F comme Français et fiasco

Pour la première fois depuis l’édition 2000 de Wimbledon, le tennis français sera totalement absent des huitièmes de finale d’un tournoi du Grand Chelem. En Australie, c’est du jamais vu depuis 1992. Le fiasco a été consommé à 16h40, heure de Melbourne, dès la sixième journée de l’épreuve, au terme de la défaite, attendue mais méritoire (7-6, 6-3), d’Alizé Cornet contre Kim Clijsters sur le central de la Rod Laver Arena. Plus tôt dans la journée, Jo-Wilfried Tsonga, fauché par la fatigue, avait littéralement lâché sur la Margaret Court Arena au cours de son 3e tour contre l’Ukrainien Oleksandr Dolgolopolov, vainqueur 3-6, 6-3, 3-6, 6-1, 6-1.

Si le tennis féminin était "attendu" à ce faible niveau parce qu’il traverse une mauvaise passe sur laquelle nous reviendrons par ailleurs, le tennis masculin a, lui, coulé à pic à la surprise générale. Comme en 1992, 1997 et 2002, il a peut-être payé cash le fait d’avoir disputé un mois et demi plus tôt une finale de coupe Davis. Ces trois années-là, à l’image de cette édition 2011, aucun joueur ne s’était hissé en huitièmes de finale à Melbourne Park après s’être battu quelques semaines plus tôt pour la conquête du Saladier d’argent.

Dans ce naufrage collectif, les destins ont été divers. Gilles Simon, qui a résisté pendant cinq sets à Roger Federer, a fait exception. D’une certaine manière, il a envoyé un message posthume à Guy Forget qui ne lui avait pas fait confiance pour affronter Viktor Troicki dans le cinquième match décisif de la finale de la Coupe Davis. Après le contrecoup de l’échec de Belgrade, il a montré qu’il disposait de magnifiques ressources mentales pour s’imposer à Sydney et menacer le n°2 mondial.

Mais il ne faut évidemment pas accabler des joueurs qui ont aussi fait avec les moyens du bord en raison d’une préparation écourtée à cause de cette coupe Davis. Gaël Monfils a raté tactiquement son match contre Stanislas Wawrinka qui l’a complètement épuisé et ne s’est pas cherché des excuses en parlant "d’échec" en ce qui le concerne. Sa volonté de réussir au plus haut niveau paraît sincère. Michaël Llodra est quant à lui tombé contre Milos Raonic, un jeune Canadien prometteur qui a dominé Mikhail Youzhny dans la foulée.

Les cas de Jo-Wilfried Tsonga et Richard Gasquet, qui faisaient banquette à Belgrade, sont différents. Après six mois difficiles dus à une blessure au genou, Tsonga est toujours à la recherche de sa meilleure forme. "Il va lui falloir du temps pour retrouver un bon niveau de jeu en fonction de ses dispositions physiques, a souligné Eric Winogradsky. Je ne suis pas agacé. Il ne peut pas y avoir de miracles. Il a fait avec les moyens pour le moment, ce n’est pas suffisant." L’ancien finaliste de l’Open d’Australie a nié toute blessure, même si sa hanche semblait le tirailler contre Dolgolopolov. "C’était simplement de la fatigue", a-t-il répété plusieurs fois. La carrière de Tsonga sera éternellement placée sous la menace de ce corps fragile et tortionnaire qui ne lui permettra pas, il l’a laissé entendre, de pouvoir prolonger son aventure sportive au-delà du raisonnable.

Le cas de Richard Gasquet intrigue et désole davantage dans la mesure où il n’est pas affligé du handicap qui sape le destin de Jo-Wilfried Tsonga. Contre Tomas Berdych, il n’a rien montré en termes de révolte semblant se contenter d’une sorte de minimum syndical qui devient une habitude pour lui. A-t-il envie de devenir un champion ? La réponse est visiblement non. Sébastien Grosjean, qui va devenir son entraîneur à temps partiel, est condamné, pour réussir dans son entreprise, à secouer cette personnalité qui a beau répéter qu’il se régale sur le court, alors que tout laisse à croire que c’est l’inverse. Les nouveaux Mousquetaires ont encore du chemin à faire. Sous le soleil de Melbourne, ils ont été frappés d’un sacré coup de bambou.