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Le Tour, une passion présidentielle française que Macron entretient parfaitement

Béatrice Houchard

Mis à jour 30/08/2018 à 17:28 GMT+2

En visite à Copenhague, le président a lui-même annoncé que le Tour partirait du Danemark "dans les prochaines années". Christian Prudhomme était dans ses bagages. Comme ses précédesseurs, Emmanuel Macron aime se mêler des choses de la petite reine. Chronique.

Emmanuel Macron

Crédit: AFP

Ils ne peuvent pas s’en empêcher, il faut qu’ils s’occupent de tout. De l’économie, de l’écologie (quoique…), de la culture (quand il reste un peu de temps et des euros dans le budget). Et, bien sûr, du Tour de France !
Les présidents de la République sont ainsi faits. La France, c’est l’Etat. L’Etat, c’est eux. Le Tour, c’est la France. Donc ils s’occupent du Tour. Le syllogisme est imparfait mais le résultat est le même.
Mardi soir, depuis Copenhague où il était en visite d’Etat, Emmanuel Macron a ainsi annoncé la bonne nouvelle : "le Tour de France partira du Danemark dans les prochaines années". Il n’est pas allé jusqu’à donner la date exacte (Copenhague est candidate pour 2020 ou 2021) ni le tracé de la première étape, mais c’est tout comme. Le directeur du Tour de France, Christian Prudhomme, était dans la délégation officielle autour du président. Comme on emmène des grands patrons avec l’ambition de vendre des Rafale ou des centrales nucléaires, Emmanuel Macron s’est donc autoproclamé ambassadeur n°1 du Tour. Le Tour lui dira sûrement merci.

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Emmmanuel Macron sur le Tour de France 2018.

Crédit: Getty Images

Sarzoky et Armstrong

Avant lui, d’autres présidents s’étaient intéressés de très près à la course, en vrais passionnés ou en opportunistes soucieux de bons sondages. Voire les deux. Pendant son quinquennat, on avait même vu, en octobre 2009, Nicolas Sarkozy accueillir pour déjeuner Lance Armstrong, l’année de son retour. Six mois plus tard, un jour de remaniement ministériel, le coureur américain d’avant la disgrâce avait offert au chef d’Etat pas encore battu un superbe vélo de course Trek marqué de sa signature (celle de Nicolas Sarkozy). Pour le président de la République, le vélo d’Armstrong était sûrement ce jour-là plus important que l’entrée au gouvernement de François Baroin et de Marc-Philippe Daubresse.
Mais si Armstrong ne lui a sans doute pas apporté un échantillon d’EPO, il avait peut-être tout de même un message. Pierre Bordry, ancien patron de l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, a ensuite assuré qu’Armstrong avait demandé et obtenu sa tête lors d’un de ses passages à l’Elysée, qui ne lui a jamais adressé de démenti. De même, on a du mal à imaginer que le retour d’Armstrong sur le Tour, négocié lors d’un dîner à Roissy avec les dirigeants d’ASO, n’ait pas eu la bénédiction du roi de France.
C’est que le Tour, malgré les affaires, le dopage et compagnie, reste populaire, contrairement aux présidents. Le Tour de France a plus fait pour le rayonnement du pays que bien des programmes économiques.
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Nicolas Sarkozy et Bernard Hinault.

Crédit: Getty Images

LeTour, ça peut porter bonheur

S’occuper du Tour, c’est donc comme aller toucher la malformation des bossus, ça peut porter bonheur. "Touchez ma bosse, Monseigneur !" Il suffit d’y croire. Et comme Emmanuel Macron avait finalement renoncé à suivre en juillet l’étape prévue dans les Pyrénées, en pleine affaire Benalla, il a passé son oral de rattrapage à Copenhague. En prime, il a même fait du vélo. C’est Anne Hidalgo qui va être jalouse : il y a là-bas plus de bicyclettes que de voitures en circulation…
Mais au-delà de la quête d’une improbable et éphémère popularité, la passion des hommes politiques pour le cyclisme est peut-être ailleurs. La course cycliste ressemble à une campagne électorale, avec des noms d’étapes qui fleurent bon la commune enclavée, le chef-lieu de canton et le scrutin majoritaire (à deux tours, évidemment), les cloches qui sonnent dans des églises vides comme certains soirs les salles de meetings, avec des victoires électorales en guise de palmarès. Il y en a même qui jouent le rôle de l’éternel second.
Ce qu’ils aiment, c’est la France, bien sûr, même l’année où le Tour partira du Danemark. Mais aussi le goût de la poudre, que n’offre pas de la même manière le football ou le saut à la perche. C’est peut-être Jean d’Ormesson qui a donné la clé de tout cela dans son roman Au plaisir de Dieu, mélange de vrais souvenirs et de mémoires inventés : "Le Tour de France passionnait mon grand-père, écrivait l’académicien. Peut-être le suivait-il en esprit comme le roi, jadis, observait les batailles, entouré de courtisans, des plans de forteresse répandus à ses pieds, une longue-vue à la main, du haut de la colline qui dominait la plaine".
Attention tout de même : avec leur longue vue, les présidents risquent d’avoir de la France une image biaisée s’ils ne regardent que les étapes du Tour. Car la France du Tour est une France qui, invariablement et sur plus de 3000 kilomètres, garde le sourire aux lèvres. Comme, très probablement, les habitants de Copenhague, puisque le Danemark est, dit-on, le pays le plus heureux du monde.
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