Lemaitre donne rendez-vous

Confortablement installé auprès des proches de son athlète, Pierre Carraz a dû savourer le moment. Interdit d'avion après s'être bloqué le dos à la suite d'une chute en vélo début août, le coach de Christophe Lemaitre n'a pas fait le voyage à Daegu. C'est donc de chez lui que le coach d'Aix-les-Bains a vu son protégé monter sur le podium du 200m et raboter de 36 centièmes le record de France de la discipline (20"16). "J'espère que Pierre n'a pas sauté trop haut avec son dos", a plaisanté Lemaitre en conférence de presse.

Il y a un an, après le 100m de l'Euro barcelonais, Carraz s'était confié à nos confrères du Monde : "Christophe n'a aucune limite. Les limites, elles sont d'abord mentales, et ensuite, elles deviennent physique, hélas. Mais lui, il n'en a pas". Ce samedi, Lemaitre a montré, du haut de ses 21 ans, qu'il avait les nerfs solides. Et que ses jambes valaient de l'or. Tout du moins, du bronze pour l'instant. Avant de débriefer avec son entraîneur, le sprinter tricolore a donc analysé sa course avec les médias. "Je suis bien parti, après c'est devenu compliqué dans le virage", a-t-il expliqué. "Avec la vitesse, je me suis déporté et c'était très dur à contrôler".

Quatrième à la sortie du virage, Lemaitre a fait parler sa vitesse dans les 60 derniers mètres, sa marque de fabrique. "A l'entrée de la ligne droite, je me suis dit : c'est pas possible. Il faut vraiment que je fasse quelque chose. Je sais que mon point fort, c'est le finish". Sa quatrième place lors du 100m lui avait laissé un arrière-goût amer, dimanche dernier. Six jours plus tard, la (mauvaise) histoire est oubliée. "Je voulais attendre d'être certain d'avoir la médaille, parce qu'on ne sait jamais", a avoué le principal intéressé. "Mon sentiment ensuite, c'est que j'ai fait ce qu'il fallait".

Certain de ses possibilités, le Français ne s'est jamais vu plus beau qu'il ne l'était. Au moment de quitter les starting-blocks, il savait qu'il lui serait difficile de viser l'argent, encore moins l'or : "Troisième, c'est le maxi que je pouvais faire avec Bolt et Dix". Décrocher le bronze, assorti d'un nouveau record de France le contente largement. Il n'en demandait pas autant. "C'est bien, mais si j'avais été troisième sans le battre, j'aurais quand même pris la médaille". Son chrono fait de lui le 15e performeur de tous les temps. On lui prédisait une marque sous les 20 secondes. Il a fait beaucoup mieux que ça : "19"80, c'est quand même incroyable. Je suis surpris car entre espérer avoir une médaille avec un bon chrono et le réaliser, c'est tout de même différent", s'est-il étonné.

Tourné vers les prochains JO, Lemaitre a déjà donné rendez-vous. Londres va arriver vite. "J'ai prouvé que j'avais du potentiel, ça peut faire mal l'an prochain", prévient-il. De son côté, Usain Bolt a fait... du Bolt : "Je suis content, je reste le meilleur. Mais j'ai manqué la marche pour devenir une légende (disqualifié sur 100m). J'ai fait une erreur sur le 100m, mais je l'aurais gagné", a commenté le Caribéen qui a adoubé le Français à l'issue du demi-tour de piste. "L'accolade de Bolt m'a fait très plaisir", a conclu Lemaitre. "J'ai prouvé que je faisais partie des meilleurs, que je pouvais m'immiscer. Il y a maintenant beaucoup de respect entre nous". Le Français, qui sait que cette considération dépendra de ses propres performances, poursuit sa phrase comme pour prendre date : "Je pense que ça va continuer".