La chute de l'empire US

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ParEurosport

Mis à jour 27/07/2012 à 17:07 GMT+2

Plongez dans trois histoires extraordinaires de la légende des JO. Dernier volet : la finale de basket gagné par les USA, puis par l'URSS.

Etats-Unis URSS 1972

Crédit: Eurosport

Il reste six secondes à jouer, dans la finale du tournoi de basket-ball des Jeux olympiques de Munich, en 1972. Six secondes, et les Soviétiques mènent d’un point. Mieux, ils ont la possession… Aleksandr Belov, 20 ans, choisit cet instant précis pour craquer. Il adresse la balle à… Doug Collins ! Celui-ci avance, mais est immédiatement victime d’une faute. Une vilaine faute, intentionnelle évidemment, commise par Sakandelidze. Sanction ? Réparation ? Du moins faut-il que Collins retrouve ses esprits : il a quelques instants perdu connaissance… Dans une sorte de brouillard, l’Américain exécute des gestes mécaniques. Ceux qu’il exécute à longueur de matchs, à chaque lancer-franc : "Trois rebonds, un petit mouvement de rotation, et shoot". Le premier entre, le second également. Pour la première fois dans cette finale, les États-Unis prennent l’avantage (50-49).
Il reste trois secondes à disputer, et l’on s’achemine vers un nouveau sacre américain. Comment d’ailleurs pourrait-il en être autrement ? Depuis l’introduction du basket au programme des Jeux, en 1936 à Berlin, les joueurs US ont remporté les sept titres mis en jeu. Plus impressionnant, ils n’ont jamais perdu la moindre rencontre, alignant 62 victoires d’affilée ! Invaincus. Invincibles ? Il semblerait. Les Soviétiques ont pourtant tout essayé : ils ont pris le meilleur départ dans cette finale, ont mené 26-21 à la mi-temps et comptaient huit points d’avance à 6’07’’ du buzzer final. Ils ont muselé ces Américains qui avaient jusque-là écrasé tous leurs adversaires. Quelques scores, pour en témoigner : 96-31 contre l’Égypte, 99-33 face au Japon ou même 68-38 en demi-finale, pour mater l’Italie… Et malgré cela, les Russes et assimilés se retrouvent menés, virtuellement battus. Ils réengagent tout en sachant que le rêve s’envole au rythme des secondes : 3, 2, 1…
Il reste une seconde au tableau et l’un des arbitres, le Brésilien Renato Righetto, arrête soudain le match. Il s’inquiète d’un dysfonctionnement à la table de marque : le coach soviétique, Vladimir Kondrashkin, affirme avoir demandé un temps mort entre les deux lancers-francs de Collins. La règle à l’époque voulait qu’un temps mort puisse être accordé avant ou après le premier tir au panier. C’est justement la deuxième option qu’avait choisie Kondrashkin, mais comme les joueurs aux maillots rouges s’étaient mis en position pour le shoot de Collins, les officiels à la table avaient simplement pensé la demande de temps mort annulée. Et avaient omis de prévenir les arbitres.
"Les Américains doivent apprendre à perdre"
Le temps mort est donc accordé, mais il ne change rien. Les Russes réengagent, et le buzzer retentit. Les Américains sont champions olympiques, comme d’habitude. Les cinq sur le terrain voient arriver les remplaçants, les coachs, les soigneurs, les dirigeants, qui hurlent, sautent de joie, se congratulent. Le coup est passé si près… Il ne reste plus rien au compteur, la finale est terminée. Mais le secrétaire général de la Fédération internationale de basket (FIBA), le Britannique Renato William Jones, intervient à son tour. Il ordonne que la pendule soit reculée de trois secondes, pour que l’entraîneur soviétique bénéficie bien du temps mort qui lui a été accordé au moment exact où il en avait fait la demande. C’est-à-dire à trois, et non à une seconde de la fin. Jones usurpe ses droits, il n’est en aucun cas habilité à intervenir, mais son autorité naturelle suffit à décider les arbitres de faire dégager le terrain, d’exiger des joueurs US qu’ils se replacent et de confier le ballon à Vladimir Kondrashkin.
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Petites histoires du 100 mètres et autres disciplines olympiques

Crédit: Eurosport

Il reste à nouveau trois secondes à jouer, et le coach soviétique opère le choix le plus audacieux de sa carrière. Le plus génial aussi. Il demande à Ivan Edeshko d’effectuer sa longue remise en jeu à travers le terrain à destination de Belov ! Aleksandr, dit Sasha, Belov, celui-là même qui a fait « perdre » son équipe, quelques minutes plus tôt. Les Américains pouvaient s’attendre à tout, sauf à cela. Déjà quelque peu déconcentrés par leur danse inutile de la victoire, ils semblent tétanisés. Belov capte le ballon, passe deux défenseurs et marque le panier. Alors, le buzzer retentit… C’est le deuxième, mais surtout le dernier de la journée : le score est de 51-50 et l’URSS est championne olympique.
La réclamation déposée par les Américains n’y change rien : le jury d’appel la rejette. Il a été composé par R. William Jones en personne, qui a pris soin de nommer trois juges issus de nations communistes (Hongrie, Pologne et Cuba) – qui voteront évidemment contre l’annulation du panier de Belov – contre deux originaires de pays capitalistes (Italie et Porto-Rico) – qui voteront pour. Pour expliquer son abus de pouvoir, le secrétaire général de la FIBA déclarera plus tard : "Les Américains doivent apprendre à perdre, même quand ils pensent avoir raison."
Extrait de PETITES HISTOIRES DU 100 METRES ET AUTRES DISCIPLINES, Etienne Bonamy et Gérard Schaller, Hugo&Cie, 237 pages, 16.95 euros.
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