La Vuelta - "C'est un filou, il sait comment gagner" : Rui Costa a encore fait du "Rui Costa" lors de la 15e étape

Rui Alberto Faria da Costa a encore frappé. Sur la pente descendante depuis quelques années, le Portugais a rappelé qui il était à la planète cyclisme en remportant la 15e étape de la Vuelta au sprint à Lekunberri, en Navarre. Incapable de gagner sur un Grand Tour depuis dix ans et ses deux victoires d'étape lors du Tour 2013, le coureur de 36 ans a signé un succès qui porte son nom. Une "Rui Costa".

Ceux qui le connaissaient bien savent de quoi on parle. L'ancien de la Movistar, Lampre et UAE - Emirates est encore arrivé en petit comité pour un sprint après avoir économisé ses efforts au maximum dans la partie finale de l'étape. Ici, il a gardé du jus dans la dernière ascension de la journée : le Puerto de Zuarrarrate (2e catégorie), le "climax" de cette 15e levée. Cela lui a valu une explication de texte avec un Santiago Buitrago furieux. Le grimpeur colombien de la Bahrain - Victorious lui a reproché de ne pas travailler pour aller chercher Lennard Kämna, alors seul en tête.

L'Allemand est finalement tombé dans la descente, avant de rejoindre dans le final le duo Rui Costa - Buitrago, évidemment en train s'observer et se neutraliser. Les trois coureurs ont donc joué la gagne dans un sprint digne d'une épreuve sur piste. A ce petit jeu, Rui Costa a été le plus malin, comme souvent dans ce type d'arrivée tactique. "Une victoire sur le Tour d'Espagne, pour moi c'est très très important, pour l'équipe également. Je suis tellement heureux", a réagi le héros du dimanche après l'arrivée.

Pas le plus fort en ascension, pas le plus gros rouleur, pas le plus rapide au sprint : Rui Costa n'avait aucune qualité pour remporter ce genre d'étape sur le papier. Il a donc gagné. "C'est un filou, mais il a quand même des qualités. C'est vrai que dans ce final, il fallait être bon physiquement, c'est sûr. Mais tactiquement, il ne fallait pas faire d'erreur. Ils ont peut-être un peu joué sur le final et on sait que c'est un coureur d'expérience, il sait bien manœuvrer. Il a déjà joué pas mal de victoires d'étapes et il sait comment gagner", a analysé David Moncoutié sur le plateau des Rois de la Pédale sur Eurosport.

Même s'il a peu levé les bras depuis 2017 - date de ses derniers succès en World Tour à Abu Dhabi - Rui Costa n'a pas perdu le flair du dernier kilomètre qui lui sied si bien. Si les scénarios diffèrent évidemment, son sprint ressemble un peu à celui qui l'avait sacré champion du monde sur route en 2013 en Toscane. Certains y verront un clin d'oeil : il va d'ailleurs fêter les dix bougies de son sacre arc-en-ciel à la fin du mois. Rejoignant Joaquim "Purito" Rodriguez dans le dernier kilomètre, il avait alors déclenché son sprint aux 150 mètres et tenu bon face à l'Espagnol, mécontent de le voir recoller à ses fesses si près du but. Dimanche, dix ans après, il a répondu au sprint lancé par Kämna aux 100 mètres, pour le griller juste avant la ligne.

"Je ne suis pas sûr qu'il était certain de s'imposer, mais il a quand même une belle pointe de vitesse. Kämna est plutôt un rouleur, Buitrago est plutôt un grimpeur et ça s'est joué aussi à la fraîcheur, au métier", a analysé Jacky Durand sur le plateau des Rois de la Pédale. "Je pense que Rui Costa n'était pas le plus fort, mais ça a été le plus malin. Il n'a pas relayé Buitrago dans la dernière ascension et il a gardé des forces. Je pense que c'était le moins fort des trois".

Le moins fort a donc levé les bras. A 36 ans, et en approche de la fin de son aventure chez les professionnels, le natif de Póvoa de Varzim a ajouté un 31e succès chez les professionnels à son beau palmarès. Ce succès n'est pas non plus venu de nulle part. Dans cette Vuelta, le Portugais a pris l'échappée par quatre fois et il a été en quelque sorte récompensé de son abnégation. Il lui manquait encore ce succès sur le Tour d'Espagne, une course à laquelle il n'avait pris part qu'à deux reprises en 2017 et 2020. Là-aussi, c'est une statistique très "Rui Costa".

Cette saison 2023 était aussi celle de sa petite renaissance car il avait levé les bras à trois reprises en début d'exercice : lors du Trofea de Calvia, sa première course de la saison fin janvier, puis sur le Tour de la Communauté de Valence où il avait remporté la 5e étape et le général. Rui Costa cette saison, c'est donc quatre succès acquis en Espagne. Une belle curiosité. "L'équipe a toujours cru en moi dès les premiers moments. J'avais attaqué le début de saison en très bonne condition", a-t-il rappelé.

En plus de se libérer personnellement, l'ancien coéquipier de Tadej Pogacar fait aussi respirer sa formation cycliste Intermarché-Circus-Wanty Inter. "C'était le but du Tour d'Espagne de gagner une étape et c'est Rui qui l'a fait juste avant la journée de repos", s'est réjoui le Français Hugo Page au micro d'Eurosport à l'arrivée. "Donc c'est bien, on va pouvoir profiter et bien se reposer. Le but est accompli pour l'équipe. Cela va être un poids en moins. Le groupe vivait bien et je pense qu'il va encore vivre mieux. Et on a encore une semaine pour faire comme Rui Costa."