Sprint | Gout Gout ? "Un peu mieux techniquement qu'Usain Bolt au même âge"

Alors que l'Australien de 16 ans, Gout Gout, a fait trembler le microcosme du sprint en terminant un 200 m samedi en 20''04 soit plus vite qu’Usain Bolt au même âge, notre consultant Stéphane Caristan analyse le style du jeune phénomène. Et pour l’ancien champion d’Europe du 110m haies, il y a des ressemblances claires avec la légende jamaïcaine. Gout Gout serait même un peu en avance.

Gout Gout

Crédit: Getty Images

Un jeune Australien, Gout Gout, a battu samedi à 16 ans le record d'Australie du 200 m, terminant en 20’’04, plus vite que la légende Usain Bolt au même âge. Quelle est la première impression qu'il vous donne ?
Stéphane Caristan. : J'ai pu voir son 100 et son 200 mètres. Visuellement, c'est phénoménal ! Dans la partie de maintien de la vitesse et dans les 40 derniers mètres, il est juste incroyable car il arrive à garder une attitude très haute. Il ne ralentit pas par rapport aux autres et fait la différence. Ça prouve déjà une maturité étonnante pour son âge. Et techniquement, c'est déjà très abouti. On voit des gens courir bien à son âge. Mais lui, il court bien, il est juste et il va vite. Et à cet âge-là, c'est hallucinant.
Sa technique le rend déjà si spécial ?
S.C. : Je pense qu'il possède une capacité d'apprentissage qui doit être extraordinaire parce qu'encore une fois, il court juste. Comme Usain Bolt à son âge, il n'est pas explosif sur les premières parties. Il a un grand gabarit et est fin. En revanche, une fois qu'il est lancé et qu'il a fini sa phase de poussée, ça devient impressionnant techniquement. (…) Quand on voit ses fins de course sur son 200 m, il n'y a rien à dire. A 16 ans, techniquement parlant, il a un bassin qui est bien placé, les genoux qui restent haut, le pied qui reste très bref au sol et est donc très explosif : je le répète mais c'est juste phénoménal.
Vous parlez d'Usain Bolt. Il a justement confié que Gout Gout lui rappelait ses jeunes années. Est-ce que vous aussi vous voyez des similitudes avec la légende jamaïcaine du sprint ?
S.C. : Complètement, parce qu'on a parlé il y a quelques années du phénomène américain Erriyon Knighton (ndlr : qui avait battu le record d'Usain Bolt sur 200 m en U18). Mais je me disais : il va progresser un peu, mais il n'ira pas chercher les chronos d'Usain Bolt car, ce n'était pas abouti sur le plan technique. Alors que Gout Gout, c'est super propre techniquement, super juste. C'est une copie conforme d'Usain Bolt. Je pense même qu'il est peut-être un peu mieux techniquement qu'Usain Bolt qu'au même âge. Je me souviens de Bolt jeune. Lors d'un stage aux Antilles en 2003 alors qu'on préparait les Championnats du monde à Paris, on s'est intéressé à lui étant donné les bruits sur sa personne. Et c'était un jeune dégingandé. Il était frêle, grand. Mais musculairement parlant, il était en devenir. Le jeune Gout Gout est dans le même profil, mais, je trouve que techniquement, il est déjà plus pointu. En revanche, on ne connaît pas sa maturité et comment il va évoluer.
Est-ce possible de voir la marge de progression d'un sprinteur de cet âge-là ?
S.C. : Il est certain que pour réussir à courir sur des traces de Bolt, il faudra qu'il prenne de la puissance, mais il y a toujours le rapport poids-puissance à optimiser. S'il prend 10 kilos, mais qu'il ne travaille pas le maillon faible, ça sera 10 kilos de plus à traîner. Donc, il faut que ça soit fait intelligemment, qu'il prenne un peu de puissance, mais pas trop de poids. Et après, on pourra éventuellement faire une copie conforme d'Usain Bolt. Mais attention, il y en a eu d'autres (ndlr : des phénomènes annoncés). Il y a eu par exemple un jeune Japonais, Sani Brown, dont on promettait monts et merveilles. C'était un très, très bon technicien jeune, qui était musculairement déjà plutôt pas mal abouti aussi à 16-17ans. Et s’il a progressé, il reste à distance des tous meilleurs sprinteurs mondiaux. Là, Gout Gout est en avance, clairement et à tous points de vue. Mais est-ce qu'il va garder cette avance ?
Quels sont les risques ?
S.C. : Il va falloir être vigilant, pour qu'il ne se blesse pas, pour qu’il ne soit pas usé trop tôt. On a vu, sur des distances comme le 200 m ou plus sur le 400, des athlètes aussi forts, jeunes, et qui se sont un peu usés trop tôt, parce que les charges d'entraînement étaient lourdes, et que la progression derrière n'est pas aussi importante. La progression est violente entre 16 et 18 ans et elle ralentit après. C'est un peu le profil d'Erriyon Knighton, même si je pense que lui a atteint un pic de maturité très tôt, et que derrière, la progression, elle est plus conforme que l'explosion qu'il avait eue autour de ses 17 ans. Donc j'espère que pour Gout Gout, ce ne sera pas la même chose. Qu'il n'a pas une maturité précoce, et qu'il va continuer à progresser, peut-être pas aussi violemment, mais qu'il va progresser pour se rapprocher et peut-être dépasser Bolt un jour.
Peut-on prédire son prime si tout se passe bien, et savoir s'il faut l'attendre aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 2028 ou plutôt à Brisbane en 2032 ?
S.C. : Il aura 20 ans, presque 21, à Los Angeles en 2028, donc je n'ai aucun doute (ndlr : sur sa présence s’il confirme). A Brisbane, il sera peut-être déjà sur la pente descendante en fonction de sa maturité. Usain Bolt a explosé en 2008 et 2009. Et c'est à 23 ans qu'il a battu ses records du monde (9''58 sur 100 m et 19''19 sur 200m aux Mondiaux de Berlin en 2009). Donc très tôt. Et après, il est resté le meilleur mais sans aller chercher ses records. On verra quand Gout Gout sera à maturité, si c'est à Brisbane ou à Los Angeles. (…) La maturité en sprint, c'est autour de 23-27 ans. Mais il y a toujours les exceptions qui conforment la règle. Le sprint nécessite une certaine maturité technique, une maturité psychologique aussi, parce qu'il va falloir maintenant affronter la notoriété naissante, alors qu'il va être espionné et supervisé à chaque sortie.
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