Chat Wilander à 16h15

M. W. : Ce n'est pas important pour Federer d'avoir tel ou tel niveau à ce stade du tournoi. Il faut seulement qu'il ne passe pas trop de temps sur le court. Pour Nadal, c'est plus important de bien sentir son jeu assez tôt dans le tournoi. Et encore... Pour les trois, ce qu'ils font en première semaine n'a pas vraiment d'importance.

M. W. : Chez les femmes, ce serait que Li Na conserve son titre. Stosur a de bonnes chances aussi. Chez les hommes, si Nadal ne gagne pas, ce sera une énorme surprise.

M. W. : J'aime Nadal pour sa personnalité, son intelligence. J'aime Federer car ce qu'il fait est imprévisible. Il est beau à voir et agréable à commenter, il invente quelque chose de différent à chaque fois. J'aime Novak car il est celui qui a montré à Nadal qu'il n'était pas assez fort. Il lui a dit : "Je frappe aussi fort que toi, physiquement je tiens". Et c'est à peine croyable. Ce qui est génial avec eux, c'est qu'ils se font progresser mutuellement tous les ans. On n'a jamais vu ça dans l'histoire du tennis.

M. W. : Oui, on peut. Je ne l'ai tout simplement jamais vu aussi bien jouer lors de deux tours à Roland-Garros. Nadal joue mieux que jamais. C'est facile à dire après deux tours contre deux joueurs moyens, mais on voit que chaque point est limpide, et pourtant il a de la marge par rapport au filet, aux lignes et aux angles. C'est un jeu très sécurisant pour lui, mais injouable pour l'autre. Je le répète : Nadal est meilleur que jamais. Il est archi archi favori maintenant.

M. W. : Il devrait faire quelque chose de prévisible. Contre Rafa, il ne l'est pas assez. Il commence par être agressif et très vite, il se met à réfléchir beaucoup trop sur sa capacité à maintenir cette agressivité. Contre Nadal, il faut avancer... Le problème de Rafa contre Djokovic, c'est que Djokovic est prévisible. Il fait la même chose tout au long du match, il avance sans se poser de question. Federer fait 20 minutes ci, 10 minutes ça, d'un coup il fait service volée. Puis il arrête. Nadal n'a rien sur quoi se concentrer, pas de grosse énigme à résoudre.

M. W. : Oui bien sûr, mais pas tout le temps. Il n'est pas aussi consistant et j'ai l'impression qu'il ne cherche même pas à l'être. Il essaie de gagner ses matches, de boucler ses sets, mais quand il joue simplement bien, il laisse les choses se passer, mais il n'est plus autant "au taquet" que l'année dernière sur sa qualité de jeu. Il a confiance en ses coups, il sent à peu près qu'il gagnera chaque set et la plupart des matches, mais son niveau moyen est inférieur. Et c'est normal. Il est comme Nadal et Federer maintenant, il se gère.

M. W. : Je pense qu'elle a le niveau d'une cinquième ou sixième mondiale, je en pense pas qu'elle puise gagner un Grand Chelem en ce moment, mais elle en gagnera un jour. Lequel ? Je ne sais pas, mais je la vois en gagner un dans les trois ans.

M. W. : Novak, oui, et il l'a déjà fait. Nadal, non, ça ne me semble pas possible. Il faudrait recommencer le match plusieurs fois, il faudrait pouvoir "réinitialiser" Roger. Il ne parvient pas à tenir la distance en cinq sets. En trois sets, il n'y physiquement pas d'enjeu, c'est une autre approche, ça n'a rien à voir, et Federer arrive à battre Nadal. En cinq sets sur terre battue, non. Mais j'espère me tromper.

M. W. : Si on crampe après deux heures à 21 ans, il faut se poser des questions sur la condition physique. Si ce n'est pas un problème physique, ça vient d'ailleurs et ça a des chances de se reproduire. C'est un sujet de réflexion. C'est un joueur qui émerge, je ne sais pas s'il sera Top 10, mais il a à coup sûr le niveau pour aller dans les 20.

M. W. : Si tu veux un vainqueur, le tie-break est la meilleure solution. Mais si tu veux un spectacle de tennis exceptionnel, eh bien, 18-16, c'est super. C'est un film qui ne se termine jamais. Il n'y a rien de comparable, dans aucun sport, c'est magnifique. Il ne faudrait pas que ce soit comme ça à chaque match, mais ça arrive, quoi... trois fois par an ? ça passe. Il y a peut-être un match par tournoi qui va plus loin que 8-8 au dernier set. Tant pis pour les joueurs concernés. On peut penser qu'ils ne méritent pas d'aller plus loin s'ils ne concluent pas le match à 8-6. Pour les fans, c'est magnifique. Je n'aime pas trop le tie-break.

