Tsonga en questions

Je vois deux explications à cette entame extrêmement poussive. D'abord, une crispation presque palpable. Ce n'est jamais simple pour un Français de rentrer dans son tournoi à Roland-Garros, à plus forte raison quand vous portez sur vos épaules la majeure partie des espoirs tricolores comme c'est le cas de Tsonga dans le tableau masculin. Lui qui a besoin de mettre de l'énergie dans son jeu était complètement amorphe dimanche. L'autre problème était d'ordre tactique. Le jeu de Brands n'est pas très inventif, l'Allemand n'avait pas 36 filières de jeu à proposer, mais il a beaucoup perturbé Tsonga notamment avec son service kické qui a repoussé le français très loin de sa ligne de fond. Il n'a d'ailleurs jamais vraiment réglé ces deux problèmes, à l'exception des derniers jeux, où il s'est enfin un peu lâché, prenant davantage le jeu à son compte.

A l'image de Tsonga, le public a été refroidi d'entrée de partie par le très bon début de match de Brands. Il a commencé à se réveiller après le premier break du Français, soit une heure après l'entame de la partie. L'euphorie a même gagné les rangs lorsque le Manceau menait deux sets à un, avant un nouveau froid en fin de quatrième set. Mais en fin de partie, le ton est monté d'un cran. La tension palpable durant toute la rencontre a laissé place à davantage de cris d'encouragement, que d'insultes envers le Français quand il ratait des occasions de faire la différence. Jo ne s'y est pas trompé en remerciant ses fans en fin de rencontre, sur qui il a pu s'appuyer pour "se faire mal et remporter cette victoire". Cela n'a pas empêché Brands d'avoir un tonnerre d'applaudissements à sa sortie du court... Mais moins chauds que sur la 3e balle de match de Tsonga convertie dans le 5e set.

S'il a du mal à le reconnaître, Tsonga peine encore à répondre aux grands serveurs. L'explosivité de Brands sur sa mise en jeu en début et en fin de rencontre a clairement posé de gros problèmes au Français, repoussé derrière sa ligne de fond. Il a fallu attendre que l'Allemand commence à accuser le coup physiquement pour que Tsonga ne fasse la différence. Du haut de son mètre 96, l'Allemand a réalisé un match étonnant, réussissant à augmenter son pourcentage de premières balles tout au long du match, passant de 50% au 1er set à 72% au cours du 4e set. C'est là le point positif qu'il faudra retenir de ce match : Tsonga a résisté face à ce type de joueur qui fait de son service sa pièce-maîtresse. Ce qui ne fut pas le cas face à Juan Del Potro l'an passé à Paris. Peut-être l'issue du match aurait été différente sur une surface plus rapide... (souvenez-vous de John Isner à Washington et, comme vous l'avez souligné, Ivo Karlovic à Wimbledon l'an passé). Toujours est-il que les niveaux de jeu et physique chancelants de l'Allemand ont permis à Tsonga de sauver les meubles. Et les statistiques sont là aussi pour le démontrer : lors du 5e set, l'Allemand n'a passé que 55%, contre 72 pour Tsonga. Dans un moment aussi tendu qu'un 5e set, c'est un vrai plus pour lui.  

Un match en 5 sets va forcément laisser des traces. Cela dit, au niveau mental, il a fait un grand pas en remportant un match "tendu et frustrant" pour reprendre ses propres termes. Des matches en 5 sets dans un tournoi du Grand Chelem, le Français en a déjà joués deux dans sa carrière : à l'Open d'Australie en janvier dernier, il a inauguré cet exercice particulier deux fois de suite face à Nicolas Almagro en huitième de finale (9-7 dans le dernier set) et ensuite face à Novak Djokovic (6-1 dans le dernier acte). Preuve que le Français peut enchaîner sans souci alors que la compétition bat son plein. L'inquiétude réside plutôt dans son alerte qu'il a eue à Madrid il y a quinze jours. Là encore, Tsonga a été très rassurant en nous démontrant que ce problème était bel et bien derrière lui, en sortant vainqueur d'un match long de 3h43 tout de même. Il n'a pas le choix : s'il veut aller loin dans ce tournoi, il devra de plus en plus faire preuve de patience et allonger ses temps de présence sur les courts plus qu'à l'accoutumée.

S'il ne hausse pas son niveau de jeu, il est clair que Tsonga n'a aucune chance dans ce tournoi. Néanmoins, en Grand Chelem, la vérité d'un jour n'est pas celle du lendemain. L'histoire des tournois majeurs regorge de joueurs ayant frôlé l'élimination au premier tour et qui étaient pourtant encore là en deuxième semaine. L'avenir le dira, mais le Français a peut-être fait le plus dur en ce début de tournoi en se sortant des griffes de Brands. Ivan Lendl disait que pour une tête de série, il y a deux façons idéales de rentrer dans un Grand Chelem: gagner très rapidement en trois sets, ou s'imposer à l'arraché après avoir été tout près de la porte. Tsonga a "choisi" la deuxième solution. Un joueur qui voit le précipice sans tomber dedans se sent plus fort. Attention, ça ne veut pas dire que Tsonga sera dans le dernier carré. Mais à l'inverse, il ne faut pas forcément tirer de conclusions par rapport à son niveau de jeu du jour.

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Mister Pagis: Dur match pour Tsonga aujourd'hui, pas concentré, trop d'agacement. Va falloir être meilleur à l'avenir, son bon tableau va l'aider à rentrer doucement dans le tournoi. Mais un grand bravo à Brands très bon match de l'Allemand...
S.P. : Son tableau est un atout. Mais il devra aussi se montrer digne d'en profiter.

Fab34: Vraiment impressionné par Brands en tout cas : un ersatz de Soderling, bien solide et redoutable! Transcendé aujourd'hui !
S.P. : Rien à ajouter Fab34. Un jeu simple mais solide et l'allusion à Soderling n'est pas idiote. On a cru longtemps que Tsonga avait trouvé son Soderling aujourd'hui...

lololino: Dire que les journalistes ont mis Jo en demie, y en a vraiment qui manquent d'objectivité quand même...
S.P.: Sur son passé récent en Grand Chelem, il y a des pronostics plus absurdes que celui-là tout de même. Avec un autre tableau, son horizon serait plus bouché. Là, il a un coup à jouer. A condition d'être à son meilleur niveau, ce qui n'a pas été le cas dimanche.

300: Un prétendant a une demi-finale de R.G. ne joue pas son premier match en cinq sets.
S.P. : Pas d'accord avec vous, 300. Encore une fois, les exemples de joueurs à la peine lors d'un 1er ou d'un 2e tour et qui ont ensuite gagné le tournoi existent à la pelle dans l'histoire du tennis. Son mauvais match de dimanche ne change rien en soi au statut de Tsonga dans ce tournoi. Il est un outsider de troisième rideau, derrière l'incontournable favori Nadal, et les gros clients comme Federer, Verdasco ou Ferrer. L'essentiel était de passer. Regardez Gulbis...