Opinion
OmnisportAlexis Vastine, Camille Muffat, Florence Arthaud : putain de destin
Mis à jour 16/03/2015 à 17:04 GMT+1
Les disparitions de Florence Arthaud, Camille Muffat et Alexis Vastine laissent le sport français orphelin de trois sacrés personnages.
Roxana Maracineanu a parlé d'une bombe. Elle a pleuré. D'autres ont évoqué un coup de massue. Un choc. Ils ont pleuré, aussi. Chacun, avec ses mots, par nature tous dérisoires mais si précieux, réagit à sa manière à cette invraisemblable nouvelle.
D'autres termes peuvent venir à l'esprit. Injuste, par exemple. Dégueulasse, même. Car derrière la tristesse, il y a forcément une forme d'incompréhension. Pourquoi eux ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi comme ça ? "Pas elle…", comme l'a écrit Yannick Agnel ce matin. Ils visent si juste, ces deux mots et ces trois points de suspension, destinés à Camille Muffat, qu'il connaissait si bien. Et qui s'appliquent aux autres victimes de ce drame.
Encore que "destinés", le mot est mal choisi. Le destin, ce matin, on aurait surtout envie de lui casser la gueule. Dans toute son absurdité, il a choisi de souffler en une fraction de secondes dix vies, dont celles de ces trois champions qui n'ont justement eu de cesse de vouloir contrôler la leur. C'était leur point commun.
Florence Arthaud, qui aura changé à jamais son sport, la voile, devenant de son vivant une figure légendaire. Ceux qui, comme moi, avaient 15 ans quand elle a gagné la Route du Rhum, ont eu conscience de vivre un "truc" qui allait faire date. Même sans ne rien connaitre à la voile. Elle nous donnait l'impression que le rêve était possible. Ce n'était pas de la voile. C'était Arthaud. C'était Flo. Si vous fermez les yeux, que vous pensez "voile", vous verrez Tabarly. Kersauson. Et Arthaud. Elle était de cette trempe-là. Elle était de celles qui changent l'histoire en écrivant la leur.
Dans son genre, Camille Muffat était une super nana, elle aussi. Consciente dès l'adolescence de son destin de championne. Mettant tout en œuvre pour y arriver. Y arrivant. Et comment. Un titre olympique et trois médailles d'un coup à Londres. A l'échelle du sport français, c’est un truc de dingue. Et ça ne l'avait pas changée. La légende, sans esbroufe. Puis, toujours dans ce même désir d'être l'actrice de sa propre vie, tournant le dos à 25 ans à cette carrière si brillante. Parce que ce n'était plus son histoire. Sa décision a pu être mal comprise. Mais c'était la sienne et c'était tout ce qui comptait. Elle en imposait, Camille. La grande timide qu'elle était pouvait intimider. C'était une sacrée championne. Comme Arthaud.
Puis il y a Alexis Vastine. Contrairement à Florence et Camille, le jeune boxeur n'avait pas encore assouvi ses rêves de champion. Une médaille de bronze à Pékin en 2008, noyée sous les larmes de sa défaite en demi-finale, après une décision d'arbitrage que l'on qualifiera de controversée, pour rester poli. Puis un autre échec olympique, en quarts de finale, en 2012. Encore une décision contestable des juges. Il avait quitté Londres écoeuré. Je me souviens de lui, trois mois plus tôt. Il évoquait Pékin avec le verbe ferme mais sans esprit de revanche outrancier. Il était du genre à regarder devant, pas derrière.
Vastine, c'est l'histoire d'un mec sur lequel le destin s'est acharné avec une force inouïe et qui, malgré tout, mettait plus de force encore à combattre ces vents contraires. C'est pour ça qu'il était reparti au combat, dans tous les sens du terme, après Londres. Ça n'avait pas été simple. Il s'était demandé "à quoi bon?", puis il avait repris le chemin de l'entrainement. Devant, toujours devant. Et debout. De l'or à Rio, l'an prochain, ça aurait été si beau. Si juste. Pas grand-chose ne l'était dans sa carrière. Mais ce n'était rien à côté des drames de la vie. Il y a quelques semaines, sa sœur, Célie, boxeuse elle aussi, a trouvé la mort dans un accident de voiture. Elle avait 21 ans. Deux mois plus tard, Alexis l'a rejoint et cela n'a aucun sens. Vraiment aucun.
De tristesse et d'incompréhension, tout ça donne envie de s'essuyer les yeux et de secouer la tête. C'est la vie, dit-on. C'est le destin, parait-il. On ne le salue pas, ce salopard. Mais on s'incline devant eux. En guise d'adieu, on leur fait une promesse : personne ne les oubliera.
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