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"Yoka, on en a fait une star alors qu'il n'est pas encore un champion"

François-Xavier Rallet

Mis à jour 07/04/2018 à 13:46 GMT+2

Pour sa quatrième sortie dans le monde professionnel, Tony Yoka affronte son compatriote Cyril Léonet, samedi à Paris. Un boxeur que le champion olympique aurait tort de prendre à la légère selon Jean-Philippe Lustyk. Pour notre confrère, ce combat doit remettre le Français de 25 ans dans le droit chemin après ses faux pas récents.

Tony Yoka

Crédit: Eurosport

Comme si de rien n'était - ou presque -, Tony Yoka prépare son quatrième combat chez les professionnels. Pourtant, l'ombre d'une éventuelle suspension plane au-dessus de la tête du Français depuis quelques temps. Pour avoir manqué, au moins, trois contrôles antidopage inopinés entre juillet 2016 et juillet 2017, le boxeur de 25 ans risque un à deux ans de suspension ferme. Le sursis de douze mois infligé par sa fédération aura sûrement un lendemain si l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ne l'entend pas de la même oreille.
En attendant une éventuelle sanction, Yoka, qui a plaidé la "négligence" tout en assumant "lesconséquences", continue de façonner sa carrière, de faire ses preuves. Pas à pas. Entremêlés de faux pas qui font parfois tâche sur la route qui doit le mener, un jour, au champion britannique Anthony Joshua. Depuis son or olympique à Rio, Yoka a eu plutôt tendance à s'éparpiller. Si son talent n'est pas remis en cause, son attitude sur et en dehors du ring fait parfois tiquer. La jeunesse ne fait pas tout. Et on pointerait presque plutôt du doigt un évident manque de professionnalisme. Pour Jean-Philippe Lustyk, plus diplomate, Yoka est un "jeune boxeur un peu immature."

"Baghouz n'avait disputé que quatre combats depuis 2013"

Samedi, au milieu du Palais des Sports de la Porte de Versailles, c'est un compatriote – une première - beaucoup plus expérimenté, Cyril Léonet, qui sera son adversaire. L'ancien quintuple champion de France (35 ans) chez les lourds affiche 25 combats pour 13 victoires, 9 défaites et 3 nuls. Le tour est vite fait mais Yoka aurait tort de ne pas se méfier. "Léonet, c'est un vrai boxeur, assure Lustyk, la voix du noble art en France et aujourd'hui journaliste sur la Chaine L'Equipe et I24News. Il n'a pas de gros moyens mais il est dur au mal. Il a un grand cœur et une carrière décente. Il est loin d'être mauvais."
Plus que l'adversaire, sensiblement meilleur que les trois précédents, c'est le timing qui pose problème. Comme si Yoka avait quelque chose à prouver tous les deux combats. "Il n'y a pas beaucoup de cohérence dans l'enchaînement de ses sorties (pour lesquels il touche 250 000 euros à chaque fois), acquiesce Lustyk, circonspect devant le "match making" proposé à Yoka. "Le premier combat (face à Travis Clark) ne rimait à rien. Comme la victoire a été trop facile, on va chercher un vrai poids lourd (Jonathan Rice). La victoire contre Rice n'étant pas rassurante, on redescend d'un cran pour prendre Ali Baghouz, expose Lustyk. "Mais depuis quatre ans, Baghouz, c'est un combat ! Ce boxeur belge n'avait disputé que quatre combats depuis 2013. C'était un non match qui ne servait à rien."
Tony Yoka contre Ali Baghouz le 16 décembre 2017 à Boulogne-Billancourt

"La Conquête", une erreur de marketing ?

Pour Lustyk, l'opposition contre Léonet est cette fois-ci un "vrai test". "Le choix est à la fois bon mais peut poser des questions. Si Yoka est prêt, il s'imposera facilement. S'il ne l'est pas, le combat risque d'être compliqué pour lui. Attention…" La fameuse "Conquête" est à ce prix. Un terme qui fait bondir notre ancien collègue. "C'est ridicule. C'est une erreur de marketing, regrette Lustyk qui explique ce cirque médiatique par un postulat de départ assez simple :
"Yoka est champion du monde et olympique de la catégorie reine (super-lourds) chez les amateurs. Une fin en apothéose. Et là, tout le monde s'emballe. Yoka fait la Une de Paris-Match, il forme un couple en or avec Estelle (Mossely). L'histoire est extraordinaire. Et lui est pris dans un tourbillon et n'a pas le recul nécessaire. Et puis Canal+ arrive et surfe sur ça. L'objectif est simple : faire de lui une star du sport. Mais on en a fait une star alors qu'il n'est pas encore un champion."

"Tu ne fais pas ça à ton 1er ou 2e combat"

L'obsession Joshua ne doit pas lui faire brûler les étapes. Un tel objectif semble aujourd'hui inopportun et finalement peut le desservir. Mais le plan marketing concocté par le diffuseur de ses combats n'aide pas à tempérer non plus. "La 'Conquête' de quoi ?, renchérit Lustyk. La 'Conquête' du public ? Il l'a déjà avec lui. La 'Conquête' arrivera au bon moment quand Yoka jouera un premier titre majeur, d'abord national et ensuite international et mondial. Conquête, c'est vendeur, mais le terme est vraiment mal choisi."
Gants aux poings, l'attitude de Yoka peut également en étonner plus d'un. Les petits pas de côté "à la Ali" n'ont-ils pas été trop précoces ? "Tony veut se créer un personnage. Qu'il soit juste Yoka. Quand Ali le faisait, il était déjà champion du monde. Tu ne fais pas ça à ton 1er ou ton 2e combat, ça ne se fait pas." Yoka est finalement dans l'air du temps, sensible aux mises en scène, aux réseaux sociaux. Le paraître y tient une place déterminante.
Mais Lustyk prévient et conclut : "La boxe est dure. Yoka est pétri de talent. Ses aptitudes sont énormes. Il suscite de l'intérêt, il est spectaculaire. Très bien. Personne ne remet ça en cause. Mais il doit encore prouver et trouver le juste milieu. Ce qui lui arrive en ce moment sera peut-être salutaire. Tout dépendra de la durée de la sanction (de l'AFLD)…" Autrement dit, le diamant reste à polir. Le jeune alchimiste doit juste en prendre conscience.
Tony Yoka contre Ali Baghouz le 16 décembre 2017 à Boulogne-Billancourt
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