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Lancer une cagnotte pour aller aux Jeux ? "S'il n'y a pas d'argent, ce n'est pas le monde des 'Bisounours'"

Glenn Ceillier

Mis à jour 19/02/2024 à 21:07 GMT+1

Alors qu'il prépare les Jeux Olympiques de Paris 2024, Jerry Leconte a décidé de lancer une cagnotte début janvier pour l'aider à se concentrer sur son sport. Membre de l'équipe de France d'athlétisme, le sprinteur, également étudiant en psychologie, nous explique pourquoi il a choisi cette option, comme Dimitri Bascou, Frédéric Dagée ou encore Wided Atatou avant lui.

Jerry Leconte / DR

Crédit: Eurosport

Pourquoi avoir lancé cette cagnotte ?
J.L. : Dans de nombreux sports - notamment l'athlétisme -, il y a pas mal d'athlètes de très haut niveau ou même de haut niveau qui participent à de grandes échéances internationales, comme les Jeux Olympiques ou les championnats du monde, avec l'équipe de France, et qui n'ont pas les aides ni les fonds nécessaires pour poursuivre une préparation digne de ce nom. Il y a un manque de considération de la part de l'Etat notamment. Beaucoup de sports sont bien financés mais si vous regardez l'athlétisme, vous pouvez compter les athlètes qui vivent de ce sport sur les doigts de la main. Sinon, il y en a beaucoup comme moi qui luttent dans l'ombre et peinent à financer une saison.
Concrètement, pourquoi avez-vous besoin de cet argent ?
J.L. : Pour que les gens se rendent compte, il faut 20 000 euros minimum pour financer une saison au haut niveau. Il faut payer son coach, les déplacements, les stages à l'étranger, les soins, la préparation mentale, l'équipement comme les pointes, l'alimentation ou même les entraînements, notamment pour accéder à l'INSEP, qui peuvent être payants…
Mais votre Fédération ne prend pas en charge une partie de ces coûts ?
J.L. : La Fédération ne prend presque rien en charge, si ce n'est rien. A part pour le très, très haut niveau. On parle là de ceux qui baignent dans le Top 10 mondial. Pour les athlètes de haut niveau qui préparent les Jeux et qui ont de réelles chances d'y accéder, il n'y a pas d'aides. Donc on se retrouve à lancer des cagnottes…"
L'Agence Nationale du Sport, lancée en 2019, aide pourtant certains sportifs dans l'optique de Paris 2024 ?
J.L. : L'Agence nationale du sport a en effet été mise en place pour nous aider et c'est une bonne chose. Mais malheureusement, elle n'aide pas tout le monde. Car certains athlètes de haut niveau ne sont pas considérés comme des athlètes de haut niveau officiellement. Pour cela, il faut avoir "baigné" dans le cercle des médaillés internationaux. Sauf que pour accéder à ce niveau-là, il faut une aide en amont. C'est le souci en France : on veut vous aider une fois que vous êtes arrivés au sommet. Mais c'est l'inverse : pour arriver au sommet, il faut une aide conséquente."
Cela peut surprendre, car on se dit que les champions dont vous parlez et qui sont arrivés au plus haut niveau mondial n'ont justement pas forcément besoin de cette aide, étant donné qu’ils sont déjà dans la lumière…
J.L. : Quand on parle des sponsors, cela peut se comprendre, ils sont là pour faire du business. Mais pour les fédérations ou les autres partenaires, il y a un manque de considération. Et c'est pour cela que certains athlètes arrêtent de manière précoce. Il y a pas mal de gâchis à cause de cela.
Concrètement, que se passera-t-il si vous n'arrivez pas à récupérer l'argent ciblé par votre cagnotte ? Est-ce que cela peut-être un frein pour votre préparation pour Paris 2024 ?
J.L. : Ce serait totalement un frein. La preuve ? En début d'année, je travaillais pour pouvoir financer ma saison. Ça m'a permis de financer mon coach et ce dont j'avais besoin. Mais aujourd'hui, j'ai lancé ma cagnotte pour arrêter de travailler et me concentrer sur ma préparation. Si je n'avais pas reçu d'aide avec ma cagnotte, j'aurais dû prendre une décision. Alors peut-être pas cette année, comme il y a Paris mais l'année prochaine. Là, je sais que je mets tout en place car il y a ce projet de longue date avec les Jeux Olympiques. Mais pour les années à venir, ce n'est pas garanti que je continue à très haut niveau s'il n'y a pas d'aides derrière. S'il n'y a pas d'argent, ce n'est pas le monde des "Bisounours".
C'est devenu un sujet important dans votre milieu et avec les autres sportifs ?
J.L. : J'ai des collègues qui se battent aussi comme moi pour réussir à être considéré à leur juste valeur et avoir une certaine rémunération. Certains ont fait des dossiers de sponsoring pour cela. Malheureusement, on se retrouve à devoir faire ça alors que ce n'est pas notre travail. On devrait plus pouvoir se concentrer sur notre saison. Mais on éparpille notre énergie à droite et à gauche en allant dans les entreprises, par exemple pour réussir à se faire entendre. Mais j'ai aussi quelques collègues qui ont arrêté d'y croire et cela se ressent sur leurs performances.
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