M. W. : Impossible en effet, à 100%. Edberg n'est pas passé loin. Rafter a été en demie. Mais les retours et les passings sont trop bons aujourd'hui. Les joueurs ont toute la panoplie. Ils frappent fort, trouvent des angles incroyables... On peut faire service-volée une fois de temps en temps. Pour varier.

M. W. : Je pense qu'Arnaud Clément sera un capitaine parfait. Il y a d'autres candidats. Mais si je voyais son nom sortir du chapeau, je ne serais pas surpris. Il faudrait expliquer aux autres pourquoi ce n'est pas eux. Mais pour moi, il est le meilleur.

M. W. : D'aller loin, je ne sais pas, je n'ai pas son tableau en tête, mais j'aime beaucoup ce joueur. Quand je le vois évoluer, je ne vois pas un joueur qui revient de blessure ou qui est diminué. Je vois le Tommy Haas d'avant, capable de gagner contre n'importe qui. C'est vraiment mon avis.

M. W. : La bonne surprise pour moi, ce sont les joueurs français. On sent qu'il se passe quelque chose, que le public est excité à l'idée de les pousser le plus loin possible.

M. W. : Oui. Tsonga n'a pas besoin de coach pour la tactique. Il peut en avoir besoin pour la technique, sur le revers notamment. On ne réalise pas toujours ce qu'on fait quand on joue ou qu'on se regarde à la video. Mais c'est un joueur qui a fondamentalement besoin de se sentir libre tactiquement. Quand il joue "comme les autres", il n'est pas si bon que ça. Il a besoin, et en cela il est comme Yannick (Noah), d'analyser la situation et de sentir le match. "Tu n'aimes pas ça ? Je te fais ça." Il a l'esprit un peu... flottant et il a besoin de sentir cette liberté pour exploiter tout son potentiel.

M. W. : Il faut avoir un super coup pour commencer et aller au filet. Vu comment Nadal et Djokovic se déplacent, je pense que l'avenir du jeu consistera à voir ces joueurs plus agressifs, qu'ils viennent au filet de leur propre chef. Que d'autres joueurs fassent des attaques placées et construisent une montée au filet, je cois que ça n'arrivera plus. Malheureusement, j'en suis certain à 100%.

M. W. : Je pense que c'est une erreur d'avoir en quelque sorte harmonisé les surfaces. Je pense que le jeu a besoin de plus d'amplitude sur la vitesse des surfaces. Pas pour avoir des vainqueurs différents, ça n'a aucune importance. Mais pour voir Nadal monter au filet, pour voir Federer faire service-volée sur ses premières, pour voir Novak faire ça aussi. Ça fait partie du jeu. Le jeu de tennis devrait se jouer à ce niveau comme le jouent les amateurs : avec tous types de jeu. L'US Open est aujourd'hui le tournoi le plus rapide. Un jour très chaud, Paris est aussi rapide que Wimbledon. Et l'Australie est probablement le court le plus lent de tous les grands chelems. La terre battue n'est pas plus lente qu'à mon époque, c'est simplement plus rapide car les joueurs frappent plus fort. A Wimbledon , ils ont changé le gazon pour le ralentir et les balles sont plus lourdes. A l'US Open c'est un peu plus lent qu'avant, et en Australie c'est beaucoup plus lent.

M. W. : Qui sont-ils ? On ne sait pas... Où sont-ils ? En Suède. On a de bons juniors, mais on a toujours eu de bons juniors. Déjà en Suède, on ne peut pas lutter contre des pays comme l'Espagne sur le vivier et le nombre de pratiquants. Ensuite, on a de bons joueurs de tennis car on a de bons athlètes : moi, Stefan (Edberg), Bjorn (Borg), on était comme ça. Soderling est un bon joueur de tennis mais pas un bon athlète. On se spécialise trop tôt dans le tennis... En Suède, il faut former de bons athlètes et espérer qu'ils choisiront le tennis. L'autre problème, c'est que la société est très... cool, tout est axé autour du bien-être, de la politesse, de la nécessité d'être quelqu'un de bien. Avoir un bon job, être bon avec les autres. Et c'est très bien comme ça... sauf pour le tennis. En tennis, il faut être très indépendant, avoir envie de se battre, d'émerger, de lutter. Ce qu'enseigne la société suédoise est très constructif, mais pas très bon pour le sport et le tennis.