Giro 2023 | Thibaut Pinot : "J’ai eu des pensées négatives dans le final"

Encore deuxième. Thibaut Pinot est de nouveau passé à un souffle d’une victoire sur le Giro, ce jeudi à Val di Zoldo. Cette place maudite par tout coureur, il en compte même cinq dans cette saison toujours sans succès pour le Franc-Comtois, après le Tour du Jura, le Tour du Doubs, Thyon 2000 sur le Romandie et l’étape du Crans Montana la semaine passée. Une accumulation d’autant plus frustrante que la retraite approche à grand pas et que les opportunités de mettre au fond se réduisent mécaniquement.

Evidemment, la teneur de la déception du jour n’est pas la même qu’il y a six jours. En Suisse, la stratégie employée par le Tricolore avait de quoi être discutée, sa fixette sur Cepeda et ses innombrables escarmouches ayant fini par le perdre. "Il est tombé sur plus fort que lui au sprint, a résumé, pour Eurosport, son directeur sportif Sébastien Joly. Il a bien manoeuvré, il est resté calme. Il n’y a pas grand chose à rajouter."

Le plan de la Groupama-FDJ avait été joué à la perfection. Pinot avait patienté sur le plat, laissant faire ses équipiers le travail, avant de sortir de sa boîte dans le Passo della Crosetta pour intégrer la bonne échappée. Une fois devant, il a fait parler les mollets pour distancer cinq de ses six compagnons avant d’être réglé au sprint par le dernier, Filippo Zana, qui ne l’a pas non plus vraiment volé. On pouvait s’attendre à voir un Pinot abattu, après la ligne, cette 18e étape ayant peut-être été son ultime occasion de lever les bras sur le Giro, et même en grand tour. Ce fut à l’inverse un Thibaut plutôt philosophe.

"Ça fait partie de la course, explique-t-il au micro d'Eurosport. Il y a quand même beaucoup moins de déception (qu’à Crans-Montana). J’ai vraiment mis tout ce que j’avais aujourd’hui. C’était une belle échappée. J’étais avec Warren [Barguil], Aurélien [Paret-Peintre}, ce sont vraiment des mecs que j’apprécie. L’échappée avait fière allure, on s’est bien entendus. Il y avait beaucoup plus de plaisir. Après je perds au sprint, je lance un peu de loin, je fais une erreur. Mais j’ai quand même moins de regrets que la dernière fois."

La pilule est sans doute plus facile à avaler qu’il craignait de ne plus avoir de nouvelles opportunités après celle de Crans-Montana. Mardi, il avait dévissé dans Monte Bondone. Plus de trois minutes de perdues sur les cadors et de vieux fantômes visiblement remontés à la surface, sans qu’on sache vraiment lesquels : “Il y a deux jours, si on m’avait dit que je pourrais encore jouer une étape sur le Giro, je n’y aurais pas cru. Je n’étais vraiment pas bien. J’avais des douleurs … qui me rappelaient de mauvais souvenirs. C’était vraiment important de pouvoir jouer la victoire d’étape aujourd’hui.”

Il y a donc presque du soulagement chez Pinot de pouvoir continuer à s’amuser ainsi, quitte à perdre au bout de la partie, lui qui a si souvent été privé de bac à sable ces dernières années. La fameuse cuisse sur le Tour 2019, à jamais inachevé. Le dos en compote qui lui a pourri la vie les deux années suivantes … Jouer la gagne est un sentiment précieux. Et Pinot, après tout ce qu'il a vécu, et dans la dernière ligne droite de sa carrière, en mesure pleinement la valeur.

Il reconnaît que le couac de la 13e étape, où il avait été devancé au sprint par Rubio, lui est revenu ce jeudi : “Je savais que le sprint était assez plat, normalement j’ai une assez bonne pointe de vitesse. J’ai eu des pensées négatives dans le final. Je pense que si j’ai un peu plus de confiance, je lance un peu de moins loin et ça peut le faire. Mais avec des si…”

Pour gagner, il faut être “dans une très grande journée” reconnaît-il. Lui n’a connu “qu’une bonne journée”, ce qui n’était donc pas assez pour lâcher Zana : “Il me manquait un petit truc”. Cette journée a néanmoins eu trois mérites pour Pinot. Primo, il s’est rassuré sur sa condition. Deuzio, il s’est rapproché au général, 7e à 4’43” du maillot rose et 1’04” de la 4e place. Et surtout, il a retrouvé sa tunique bleue de meilleur grimpeur, déjà portée en début de Giro. Celle-ci lui tient plus à cœur qu’on pourrait l’imaginer. Elle lui donne de la fierté.

"Je reprends ce maillot qui me représente bien et que je mérite, je pense. Je vais tout faire pour le défendre. Cela a toujours été un rêve de monter sur un podium du Giro. Ce ne sera peut-être pas sur le podium du général mais sur le podium du meilleur grimpeur.” Un moyen, aussi, de finir avec une belle “dernière image” sur ce Giro qu’il chérit tant. Avant ça, il reste trois étapes, dont la dernière en ligne en haute montagne, vendredi aux mythiques Trois Cimes de Lavaredo. Entre la quête d’une ultime victoire, le général et un maillot à défendre, elle ne manquera pas d’enjeux pour Pinot : “Demain, il y a vraiment de quoi faire pour passer une très belle dernière journée de montagne sur le Giro.” Et pour ses supporters de frissonner encore. Peut-être pour la dernière fois.