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Triple et quadruple couronnes : Remco Evenepoel et Annemiek van Vleuten, maîtres et souverains

Benoît Vittek

Mis à jour 26/09/2022 à 17:22 GMT+2

MONDIAUX - Deux semaines après leurs conquêtes espagnoles sur les routes de La Vuelta, Remco Evenepoel et Annemiek van Vleuten ont mis le monde à leurs pieds en Australie. Le Belge ajoute un nouveau triomphe à son palmarès, après avoir décroché son premier Monument et son premier Grand Tour cette année. La Néerlandaise s’offre une quadruple couronne en 2022 après avoir remporté le Giro et le Tour.

Evenepoel intouchable, Alaphilippe déchu : le résumé des Mondiaux en vidéo

L’arc-en-ciel ? La Maglia Rosa ? Le Jaune, La Roja… Un maillot belge ou Oranje ? Si vous étiez Annemiek van Vleuten ou Remco Evenepoel, au bout d’une longue saison de conquêtes remarquables, dans laquelle de vos belles tuniques arrachées de haute lutte vous glisseriez-vous pour mieux prendre la mesure de vos exploits ? Héros de la fin de l’été, l’étoile néerlandaise et le prodige belge se sont offerts la plupart des maillots les plus convoités du cyclisme avec deux sacres en apothéose ce week-end à Wollongong.
Il y a d’abord eu le choc. Un coude bandé, les yeux écarquillés et la bouche déjà tordue par le cri de joie qu’elle s’apprêtait à libérer de ses poumons déjà bien sollicités pendant quatre heures et demie d’efforts : quelques instants après son attaque victorieuse dans le dernier kilomètre, Van Vleuten comprenait qu’elle venait de renverser tous les pronostics pour décrocher l’or de la course en ligne trois jours après sa chute dans le contre-la-montre par équipes.
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La débâcle néerlandaise puis le miracle van Vleuten : le résumé de la course

Le lendemain, Evenepoel ouvrait la route seul depuis une demi-heure lorsqu’il a franchi l’arrivée. Il a eu le temps de se projeter vers son sacre. Il n’en secouait pas moins une main et la tête en signes d’incrédulité au moment de son sacre historique.
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L'émotion d'un gamin en or : L'arrivée d'Evenepoel en vidéo

Il y a ensuite eu les célébrations. Evenepoel n’a pas beaucoup vu son lit, comme il l’avait annoncé. On imagine que Van Vleuten, réputée pour son rigorisme, est restée plus sage, même si "elle aime partager un bon repas avec ses proches quand elle ne se discipline pas pour les courses", nous expliquait son ex-coéquipière Gracie Elvin au moment de dresser le portrait de la vainqueure du Tour de France Femmes cet été.
Place désormais aux premières analyses, pour mieux saisir la portée historique des exploits de la reine Miek et du roi Remco. On connaissait la triple couronne Giro-Tour-Mondial d’Eddy Merckx (en 1974) et Stephen Roche (1987). Van Vleuten ajoute une quatrième couronne avec sa conquête du Challenge by La Vuelta. Evenepoel a remis au goût du jour ses trois attributs du pouvoir en 2022 : un Monument (Liège), un Grand Tour (La Vuelta) et l’arc-en-ciel.
Laissez-le régner sur sa génération
Si on ajoute la Clasica San Sebastian, théâtre aoutien d’un nouveau grand numéro dans la jeune tradition evenepoelienne trois ans après un premier coup de tonnerre adolescent, le loup Remco s’est même offert une série de succès inédite. Et pour cause : la Clasica n’existait pas à l’époque du roi Eddy (Roche y a pris la 7e place en 1983).
Au-delà la statistique anecdotique, la geste historique du cyclisme réserve une grande place au jeune Belge. Un Grand Tour et le titre mondial la même année, on n’avait plus vu ça depuis Greg LeMond, en 1989, quelques semaines après avoir arraché le maillot jaune sur les Champs Elysées. Mais doubler victorieusement à Madrid et sur le pinacle mondial, c’est purement inédit.
Si on considère les Monuments, Grands Tours et Mondiaux, soit les trois plus grandes classes de rendez-vous du cyclisme sur route, Evenepoel est seulement le quatrième coureur à mener toutes ces conquêtes lors de la même saison. Alfredo Binda (en 1927), Eddy Merckx (1971) et Bernard Hinault (1980) l’avaient fait dans l’année de leurs 25 ou 26 ans, au moment de confirmer une supériorité déjà bien affirmée.
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Evenepoel, le plus grand talent depuis Hinault et Merckx ?

