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Ultra-trail : Comment Aurélien Sanchez a dompté la Barkley, l'ultra-trail le plus fou du monde

Paul Citron

Mis à jour 24/03/2023 à 14:32 GMT+1

Le vendredi 17 mars 2023, l’histoire de la course à pied extrême en France a fait un grand bond en avant. Au petit matin, perdu au fin fond du parc de Frozen Head dans le Tennessee, Aurélien Sanchez est devenu le premier Tricolore à terminer, et à remporter la dantesque et mythique Barkley. Pour Eurosport, le Toulousain raconte les moindres détails de cette course extraordinaire.

Barkley Marathons

Crédit: Getty Images

A jamais le premier. Aurélien Sanchez est le premier athlète à terminer la Barkley depuis 2017, une course infernale dans un parc du Tennessee. 5 boucles de 40 kilomètres chacune, avec 20 kilomètres de dénivelé, à boucler en 60 heures : un parcours dantesque que seuls 1% des partants parviennent à dompter, depuis 1986.
Le 17 mars 2023, le Français a fini la cinquième boucle après 58 heures et 23 minutes d’effort. Il revient pour Eurosport.fr sur les différentes étapes de cette épreuve folle, de l’inscription à l’arrivée.

L’inscription

"En 2017, je cherchais un peu de challenge, je tapais ‘courses les plus difficiles du monde’ sur Google, et je suis tombé sur celle-ci, rejoue Aurélien Sanchez. Elle rassemblait tout ce que j’aimais : l’autosuffisance, le dénivelé, le manque de sommeil…".
Mais pour s’inscrire à la Barkley, aucun site Internet n’existe. Il faut trouver le moyen de contacter Lazarus Lake, le créateur de la course, pour gagner sa place. "Je laisse les autres trouver le moyen d’y arriver, confie Sanchez. Ensuite, il faut convaincre Laz’ (Lazarus Lake) qu’on mérite d’être accepté. Seuls 40 coureurs peuvent participer chaque année. Depuis 2017, tous mes projets tournaient autour de ça, j’ai été patient, persévérant, alors il m’a donné ma chance."

Le créateur, Lazarus Lake

Personnage intrigant, Lazarus Lake est le créateur de la course, et en tire les ficelles depuis sa création. Il est à l’origine de plusieurs petits rituels qui frôlent le mystique : le départ de la course est officiellement donné lorsqu’il allume une cigarette, entre autres.
"J’ai énormément de respect pour lui, on le voit un peu comme un gourou mais c’est quelqu'un de très inspirant et de très intelligent. Je le vois aussi comme quelqu’un de très bienveillant", assure Sanchez.
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Gary Cantrell, alias Lazarus Lake, en 2007

Crédit: Getty Images

La préparation

"Je savais depuis l’automne que je pourrais courir. Pour me préparer physiquement, j’ai couru encore plus et avec du dénivelé, j’ai inséré des micro-siestes de 15 ou 20 minutes dans mon quotidien, mais j’ai aussi lu les rapports de fin de course des finisseurs précédents." Les commentaires des coureurs perdus en chemin sur cette course sans balisage, où les GPS sont interdits, représentent une mine d’informations pour les athlètes.
"J’ai fait de la cartographie, j’ai appris par coeur le profil du parc pour savoir où les gens se perdaient, où je devais être particulièrement vigilant… On fait tout ce qu’on peut pour être préparé au pire." Dans le parc de Frozen Head, Tennessee, sont tracées cinq boucles d’une quarantaine de kilomètres chacune. Pour être considéré comme un finisseur, il faut les avaler en 60 heures, sachant qu’une boucle correctement suivie vous prend environ une demi-journée.

Les conditions

"Cette année, les conditions ont été favorables, c’est peut-être aussi pour cela qu’il y a eu des finisseurs, reconnaît Sanchez. La course n’avait plus vu personne passer la ligne dans les temps impartis depuis 2017. Il a tout de même fait très froid, entre -5 et -10 degrés de ressenti la première nuit, mais il n’y a pas eu de brouillard, qui est fatal pour s’orienter."
"Entre la 3e et la 4e boucle, j’ai fait une sieste de 20 minutes, mes amis (dont Guillaume Calmettes, un autre participant) m’avaient apporté un matelas près de la porte jaune d’arrivée. Quand je me suis réveillé dans mon duvet, j’étais presque en larmes, mais j’avais sacrifié trop d’argent, trop de temps pour laisser tomber. Je savais que j’allais repartir."

Les difficultés

La fatigue physique due au manque de sommeil et à l’effort s’ajoute à la détresse mentale. "Au début de la 4e boucle, je m’endormais en marchant. Karel (Sabbe, qui a fini 2e) était avec moi, il m’a dit : ‘Quand on s’endort, on crie. Tu verras, c’est revigorant !’, alors on criait un peu dans les bois pour rester éveillé."
Les hallucinations ne sont pas rares pour les coureurs, à ce stade de la course. "Le cerveau fait aussi quelques associations. Pendant la course, c’est calme, mais il y a le bruit de fond des feuilles, des arbres et du vent. Je croyais que c’était Guillaume qui était devant moi, à 100 mètres, et qui m’encourageait. Je l’entendais me murmurer."

L’arrivée

"Quand on commence la 5e boucle, on sait que c’est la dernière. Arrivé à Garden Spot, aux deux tiers de la boucle, je commence à calculer le temps qui me restait. Là, une heure, là 45 minutes, et je vois que sans erreurs, ça devrait le faire. Mais je reste concentré le plus possible. Et dans la dernière descente, quand j’ai réalisé… J’ai les larmes aux yeux rien que d’y repenser. Vous êtes dans les bois tout seul, c’est silencieux… J’ai plein de sentiments liés à l’arrivée. De la fierté, de la joie, de la compassion pour Guillaume qui n’avait pas pu terminer…"
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La porte jaune, qui constitue la ligne d'arrivée de la Barkley. Crédit : Google Maps

Crédit: Eurosport

"De la frustration aussi, parce que je n’avais pas réussi à récupérer une page de l’un des 13 livres qui servent de checkpoints, pour prouver que l’on a bien suivi le tracé. En fait, un randonneur avait ramassé et l'avait ramené au camp, voilà pourquoi il était introuvable. Laz’ m’a dit que c’était OK, que j’avais bien fini la course dans les règles."
Le 17 mars 2023, Aurélien Sanchez a écrit une des plus belles pages de l’ultra-trail français et mondial, en devenant le premier Tricolore, et seulement le 17e homme, à parvenir à dompter la dantesque Barkley. Mais le coureur amateur est modeste, et déjà tourné vers la suite : "Je ne sais pas quand, mais j’aimerais bien y retourner."
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