Djokovic face à Federer

A Roland-Garros, Novak Djokovic et Roger Federer vont jouer pour la 23e fois de leur carrière l'un contre l'autre. C'est la 6e fois qu'ils se rencontrent en demi-finale d'un tournoi du Grand Chelem (trois victoires du Serbe), et pourtant, ce match dépasse de loin les simples statistiques.

TENNIS Federer Djokovic Paris 2011

Crédit: Imago

A ma gauche, 16 titres du Grand Chelem dont un à Roland-Garros, des records ahurissants (28 quarts de finale en Grand Chelem consécutifs pour n'en citer qu'un), et père de famille : Roger Federer. A ma droite, un jeune homme souriant et dynamique, invaincu depuis la finale de la Coupe Davis 2010, qui pourrait devenir N.1 mondial dès lundi : Novak Djokovic. Ne vous méprenez pas, ces deux joueurs ne vont pas faire une exhibition sur le court central de Roland-Garros.
Vendredi, en demi-finales du tournoi, il y a suffisamment d'enjeux pour prendre au sérieux la 23e confrontation entre ces deux-là. Nous ne parlerons pas ici de l'extraordinaire cumul de défis pour le Serbe (la place de N.1 mondial, sa première finale à Roland-Garros, le record de victoires consécutives de John McEnroe, pour en savoir lisez notre article sur le sujet), nous nous concentrons sur ce qui représente selon nous un premier moment crucial du circuit, avant même la finale.
La situation de Djokovic ? Federer "sait ce que c'est"...
Si les deux champions exceptionnels proposent, chacun dans des styles différents, une décontraction à toute épreuve, leur rivalité sportive n'a pas encore atteint l'équilibre des duels Federer-Nadal. Le Suisse, soulagé de ne plus être en première ligne, a parlé d'impatience au sujet de ce match : "J'ai déjà gagné Roland Garros", souligne-t-il pour situer les positions. "Je sais que Novak a cette série de victoires consécutives. Cela m'est arrivé également, en 2004, lorsque j'étais près d'être numéro un aussi. C'est la même situation."
Presque de la nostalgie ? Pas vraiment. Federer joue mieux cette année que l'an passé, Roger a pris de la hauteur, mais le compétiteur est à l'affût : "Bien sûr, j'aimerais bien être en finale d'un Grand Chelem, parce que je n'ai pas fait cela depuis quelques Grands Chelems. Il n'y a rien de bien grave pour moi. Ce qui compte, c'est d'avoir ses chances à saisir". D'où l'impatience : "C'est vrai, j'attends avec impatience ce match. On joue généralement bien l'un contre l'autre. En Australie, c'était super, Indian Wells aussi, même si le match était décevant."
McEnroe : "J'adore ce gars"
Novak Djokovic n'a battu Federer que 9 fois sur 22, mais depuis sa défaite au Masters de Londres fin 2010, il n'a perdu qu'un set, à Indian Wells, pour trois victoires très convaincantes (Open d'Australie, Dubaï, Indian Wells). Dominer Federer trois fois de suite est encore un exploit, et si la page historique, pour ne pas dire légendaire, n'est pas encore tournée, le Serbe pourrait écrire les lignes les plus importantes de sa propre histoire dès vendredi. Federer, qui, depuis que Djokovic est sur le circuit, demande toujours à voir, plutôt que de croire sur parole : "Je pense que l'histoire d'être numéro un, c'est LA question pour lui, maintenant. Et pas vraiment la série de victoires de McEnroe"...
A cette contre-plongée du Suisse, Novak Djokovic répond par un aplomb étonnant. Très loin des sorties perçues comme arrogantes à son arrivée sur le circuit (Ses déclarations : "Je veux être N.1 mondial", ses imitations: le slip de Nadal, etc.), il assume aujourd'hui parfaitement à la fois sa personnalité et ses ambitions. "J'adore ce gars", disait John McEnroe lui-même cette semaine, convié à une séance d'entraînement impromptue à Jean Bouin pendant les jours "off" de Djokovic, dispensé de quart de finale après le forfait de Fabio Fognini. Le Serbe a enchaîné cette saison avec autant de plaisir et d'application, la compétition et les extras (promotions, émissions, animations en tout genre).
"Mon objectif est de devenir N.1 mondial"
Très loin de la sobriété classique du Suisse, Djokovic régale l'assistance tout aussi bien de ses revers "lasers" (la formidable expression découverte ces dernières semaines dans la presse !) que de ses pas de salsa ou de ses défilés de mode à Cannes. Cela peut être déconcertant vu de l'extérieur. Cela ne le déconcentre pas lui. A l'instar de Roger, Novak possède cette faculté de ne jamais perdre de vue l'essentiel.
A la différence de son rival du jour, il a su très tôt ce qu'il voulait: "Mon objectif est de devenir N.1 mondial et ça le sera jusqu'à ce que j'y arrive". Djokovic a formulé l'ambition de devenir un jour le patron du circuit dès l'âge de douze ans, lorsqu'il fuyait les bombes pleuvant sur l'ex-Yougoslavie pour rejoindre l'Académie de tennis de Niki Pilic en Allemagne, à Munich. Roger Federer lui, avait des posters de grands sportifs dans sa chambre. Marquer l'histoire de son sport, c'est devenu ensuite une évidence pour le surdoué suisse. Federer a représenté une forme idéale du tennis, aérienne et classique.
Incarner un idéal du tennis
Sur le court, Federer transforme la vitesse et la fluidité pour déborder l'adversaire. Il dose son effort, et il s'ajuste pour y parvenir. Djokovic utilise la vitesse pour s'imposer dans l'espace du court. D'un côté, le jeu, l'échange y est vécu comme un duel nécessaire ; de l'autre, le court est un espace à conquérir et à quadriller. Federer a eu un temps le beau rôle, celui du joueur génial, puis Rafael Nadal lui a opposé un style et une énergie inédite, plus tellurique.
Aujourd'hui, Djokovic est en mesure d'incarner un nouvel idéal, mêlant célérité et précision comme le laser. A Roland-Garros, en attendant Wimbledon, le temple du tennis moderne version Federer ou Nadal, cela passe par une demi-finale qui va bien au-delà des records et des statistiques, puis par une éventuelle finale. Une nouvelle dimension du tennis est à sa portée.
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