Les coups de maître d’Evenepoel s'apparentent plutôt à des coups d’essai victorieux. À 22 ans, il participait pour la première fois à Liège-Bastogne-Liège (mais il aurait presque pu faire les 15 derniers km, où il s’est envolé seul, les yeux fermés, a-t-il assuré). La Vuelta, "c’est le premier Grand Tour où je m’aligne en bonne santé", expliquait-il, laissant derrière lui le loupé du Giro 2021, sa course de reprise dix mois après une grave chute en Lombardie.
"J’ai déjà vécu beaucoup de choses, ça m’a permis de devenir qui je suis aujourd’hui", rappelait-il pendant La Vuelta, au moment de devenir le premier Belge vainqueur de Grand Tour depuis 1978. Victime d’une nouvelle chute, Primoz Roglic n’était plus là pour lui donner la réplique, le renverser ou magnifier son succès. Capable de tenir la distance sur trois semaines, Evenepoel doit encore montrer qu’il peut jouer dans la cour des Tadej Pogaçar et autres Jonas Vingegaard. Certes.
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Evenepoel : "J'ai gagné tout ce que je pouvais gagner"

Mais les circonstances font partie intégrante du cyclisme et tout l’enjeu a toujours été de les orienter en sa faveur. Brillant depuis ses débuts mais parfois frustré, Evenepoel a trouvé toutes les clés cette saison, au point d’être consacré par Merckx lui-même : "Chaque génération a son meilleur coureur. Laissez-le régner sur la sienne."

Van Vleuten, là-haut sur la montagne

Chez les femmes, c’est simple : personne n’a jamais accompli les exploits qu’Annemiek van Vleuten produit semaine après semaine. Son nouveau triomphe à Liège ? Elle est la femme qui est montée le plus souvent sur le podium dans la Cité ardente, dont elle connaît toutes les marches (vainqueure en 2019 et 2022, 2e en 2021, 3e en 2018). Sa conquête magistrale du Giro Donne ? Elle est désormais triple vainqueure de l’épreuve italienne, sur laquelle elle a emporté 13 victoires d’étapes et 25 Maglia Rosa.
L’été lui a permis de défricher de nouveaux territoires sur "le Tour" (version féminine) et "La Vuelta" (ou du moins son "Challenge" pour les femmes, en parallèle de la course masculine, avant de devenir un événement séparé en mai 2023). La pionnière néerlandaise, réputée pour sa précision et son investissement à l’entraînement, est habituée à explorer de nouveaux horizons.
Ses exploits liégeois trouvent un écho historique modéré : la "Doyenne", qui voit depuis 1892 les hommes filer de Liège à Bastogne pour mieux remonter vers la Cité ardente, ne connaît une épreuve féminine que depuis 2017, de Bastogne à Liège. Le Giro Donne existe depuis 1988 et a consacré des championnes historiques comme Fabiana Luperini ("Pantanina", qui s’est imposée à 5 reprises) et désormais Van Vleuten, qui a éprouvé dans les Dolomites ses talents de grimpeuse au moment de se réinventer, en 2016, et de devenir irrésistible sur les grandes épreuves par étapes.
Sur le Tour de France Femmes avec Zwift, premier du nom, Van Vleuten n’a pas manqué de rappeler qu’il s’agissait d’une "nouvelle version" de l’épreuve qui avait déjà consacré des championnes comme Millie Robinson, Jeannie Longo ou Leontien van Moorsel, couronnée en 1992 au sommet de l’Alpe d’Huez, la "Montagne des Hollandais" où Van Vleuten rêve d’adieux triomphaux avant de prendre sa retraite fin 2023. Le Tour Femmes devrait plutôt la mener dans les Pyrénées, avant d’explorer les Alpes lors d’une autre édition.
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Quelques secondes de course et déjà une chute : Van Vleuten et les Pays-Bas ont tout perdu

La Néerlandaise manque rarement de donner son avis. Sur le Tour, elle saluait l’équilibre du parcours mais estimait que les chemins blancs n’avaient pas leur place et appelait de ses voeux un contre-la-montre. Avant la Challenge by La Vuelta, elle était plus critique : "Je ne peux pas vraiment dire que le triplé [avec le Giro et le Tour] est un objectif en soi. Même si la Ceratizit Challenge porte le nom de La Vuelta, elle n’a pas encore les étapes dures et la distance qui permettent de la considérer comme un Grand Tour. Ce sont seulement cinq jours de course, dont un sur le circuit de Madrid."
En 2022, les trois "Grands Tours" féminins représentaient un total de 23 jours de course qui ont permis à Van Vleuten de remporter les trois classements généraux, cinq étapes et onze maillots de leader du classement général. Autant d’exploits qui, sans atteindre la légende des "forçats de la route", en font une géante de son sport.
À travers ses accomplissements sportifs, Remco Evenepoel a lui signé une autre forme de miracle, en satisfaisant le cyclisme belge qui bouillonne depuis un demi-siècle, impatient de trouver le successeur d’Eddy Merckx. Longue vie au roi Remco ? Le futur s'annonce brillant et pourrait le ramener sur les routes du Giro dans quelques mois, avant de s'attaquer au Maillot Jaune à l'avenir. Miek a elle déjà fixé le terme de son règne : 2023, année qui la verra fêter ses 41 ans et faire ses adieux tout en portant l’arc-en-ciel qui distingue sa majesté.
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