Rebelote pour Vino?

C'est un signe qui ne trompe pas. Quand on demande au clan Gilbert qui pourrait priver la star belge d'une nouvelle victoire en ce printemps 2011 dimanche à Liège, un nom revient systématiquement en premier: Alexandre Vinokourov. "Je ne vois pas grand monde capable de lui résister, mais méfions nous quand même, notamment de Vinokourov", souffle ainsi Jurgen Van den Broeck, un des lieutenants de Gilbert chez Omega Pharma. Il est sage de se préoccuper du Kazakh. D'abord parce qu'il est le tenant du titre. Ensuite parce qu'il affiche une forme croissante.

Si beaucoup sont redescendus du Mur de Huy avec un gros mal de tête après la démonstration de Gilbert, Vinokourov, lui, a quitté la Flèche Wallonne avec un moral reboosté. Sa quatrième place est passée presque inaperçue, mais elle constitue pourtant le meilleur résultat du leader d'Astana à Huy. Sans un mauvais placement avant le dernier virage, il aurait même pu espérer mieux. Sans doute une place sur le podium. "Ce n'était pas possible de battre Gilbert, admet-t-il, mais j'ai pensé au podium." Ce résultat a presque valeur de victoire pour lui. "Je me sentais déjà bien avant la course mais, aujourd’hui, ça me confirme que je suis vraiment en bonne forme, reprend le Kazakh. En tout cas, ma confiance est encore plus renforcée avant Liège."

Plus adepte des attaques anticipées que des sprints en côte, Vino n'a jamais été très à l'aise sur la Flèche. Il préfère l'Amstel (victoire en 2003) et surtout Liège-Bastogne-Liège (victoires en 2005 et 2010), dont le profil usant permet d'envisager une offensive en des endroits très divers dans les 50 derniers kilomètres. Lui aime se découvrir, agir au grand jour. Sur la Flèche, pour gagner, il faut souvent courir caché jusqu'aux 300 ou 400 derniers mètres. Pas pour lui. Le schéma liégeois lui sied nettement mieux. On a beau connaitre Vino, se préparer à son attaque, il demeure capable de surprendre. C'est justement ce côté imprévisible, compliqué à maîtriser pour l'adversaire, qui suscite l'attention de Philippe Gilbert.

Les deux champions, sans doute parce qu'ils ont un peu le même tempérament, s'apprécient. Mercredi, Gilbert est même allé discuter avec Vinokourov en début de course. Les deux hommes avaient envisagé une attaque à 10 kilomètres de l'arrivée, pour éviter de tout jouer dans le Mur. Le Belge croyait encore, à cet instant, qu'il ne pourrait s'y imposer à la pédale. L'affaire n'a pas eu de suite, mais elle est révélatrice d'un respect mutuel. D'une même approche de la course aussi. Et Gilbert le sait, Vinokourov est un des rares à pouvoir le prendre à défaut dimanche. Compte tenu de sa condition exceptionnelle, pour battre le Liégeois, il faudra prendre des risques. Etre prêt à tout, quitte à tout perdre. Ne pas donner dans la demi-mesure. Vinokourov entre précisément dans ce schéma. "A mon âge, on ne vient plus pour être dans les dix premiers", sourit l'intéressé, lui aussi en quête d'une place dans l'histoire.

Si Gilbert vise un triplé ardennais dantesque (et même un quadruplé inédit puisqu'il a également remporté la Flèche Brabançonne juste avant l'Amstel), Vinokourov peut de son côté entrer dans le cercle très fermé des triples vainqueurs de la Doyenne. Une performance inédite depuis 20 ans et Moreno Argentin. On pourrait rêver d'un moins beau dénouement qu'une explication mano a mano entre ces deux là. En deux phrases, Vino termine par une promesse et un avertissement: "Dimanche, on se retrouvera avec Gilbert. Mais ce sera une course très différente". Sur les deux points, il pourrait bien avoir raison.