Un Algérien à Turin

ParAFP

Publié 31/01/2006 à 20:00 GMT+1

De coups d'audace en coups de chance, Noureddine Bentoumi a relevé un défi improbable, quasi-incongru: représenter l'Algérie aux Jeux de Turin en ski de fond. Une discipline qu'il ne pratique sérieusement que depuis deux ans. Il s'alignera sur le 50 km où

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Crédit: Eurosport

"Pourquoi pas moi?" La question, d'une simplicité démoniaque, a entraîné Bentoumi, qui fêtera ses 34 ans le 19 février, dans une aventure fantastique peuplée de magiciens et d'oiseaux de mauvais augure. Né à Chamonix d'un père algérien, mineur de son état, et d'une mère française institutrice, Bentoumi a grandi à la montagne. Ecole à Modane puis à Albertville jusqu'au baccalauréat, "prépa" et école d'ingénieur en électronique à Grenoble, où il travaille désormais chez Hewlett Packard.
S'il avait touché au ski -alpin et nordique- durant sa scolarité, rien ne le prédestinait à le pratiquer au contact des plus grands. Sauf que cet amateur de sport, pratiquant assidu de course à pied et vainqueur de courses régionales, a décidé un jour de prendre des cours. L'annulation d'une séance parce que son professeur devait "s'occuper d'un Hongrois qui allait participer aux Jeux", a précipité Bentoumi dans le fantasme des JO.
Reconnaissance
Car les Jeux, "c'est un autre monde", précise celui qui n'était qu'un "skieur du dimanche" il y a encore près de deux ans. "Il faut beaucoup d'énergie, il ne suffit pas de dire "J'ai envie": il faut s'accrocher" , poursuit-il. Pour commencer, il a dû obtenir "la reconnaissance de la Fédération algérienne", sans laquelle pas d'inscription possible à Turin. "J'ai mis six mois à entrer en contact avec eux, puis ils m'ont demandé des vidéos et mes résultats pour me jauger. C'est normal car un gars qui débarque de nulle part et demande à faire les Jeux, ça tombe du ciel" , raconte-t-il.
Second obstacle majeur: "se lancer en n'ayant rien au départ ". Ce fut le 18 décembre 2004, lors d'une étape de Coupe d'Europe. "Je n'avais qu'une seule paire de skis, je les fartais tout seul et l'équipe d'Italie a bien voulu me faire une place dans son local pour que je puisse préparer mes skis", se souvient-il. A côté de techniciens préparant dix paires de skis par coureur et ayant à disposition une trentaine de farts différents, "tu as vraiment l'impression de n'avoir rien à faire là" . Ensuite, il a sillonné les Alpes, seul au volant de sa Clio avec à chaque fois un "regard bizarre" des concurrents lorsqu'il se présentait comme "l'équipe d'Algérie". Mais des rencontres et des coups de main ont rendu son objectif "moins surnaturel".
Pari
Sans complexe, il a demandé des conseils au champion du monde de poursuite Vincent Vittoz qu'il a contacté via son site internet. "Il m'a répondu qu'il ne pouvait rien personnellement, mais qu'il allait en parler à l'équipe de France". Et quelques temps après, le directeur de l'équipe de France de fond Jean-Pierre Burdet lui proposait de se joindre aux Tricolores lors de leurs stages. Pour les JO, où il a choisi de s'aligner sur 50 km libre puisque "c'est la grande course", il disposera d'un entraîneur français. Mais le pari est osé: il risque l'élimination et donc de ne pas être classé, lui qui aux Mondiaux avait terminé 110e sur 123 sur le 15 km libre.
Après la galère, la route de Bentoumi vers Turin s'est éclairée: les premiers parraineurs se sont enfin manifestés et "lorsque la Fédération algérienne a vu que j'allais aller au bout, elle a obtenu des crédits de la Fédération internationale de ski, puis HP m'a octroyé un petit budget et des jours pour m'entraîner" , souligne-t-il. Lui qui n'avait personne aux Championnats du monde avec qui partager son émotion, défilera et courra aux JO devant ses parents, sa compagne, peut-être son fils Yanis de deux ans et demi, et ses amis.
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