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Wawrinka a raison, il n'est pas (encore) à la hauteur de Murray

Laurent Vergne

Mis à jour 03/06/2016 à 10:39 GMT+2

ROLAND-GARROS - Stan Wawrinka défie Andy Murray vendredi en demi-finale. Les deux hommes visent l'un comme l'autre une troisième victoire dans un tournoi du Grand Chelem. Mais comme le Suisse l'a dit lui-même avec justesse, il n'y a pas de comparaison possible entre leurs accomplissements respectifs. Pas encore, en tout cas.

Stan Wawrinka à Roland-Garros 2016

Crédit: Panoramic

Mercredi, après sa victoire contre Albert Ramos-Vinolas, Stan Wawrinka a été invité à jouer au petit jeu des comparaisons entre lui et Andy Murray, à 48 heures de leur collision en demi-finale. Un confrère soulignait qu'après tout, ils comptaient chacun deux titres du Grand Chelem à leur palmarès. On pourrait ajouter qu'ils ont aussi tous les deux gagné une Coupe Davis, en 2014 pour le Suisse, l'année suivante pour le Britannique. Mais en l'occurrence, comparaison n'est pas raison. J'ai beaucoup aimé la réponse de Wawrinka, que voici :
"Je crois qu'il est bien loin devant moi. C'est clair que depuis que j'ai gagné un deuxième Grand Chelem, on m'a rapproché de lui parce qu'il a gagné aussi deux Grands Chelems. Mais si on compare les deux carrières, il est à des années-lumière de ce que j'ai accompli. Avec tous les titres qu’il a, les finales en Grand Chelem, la place de numéro 2 mondial, il a je ne sais pas combien de Masters 1000. C'est ce que j'ai répété souvent, ce n'est pas pour rien qu'il fait partie du Big four. Il a peut-être moins de gros titres que les trois autres mais il a toujours été présent avec eux en finale ou demi-finale. C'est impressionnant."
De mon très modeste point de vue, Wawrinka a entièrement raison, sauf peut-être sur ce qui concerne cette notion de "Big Four", dont j'ai moi-même dû user par souci de raccourci et par paresse, mais qui m'a au fond toujours dérangé. Djokovic, Federer et Nadal (dans l'ordre que vous voudrez) figurent parmi les 8-10 plus grands champions de l'histoire du tennis. Pas Murray. Sa carrière est formidable, mais incomparable avec celle des trois monstres qui pèsent à eux trois 42 titres majeurs.
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Stan Wawrinka

Crédit: AFP

Emergence tardive et inconstance

Pour le reste, il n'y a aucune fausse modestie mais une vraie lucidité de la part du Vaudois, qui avait d'ailleurs déjà tenu à peu près le même discours l'an dernier quand on lui avait dit qu'il avait peut-être créé le "Big Five". Il ne se sent pas de cette trempe là, en tout cas sur la durée. Et c'est entièrement vrai, pour deux raisons.
D'abord parce que Wawrinka a émergé très tard dans la catégorie des cracks. On parle là d'un joueur qui a fêté ses 28 ans sans jamais avoir vu la couleur du dernier carré en Grand Chelem. Stanislas a pris son temps pour devenir "Stan the man". Et c'est aussi ce que je trouve formidable dans sa trajectoire. Rien n'est définitif et il n'est jamais trop tard pour changer de dimension. "Deviens ce que tu es", écrivait Nietszche. Wawrinka avait tout en lui, dans son bras, dans ses jambes. Mais pour s'accomplir pleinement, pour "devenir ce qu'il était", il lui a fallu des années. Certains ont la certitude quasi-innée d'être des immenses champions. C'était probablement le cas de Djokovic ou de Nadal. Federer, mine de rien, a dû s'en convaincre. Idem pour Murray. Mais pour eux, c'était réglé à 21, 22 ans. Pour Wawrinka, ce fut donc beaucoup plus long.
L'autre raison pour laquelle Wawrinka ne peut être placé sur la même ligne qu'un Murray et encore moins qu'un Federer, un Nadal ou un Djokovic, c'est son inconstance au plus haut niveau, même depuis qu'il est devenu un vainqueur de Grand Chelem. Il lui arrive de bafouiller pendant des semaines. Il n'a pas la régularité de l'Ecossais, par exemple. Sans parler de celle de Djokovic.
Sa première moitié de saison 2016 a été très sinusoïdale. Capable de grappiller trois titres mais aussi de traverser le printemps des Masters 1000 sans rien montrer ou presque. Wawrinka, lui, est d'abord un homme de coups. Mais quels coups ! Son truc, depuis trois ans, ce sont les grands matches, les grandes scènes, les grands frissons. Là, sur un match, sur un tournoi, il est des leurs. Il est leur égal. Et même un peu plus, parfois. Rien ne traduit mieux ça que cette incroyable statistique : Wawrinka a joué 21 matches contre le numéro un mondial, qu'il fut Nadal, Djokovic ou Federer. Il en a perdus 19. Mais ses deux seules victoires, il les a signés en finale de Grand Chelem. C'est cela, Wawrinka.
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Stan Wawrinka

Crédit: AFP

Murray ? En-dessous du "Big 3", au-dessus de Wawrinka

Pour les deux motifs évoqués ci-dessus, son palmarès global reste faiblard par rapport à un Murray. Deux fois et demi moins de titres (14 contre 36), douze fois moins de Masters 1000 (1 contre 12), cinq fois moins de finales de Grand Chelem, etc. Autant le déficit de Murray dans les majeurs le prive de cette appartenance à la même galaxie que le trio Federer-Nadal-Djokovic, autant, à l'inverse, il ne doit pas inciter à le mettre dans une catégorie similaire à celle de Wawrinka.
Si le Grand Chelem constitue logiquement la principale référence, ce n'est pas la seule. Et elle ne tient pas lieu de vérité absolue. Le Grand Chelem n'a pas toujours raison. La preuve, Thomas Johansson a gagné un majeur. Mark Edmsonson aussi. Bravo à eux. Leur trace dans la mémoire collective est-elle pour autant plus importante que celle d'un Mecir, d'un Leconte, d'un Rios ou d'un Nalbandian ? Au strict minimum, ça se discute.
A chacun sa propre histoire. Mais viendra un moment où la somme des "coups" de Stan Wawrinka commencera à peser trop lourd pour qu'il soit encore raisonnable de le considérer à des "années-lumière" d'un Murray. Dès dimanche? Peut-être. S'il soulève à nouveau la Coupe des Mousquetaires, son bond dans l'histoire sera plus important que le simple passage de deux à trois titres. Parce que conserver un titre dans un majeur, c'est énorme. Surtout si cela doit venir, à nouveau, après une victoire sur le numéro un mondial. Wawrinka a donc raison. Mais peut-être plus pour très longtemps...
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