ont vécu dans ces dix jours compte. Il y a le match bien évidemment mais ils s'habituent aussi à un fonctionnement et aux exigences du haut niveau.
En arrivant, vous avez fait le choix de vous priver de joueurs qui n'étaient pas suspendus, vous avez fait la démarche inverse de la plupart des entraîneurs qui souhaitent avoir tous les talents individuels sous la main...
D.D. : Mais je ne suis pas entraîneur. Je suis sélectionneur. Quand vous êtes en club, vous avez des joueurs sous contrat. Ma fonction me permet de les sélectionner ou pas. On n'a pas le même rapport aux joueurs. En club, il est sous contrat quoi qu'il arrive. S'il n'est pas bon ou fait des choses pas bien, il fait partie du patrimoine du club. Là, il n'y a pas de patrimoine. Les joueurs ne sont pas le patrimoine de la fédération. Ils représentent la fédération et la France à travers ce maillot. Ils font ou ne font pas... S'ils ne font pas, ils savent à quoi s'attendre.
Vous avez été champion du monde en 1998, après vous être privé de grosses individualités (Cantona, Ginola). Avoir vécu cela nourrit cette certitude que le groupe peut se passer de joueurs qui paraissent incontournables ?
D.D. : Sur le papier, les grosses individualités... La notion de collectif est primordiale. Il y a la qualité footballistique, c'est le premier critère. Après, il y en a plein d'autres qui entrent en ligne de compte. Il suffit de peu pour que ce soit déséquilibré. Il faut faire en sorte que le groupe vive bien avec des personnalités différentes. Je ne suis pas là pour me priver du talent. Je suis là pour choisir. J'assume mes choix. Je peux m'expliquer dans une certaine mesure mais je ne peux pas tout dire non plus. Je sais aussi ce qui s'est passé avant que je sois là. Au-delà du talent, la vie du groupe est essentielle.
Vous insistez sur le comportement. Qu'avez-vous pensé de l'élimination de l'équipe de France Espoirs et de l'escapade parisienne de cinq de ses membres après le match aller face à la Norvège ?
D.D. : L'objectif était de se qualifier pour l'Euro. On a vu une attitude inadmissible de la part des joueurs. J’ai beaucoup de mal avec ce qui s’est passé entre les deux matches, car ça a amené un échec sportif qui a coûté la tête du sélectionneur. On peut peut-être trouver des circonstances atténuantes. Le haut niveau demande beaucoup de choses, notamment un professionnalisme au-dessus de tout, et là ça n’a pas été le cas
Concernant Yann M’Vila, qui était dans les cinq, cela retarde-t-il encore la possibilité de son retour ?
D.D. : Pas lui plus que les autres, les cinq sont logés à la même enseigne. La commission de discipline va trancher et j’attendrai sa décision.
Est-ce que cette histoire vous a étonné ?
D.D. : Est-ce que je suis étonné ? Je ne sais pas si c’est le mot. Ça peut surprendre, il peut toujours arriver des choses auxquelles on n’est pas préparé. On peut parler d’erreur de jeunesse et de tout ce qu’on veut. Mais ce qui s’est passé là, la manière dont ça s’est passé, les risques qu’ils ont pris, parce que Le Havre - Paris, ça ne se fait pas en cinq minutes en voiture... En plus avec un match qualificatif pour l’Euro au bout, c’est une aberration totale. On n’a jamais tout vu, mais je ne suis pas surpris, tellement de choses peuvent arriver. J’essaie toujours de comprendre, de me mettre à la place des gens, mais là j’ai beaucoup de mal.
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