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Romain Bardet sur l'évolution du métier de cycliste : "On est de plus en plus des exécutants"

Mis à jour 05/01/2024 à 14:18 GMT+1

Interrogé lors des Etoiles du sport, fin novembre à Tignes, Romain Bardet (33 ans) fustige la concentration des talents dans trop peu d'équipes, qui régit et dessert en partie le cyclisme à ses yeux. Le Français de DSM-Firmenich PostNL ne brûle plus d'envie de jouer le classement général du Tour de France. Il apprécie son rôle de mentor mais regrette que le vélo perde sa "grande part d'humain".

Bardet : "Je suis et j'ai été un bon coureur, pas un champion"

Comment imaginez-vous la saison 2024, de manière globale ? Dans la continuité de ce que l'on voit depuis quelques saisons ?
Romain Bardet : Oh oui. L'articulation des équipes, avec la surenchère dans l'addition de grands noms du cyclisme, confère une telle force aux grosses écuries… Outre le triplé de la Jumbo sur la Vuelta, Adam Yates est un exemple symptomatique. Recruté comme un gregario en 2023 [par UAE Emirates en provenance d'INEOS Grenadiers, ndlr], il fait sa meilleure saison en tant que lieutenant de Tadej Pogacar, il est dans les dix meilleurs mondiaux. Un leader d'une "petite équipe" qui va dans une grosse cylindrée, pour être n°2 ou n°3, va bénéficier de la force collective. Je vois encore une densification de ce pool de deux/trois équipes qui dominent. Et pour les autres : c'est compliqué.
Je n'ai pas l'impression que l'on mette les choses en place pour éviter l'écueil qui se produira forcément dans les saisons à venir
La fragilité économique du monde du vélo touche même ces grosses équipes. Comment l'analysez-vous ?
R. B. : C'est vrai que c'est étonnant. Même des équipes qui sont dans le paysage depuis de nombreuses années ont une certaine vulnérabilité. Même des coureurs à grosse renommée peuvent se retrouver rapidement dans l'incertitude. [Il réfléchit.] Je pense qu'on n'est pas sur un développement de très long terme avec ce système de fonctionnement, ces disparités en termes de budgets et d'effectifs. On a eu une alerte en 2023 et, malheureusement, je n'ai pas l'impression que l'on mette les choses en place pour éviter l'écueil qui se produira forcément dans les saisons à venir.
Le cyclisme, tel qu'il devient, ne vous plaît plus trop ?
R. B. : Je préférais le métier il y a dix ans. Je pense qu'il y avait une plus grande part d'humain. J'ai toujours aimé la part autodidacte dans le vélo. Cette part à quasiment disparu dans la planification, dans l'entraînement. J'ai la sensation qu'on est de plus en plus des exécutants, parce que la science a pris le dessus. On arrive à cerner la performance dans ses moindres détails et cela va de pair avec le fait que de plus en plus de jeunes arrivent à éclore si précocement. Les logiciels sont bien établis, on fait rentrer les jeunes dans le système. Il y a moins de place pour le côté autodidacte de gars qui arrivaient et faisaient des choses selon leur feeling… des coureurs à la Thibaut Pinot, finalement.
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Qu'est-ce qui vous anime encore dans ce métier, à l'aube de votre treizième saison chez les pros ?
R. B. : Je crois que j'aime l'adrénaline de la course. Le fait de se préparer, aussi. J'ai également une mission de transmission auprès des jeunes. J'ai découvert des ressources insoupçonnées, concernant ce que l'on peut faire collectivement. On n'a pas une équipe [DSM-Firmenich PostNL, ndlr] avec des grands noms, mais avec une volonté commune, on a gagné pas mal d'étapes sur les Grands Tours auxquels j'ai participé. C'est un plaisir de ne plus évoluer uniquement avec des ambitions personnelles, d'avoir aussi ce rôle de facilitateur.
Et qu'en est-il justement de vos ambitions personnelles ?
R. B. : [Sans hésitation.] J'aimerais bien gagner sur le Giro. C'est un truc que j'aimerais cocher avant d'arrêter. Ce serait un beau clin d'œil, même si j'ai assez peu d'expérience sur cette course. Je ne l'ai faite que deux fois et je ne l'ai terminée qu'une fois. Je suis content d'avoir mis un peu plus le focus sur cette épreuve lors des dernières années. C'est de plus en plus compliqué de jouer un "Top 5" en Grand Tour. Je navigue maintenant plutôt entre la 5e et la 10e place. C'est d'autant plus important d'avoir cette mission complémentaire.
On aimerait me ramener à mon niveau du Giro 2022
Cela doit être frustrant d'être "un coureur du Tour" et de se dire que ce "Top 5" devient quasiment inaccessible.
R. B. : C'est réaliste. Sur un Giro ou une Vuelta, si je me prépare à fond pour cela, c'est encore envisageable. Mais sur le Tour de France, c'est un petit peu bouché. J'ai fait plusieurs fois entre 5 et 10. Le faire n'est plus brûlant en moi. Je préférerais de nouveau gagner une belle étape sur le Tour. On aimerait me ramener à mon niveau du Giro 2022 [4e à 14 secondes du maillot rose après 12 étapes, avant un abandon sur maladie, ndlr]. Niveau que je n'ai pas réussi à atteindre lors du Tour de France l'année dernière [12e après 13 étapes, avant un abandon sur chute], alors qu'on pensait pouvoir le répliquer.
Que pensez-vous de l'arrivée de Warren Barguil ?
R. B. : C'est une super nouvelle. Je suis très content, on s'entend très bien. On est un peu des anciens maintenant… ça fait bizarre de dire cela, parce qu'on n'a pas vu le temps passer. C'est super parce qu'on est intrinsèquement très proche, dans la manière de courir. Il connaît bien la boutique [Barguil l'a intégrée en tant que stagiaire en 2012, puis en a été membre à part entière entre 2013 et 2017, ndlr], il va apporter ce côté meneur dont la jeune garde a besoin pour progresser. Et je pense que, d'un point de vue sportif, ça va aussi le relancer.
Vous êtes en dernière année de contrat. Avez-vous encore un plan de carrière, envisagez-vous d'arrêter ?
R. B. : On va voir comment la saison se déroule. Il n'y a pas de direction, ni dans un sens ni dans l'autre. J'ai la chance que cela se passe très bien avec l'équipe. Ce sera une réflexion personnelle au cours de la saison.
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Rétro 2016 - Bardet avait attaqué avec Cherel dans la descente de Domancy pour triompher au Bettex

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